Mallarmé et Proust : les affinités électives (ou non) de Claude Debussy

Portrait de Claude Debussy (1862-1918), trouvé dans la collection de la Philharmonie de Paris © Getty – Fine Art Images / Heritage Images

Par Alisonne Sinard

Passionné par la littérature, Debussy a composé pour les poètes, et notamment pour Verlaine et Mallarmé. Mais il a aussi soigneusement refusé les invitations de Marcel Proust. Parcourez le cercle littéraire du compositeur et ses affinités, parfois plus cocasses qu’électives.

Il y a cent ans, le 25 mars 1918, décédait Claude Debussy, à quelques mois de l’armistice de la Première Guerre Mondiale. Le compositeur de Pélleas et Mélisande a marqué l’histoire de la musique par la modernité de ses harmonies, ses cascades d’arpèges et son univers onirique. Certes avec parcimonie, il a baigné dans un environnement artistique riche par exemple d’Oscar Wilde ou de Paul Gauguin.

Dans un documentaire de 2012, Laetitia Le Guay retraçait la vie et l’oeuvre du compositeur, par exemple ses liens avec Stéphane Mallarmé ou Marcel Proust. Le tout dans le récit plus général des filiations artistiques et littéraires du compositeur de L’Isle joyeuse et des Arabesques, ou encore de La Jeune fille aux cheveux de lin.

Mallarmé : des mardis de la Rue de Rome à « L’après-midi d’un faune ».

Claude Debussy était bien peu adepte des mondanités. Mais il participait tout de même aux fameux « mardis de la rue de Rome« , un cénacle littéraire et parisien organisé par Stéphane Mallarmé. Jean-Yves Tadié, qui fit une infidélité à Proust pour écrire sur Debussy, explique dans ce documentaire : 

Autour de Mallarmé s’était constitué un cercle d’écrivains, de manière assez touchante, parce que Mallarmé n’était pas un écrivain populaire, loin de là. […] Il réunissait là un certain nombre d’écrivains, dont les plus connus maintenant sont Gide, Valéry, Claudel, et puis une dizaine d’autres, qui essentiellement l’écoutaient. […] Debussy lui-même a trouvé là la confirmation que l’on pouvait vivre pour autre chose que pour le succès immédiat, pour la vie mondaine, pour le commerce, pour gagner de l’argent, et qu’il y avait sur cette terre quelques hommes ou femmes, voués à l’absolu. 

Ce cercle, fréquenté par les écrivains, était aussi le lieu des peintres. Parmi eux : Edgar Degas, Odilon Redon ou encore Paul Gauguin. Stéphane Mallarmé, impressionné par la modernité de la musique de Debussy, lui demanda par ailleurs de composer une musique pour son poème. C’est sans doute là le début de leur collaboration autour de L’Après-midi d’un faune. Inspiré par le poème de Mallarmé, Debussy composa ensuite un ballet, chorégraphié par Nijinski pour les ballets russes de Diaghilev. 

Proust et Debussy : l’invitation ratée

Proust et Debussy sont parfaitement contemporains, et fréquentent des cercles artistiques très proches. C’est aussi l’histoire d’une invitation envoyée, mais non acceptée, comme le raconte Yean-Yves Tadié dans ce même documentaire diffusé dans « Une vie une oeuvre » : 

Proust a tenté de chercher à entrer en relation avec Debussy, et il n’y a pas réussi, parce que Debussy ne s’y est pas prêté. Il a refusé l’invitation. Il a refusé de jouer. […] Il a même refusé d’être raccompagné en taxi à la fin d’une soirée. C’est triste d’ailleurs, parce qu’on aurait pu imaginer une amitié fervente entre le plus grand musicien de son temps et le plus grand écrivain. Mais elle ne s’est pas produite du tout. 

Proust n’a pas renoncé pour autant ! Il a intégré Debussy dans La Recherche du temps perdu, « toujours de manière indirecte », raconte Jean-Yves Tadié. Et ce par l’intermédiaire de références musicales dans le récit, à l’image de ce passage extrait du quatrième tome de La Recherche, Sodome et Gomorrhe : 

Le morceau fini, je me permis de réclamer du Franck, ce qui eut l’air de faire tellement souffrir Mme de Cambremer que je n’insistai pas. « Vous ne pouvez pas aimer cela » me dit-elle. Elle demanda à la place Fêtes de Debussy, ce qui fit crier : « Ah ! c’est sublime !  » dès la première note. Mais Morel s’aperçut qu’il ne savait que les premières mesures, et, par gaminerie, sans aucune intention de mystifier, il commença une marche de Meyerbeer. Malheureusement, comme il laissa peu de transitions et ne fit pas d’annonce, tout le monde crut que c’était encore du Debussy et continua à crier : « Sublime ! » Morel, en révélant que l’auteur n’était pas celui de Pelléas, mais de Robert le Diable, jeta un certain froid.   

Pour prolonger l’écoute autour de Claude Debussy, tout en vous laissant porter par le piano d’Alain Planès, réécoutez l’émission de “Continents musique” consacrée au centenaire.

En savoir plus : https://www.radiofrance.fr/franceculture/mallarme-et-proust-les-affinites-electives-ou-non-de-claude-debussy-5577484

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