Misia Sert

« Une belle panthère, impérieuse, sanguinaire et futile » disait Eugène Morand, le père de Paul.

Misia boudeuse, artificieuse, réunissant des amis qui ne se connaissaient pas « pour les mieux pouvoir brouiller ensuite » disait Proust. Proust l’a peinte sous les traits de la princesse Yourbeletieff de Sodome et Gomorrhe

« Misia, non pas telle que ses faibles Mémoires la recomposent, mais telle qu’elle exista : effervescente de joie ou de fureur, originale et emprunteuse, récolteuse de génies, tous amoureux d’elle : Vuillard, Bonnard, Renoir, Stravinsky, Picasso… collectionneuse de cœurs et d’arbres Ming en quartz rose ; lançant ses lubies, devenues des modes aussitôt exploitées […] Misia, reine du baroque moderne, ayant organisé sa vie dans le bizarre, dans la nacre, dans le burgau ; Misia boudeuse, artificieuse, géniale dans la perfidie, raffinée dans la cruauté […]. Elle excitait le génie comme certains rois savent fabriquer des vainqueurs, rien que par la vibration de son être […] Forte comme la vie chevillée en elle, avare, généreuse, enjôleuse, brigande, subtile, commerçante, plus Mme Verdurin que la vraie, prisant et méprisant hommes et femmes, du premier coup d’œil […] Misia aussi capitonnée qu’un sopha, mais si vous aspiriez au repos, un sopha qui risquait de vous envoyer au diable […] avec elle, il fallait faire vite. »

— Paul Morand, Venises

« Misia est placée dans l’axe du goût français comme l’aiguille de Louqsor dans l’axe des Champs-Elysées ».

Paul Morand, Venises

  1. Dans le Salon de Misia Sert…
  2. Misia Sert, égérie « Belle Epoque » aux mémoires réinventés
  3. Misia à La Grangette
  4. Le fabuleux destin de Misia Sert (France Musique)
  5. Misia et Cocteau
  6. « Carte postale » de Francis Poulenc
  7. Erik Satie dédie à Misia Sert les « morceaux en forme de poire ».
  8. Maurice Ravel – La Valse, poème chorégraphique pour orchestre
  9. Misia en japonais
  10. The life of Misia Sert, Arthur Gold and Robert Fizdale
  11. Pèlerinage poétique sur les tombes de Mallarmé, Misia et Larronde
    1. La mort de Misia
    2. 150e anniversaire de la naissance de Misia Sert
Dans le Salon de Misia Sert…
Portrait de Misia Sert par Pierre-Auguste Renoir, 1907

Née en 1872, la pianiste et égérie polonaise Misia Sert était mécène de nombreux peintres, poètes, musiciens du début du XXe siècle, aussi très proche de Coco Chanel. Entrons en musique dans son salon aux côtés de Adrien François Servais, Grieg, Menotti, Satie, Schubert, Marin Marais, Moussorgsky…

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/allegretto/dans-le-salon-de-misia-sert-2202867

Misia Sert, égérie « Belle Epoque » aux mémoires réinventés
Misia allongée sur un divan (1910), Pierre Bonnard

“Reine de Paris” de la Belle époque aux Années Folles, Misia Sert gouvernait le milieu artistique de son temps. Amie de Proust, Chanel, Mallarmé… Elle se raconte dans une autobiographie quelque peu amputée et arrangée, tombée dans le domaine public cette année. Mais alors, qui est vraiment Misia ?

https://www.franceculture.fr/litterature/misia-sert-egerie-belle-epoque-aux-memoires-reinventes

Misia » par Misia Sert

Sert Misia – Misia : Qui, aujourd’hui, connaît Misia ? Qui se rappelle qu’elle fut l’une des femmes les plus influentes dans le milieu des arts durant toute la première moitié du vingtième siècle ? Née en 1872, cette fille d’une famille d’artistes polonais fut une pianiste remarquable qui renonça à une carrière à la demande de son mari. Elle épousa Thadée Natanson, le fondateur de la Revue blanche, puis un magnat de la presse, Alfred Edwards et enfin le peintre catalan José-Maria Sert.

Elle fut le soutien de Diaghilev, l’amie de Jean Cocteau et l’intime de Picasso. Tous les grands noms du milieu de l’art et de la création figurent dans ces souvenirs qui se lisent comme un roman.

Au fil des pages de ces mémoires vous retrouverez Mallarmé, Valéry, Toulouse-Lautrec, Tristan Bernard, Renard, Jarry, Proust, Colette, Pierre Louÿs, Stravinski. Zola, Renoir, Vallotton, Caruso, Poulenc, Satie, Nijinski, Stravinski, Ravel, Max Jacob et Verlaine. Des femmes, aussi, figurent dans ce récit, artistes ou mécènes : la comtesse de Chevigné, la comtesse Greffuhle, la comtesse Morosini, Lady Ripon, Marcelle Meyer. Misia est sensible à leur beauté et à leur talents. Coco Chanel dont elle fut pourtant très proche – qui fit sa toilette mortuaire et créa un parfum à son nom – ne figure pas, à sa demande, dans ces souvenirs posthumes, mis en ordre par son secrétaire Paul Ristelhueber dit Boulos. Sa relation avec Chanel ainsi qu’avec Roussy Mdivani la seconde épouse de José-Maria Sert, fut-elle purement affective ? Qu’importe ! Nous nous bornerons à relever l’intérêt et la sensibilité de Misia à ses contemporaines.

Femme amoureuse, femme artiste, elle s’intéressait à toutes et tous avec un instinct très sûr pour mettre en lumière les talents de ce demi-siècle. Elle nous les décrit, avec humour et passion, dans ces pages. Elle décéda en 1950 ayant peu à peu perdu la vue.

D’elle, Cocteau écrivait, après un rare concert en 1933 : « Il faudrait louer un peu ces femmes bouillantes et profondes qui vivent à l’ombre des hommes d’une époque et qui, en marge du travail des artistes, […] poursuivent une œuvre occulte. Il est impossible d’imaginer l’univers ensoleille de Renoir, de Bonnard, de Vuillard, de Roussel, de Debussy, de Ravel, les projecteurs prophétiques de Lautrec, le prisme mallarméen, même les derniers jeux de soleil couchant de Verlaine et l’aube radieuse de Strawinsky, sans voir surgir la figure de jeune tigre enrubanné, la face douce et cruelle de chatte rose, que nous vîmes à Misia le soir où nous la connûmes […] Nous voilà, face à face, avec une de ces femmes auxquelles Stendhal accorde le génie. [… Mais j’ignorais] que notre pianiste de la vie était une pianiste tout court […]  Je conseille à ceux qui auront la chance d’entendre Misia, outre la surprise qu’ils doivent ressentir, d’évoquer les âmes illustres que son piano, comme le confesse une rime exquise de Mallarmé, initia et qui s’enrichirent de cette collaboratrice mystérieuse. »

https://ebooks-bnr.com/sert-misia-misia/

Le livre en PDF https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf4/sert_misia.pdf

Misia à La Grangette

Le fabuleux destin de Misia Sert (France Musique)

Misia et Cocteau

Cocteau, Jean
POÈME-ÉVENTAIL OFFERT À MISIA SERT. MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ. [1912]
Poème-éventail à paysage japonisant, parsemé de poudre d’or et d’argent (environ 390 x 260 mm), 25 lamelles contrecollées sur 13 baguettes de bois, avec son étui provenant de chez Faucon avenue de l’Opéra.

D’un côté de l’éventail figure un poème autographe signé daté 1912 de 4 vers et de l’autre des distiques manuscrites, en tout 20 vers, avec l’étui portant les mots « Misia Jean » de la main de Cocteau.:

« On dore, on ripoline, on laque !
(Ça vaut mieux que d’aller au café)
Sous l’œil de Montesquiou (la mâche) qui les mène
On voit fraterniser la Russe et la Romaine
On devient tout à coup sourd, aveugle et aphone
Lorsqu’on entend Aimée au fil du téléphone
L’Humeur d’Aimée ainsi que les brises du soir
(La constatation n’étant point un reproche)
Tourne de son costume noir
Au rose tendre de sa broche.
Mavrocordato
Part tard et vient tôt
Derrière son pince nez
Bakst rêve à de gros nénés
Sarah nous quitte on pensait : Qui ?
Et Dieu nous offre Nijinsky !
J’offre à Misses Moore en 1912
Une crotte de chien sur, de vache, une bouse
Mon cœur en deux se scia
Pour Sert et pour Misia »

Et de l’autre côté :

Au vide aérien de ton vol je me fie
Fleur japonaise, aux doigts qui renait et se fane,
Pour prolonger ce frère où l’immortel Stéphane [Mallarmé ?, allusion à l’éventail qu’il offrit à Misia]
Présageait sur de l’or « les bonheurs de Sophie »
J.C., 1912.

Vous pouvez zoomer ici sur les détails :
http://www.sothebys.com/…/livres-et…/lot.73.html

PROVENANCE
Misia Natanson-Sert–Boris Kochno.
BIBLIOGRAPHIE
a figuré à l’exposition « Jean Cocteau et son temps », Musée Jacquemart-André, 1965 (n°116). Il appartenait alors à Boris Kochno.

DESCRIPTION
Misia Godebska successivement Natanson, Edwards puis Sert, fut la muse de la Revue blanche dont son premier mari Thadée Natanson était le directeur. Elle fut surtout le célèbre modèle de Bonnard, Toulouse-Lautrec, Renoir, Vuillard et Valloton et inspira à Jean Cocteau le personnage de la princesse de Bormes dans Thomas l’Imposteur, roman de 1923 où Cocteau décrit l’horreur de la guerre et son baptême du feu à Reims. Elle joua un rôle important dans ses débuts mondains.
De quatre ans son aînée, elle avait connu Verlaine, Mallarmé (qui lui offrit également un éventail mentionné dans « Rien qu’un battement aux cieux, l’éventail dans le monde de Mallarmé », 2009) et Jarry . Elle lui présenta Coco Chanel et Diaghilev.
En 1914, Cocteau partit avec elle dans des ambulances de fortune prêtées par les couturiers pour porter les premiers secours aux blessés sur les lignes de front.

« Carte postale » de Francis Poulenc


« Carte postale » de Francis Poulenc sur des paroles d’Apollinaire est un fox-trot mélancolique dédié à Mme Cole Porter. Dans son livre « Journal de Mes Mélodies », Poulenc écrivit au sujet de cette chanson : « rythme imperturbable. Pensé à Misia Sert au piano peinte par Bonnard. »

Le poème d’Apollinaire est aussi évocateur de « Misia au piano, peinte par Bonnard » que la musique de Poulenc :


L’ombre de la très douce est évoquée ici,
Indolente, et jouant un air dolent aussi:
Nocturne ou lied mineur qui fait pâmer son âme
Dans l’ombre où ses longs doigts font mourir une gamme
Au piano qui geint comme une pauvre femme.

Erik Satie dédie à Misia Sert les « morceaux en forme de poire ».

La Poire d’Erik Satie, dessin de Man Ray (1960)



« Trois morceaux en forme de poire ». Comment prendre au sérieux un morceau au nom pareil, je vous le demande!

En réalité, la dérision du titre serait une pique lancée à son ami Debussy qui lui avait conseillé quelque temps plus tôt de travailler la « forme » de ces œuvres. Vexé, la réponse de Satie ne se fait pas attendre. Tu veux de la forme, Debussy? Eh bien en voilà!

A moins que Satie, au contraire, adresse un clin d’oeil aux nombreux détracteurs du même Debussy, dont l’opéra Pelléas et Mélisande (1893) reçut quelques années plus tôt un accueil critique mitigé? « Ca n’a pas de forme, ça ne vivra pas! » se seraient écriés certains détracteurs lors de la première…

Petite cerise sur le gâteau, Trois morceaux en forme de poire comporte… sept morceaux. Va comprendre quelque chose à ça, ma pauv’ Suzette…
https://www.etaletaculture.fr/histoire-de-l-art/lhumour-grincant-derik-satie/?fbclid=IwAR0PGGuy3rdZvP3vzffHznj5–ToTIkgS6LnCvLJ81TNTx1deVC

Maurice Ravel – La Valse, poème chorégraphique pour orchestre

Dès 1906, Ravel pense à dédier à Misia la Valse, qu’il appelle alors Vienne. Le projet dort dans les tiroirs pendant la guerre et Ravel n’entreprend la composition que fin 1919. Il s’agit en fait d’un ballet destiné à Diaghilev, mais depuis l’expérience du Daphnis, Ravel est inquiet. L’audition de la version pour piano devant Diaghilev chez Misia, en avril 1920, confirme son inquiétude. L’impresario lui déclare que « c’est un chef d’œuvre mais ça n’est pas un ballet, c’est le portrait d’un ballet…». Malgré l’insistance de Misia, il refuse de le monter. Poulenc, qui a assisté à la scène avec Stravinsky, dit que Diaghilev aurait pu regretter son refus s’il avait vu la Valse de George Balanchine en 1951. Il n’empêche, ce « tourbillon fantastique et fatal» colle à l’image de sa dédicataire.

Misia en japonais
ミシア・セール (Misia Sert) Album franco-japonais sur Misia (facebook)

The life of Misia Sert, Arthur Gold and Robert Fizdale
Arthur Gold and Robert Fizdale

Initiatives

Pèlerinage poétique sur les tombes de Mallarmé, Misia et Larronde
La mort de Misia
Tombe de Misia Sert, la « Reine du Tout-Paris au XIXe siècle », au cimetière de Samoreau (la stèle, à l’abandon, est prête à s’effondrer).

Agenda

150e anniversaire de la naissance de Misia Sert

Voir aussi :