
Gallica BnF
#AttentionTrésor 2018 était l’année Debussy: en son honneur, Gallica vous propose désormais un corpus dédié au célèbre compositeur : découvrez-y les manuscrits autographes de ses oeuvres, mais aussi sa correspondance, et une série de portraits de lui ou de photographies des créations de ses oeuvres pour la scène : https://gallica.bnf.fr/html/und/partitions/claude-debussy
Et pour une introduction plus complète à cette Sélection, lisez notre dernier billet de blog sur le sujet : https://gallica.bnf.fr/blog/21122018/claude-debussy-dans-gallica?fbclid=IwAR3_VIkbAdSEcL2B3sKDP7J51J82VC16iFeLn3YVl1tJI41DJ-NV5NvLIEc&mode=desktop
Ce corpus s’enrichira régulièrement de nouvelles numérisations, mais vous pouvez dès maintenant passer l’après-midi en compagnie d’un faune… Voir à sujet la page Mallarmé et Debussy
Debussy
Apparition
APPARITION
La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
— C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au coeur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.
Stéphane Mallarmé.
Les Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé

Les Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé (FL 135) sont trois mélodies composées par Claude Debussy sur des textes de Stéphane Mallarmé en 1913.
Claude Debussy les compose l’été 1913, sur des textes tirés des Poésies de Mallarmé (1899). L’œuvre est créée à la salle Gaveau le 21 mars 1914, par Ninon Vallin (soprano) et le compositeur au piano.
Il se trouve que Maurice Ravel avait le projet de mettre en musique des poèmes de Mallarmé en 1913 également. Le poète lui avait accordé les droits en premier. Ravel et Debussy avaient choisi deux mêmes poèmes : « Soupir » et « Placet futile », ce qui accentue encore l’idée d’une rivalité, ou du moins d’une volonté de se mesurer l’un à l’autre. Les Trois poèmes de Mallarmé de Ravel, pour soprano et plusieurs instruments, furent créés en janvier 1914.
- Soupir
- Placet futile
- Éventail
I. Soupir
SOUPIR
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme soeur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton oeil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !
– Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.
Stéphane Mallarmé
II. Placet futile
PLACET FUTILE
Princesse ! à jalouser le destin d’une Hébé
Qui poind sur cette tasse au baiser de vos lèvres,
J’use mes feux mais n’ai rang discret que d’abbé
Et ne figurerai même nu sur le Sèvres.
Comme je ne suis pas ton bichon embarbé,
Ni la pastille ni du rouge, ni Jeux mièvres
Et que sur moi je sais ton regard clos tombé,
Blonde dont les coiffeurs divins sont des orfèvres !
Nommez-nous… toi de qui tant de ris framboisés
Se joignent en troupeau d’agneaux apprivoisés
Chez tous broutant les voeux et bêlant aux délires,
Nommez-nous… pour qu’Amour ailé d’un éventail
M’y peigne flûte aux doigts endormant ce bercail,
Princesse, nommez-nous berger de vos sourires.
Stéphane Mallarmé
III Eventail
AUTRE ÉVENTAIL
de Mademoiselle Mallarmé
Ô rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache, par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.
Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L’horizon délicatement.
Vertige ! voici que frissonne
L’espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni s’apaiser.
Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu’un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l’unanime pli !
Le sceptre des rivages roses
Stagnants sur les soirs d’or, ce l’est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Contre le feu d’un bracelet.
Stéphane Mallarmé
Partitions : https://imslp.org/wiki/3_Po%C3%A8mes_de_St%C3%A9phane_Mallarm%C3%A9_(Debussy%2C_Claude)
L’Après-midi d’un faune

«Sylvain d’haleine première
Si ta flûte a réussi,
Ouï toute la lumière
Qu’y soufflera Debussy»
(Vers écrits par Mallarmé sur un exemplaire de L’Après-midi d’un faune, qu’il envoya à Debussy après la première exécution)
DIALOGUE ENTRE DEBUSSY ET MALLARME
Rencontre entre Mallarmé et Debussy :
« Mallarmé vint chez moi, l’air fatidique et orné d’un plaid écossais. Après avoir écouté, il resta silencieux pendant un long moment, et me dit ‘‘Je ne m’attendais pas à quelque chose de pareil ! Cette émotion prolonge l’émotion de mon poème et en situe le décor plus passionnément que la couleur. »
Lettre de Mallarmé à Debussy :
« Cette musique prolonge l’émotion de mon poème. Il présenterait de dissonance avec mon texte, sinon qu’aller plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière. » « Peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit ». « Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème, qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer voilà le rêve
En savoir plus… https://www.bernardbouin.com/2016/04/26/dialogue-entre-claude-debussy-mallarme/