
Stéphane Mallarmé
Après avoir trouvé le Néant, j’ai trouvé le Beau…
C’est t’apprendre que je suis maintenant impersonnel, et non plus Stéphane que tu as connu, – mais une aptitude qu’a l’Univers Spirituel à se voir et à se développer, à travers ce qui fut moi », écrit Mallarmé, jeune poète de vingt-cinq ans, à son ami Henri Cazalis. Le Je qui parle ici n’est plus un moi, c’est-à-dire un individu singulier, le Stéphane que l’ami a autrefois connu. Ce dernier s’est nié comme fin en soi, pour se faire le porte-parole, en tant que Je purement poétique, de l’Univers, après la perte de la croyance en Dieu, un Dieu transcendant dont on imagine qu’on avait dit à l’ enfant : « Le bon Dieu est attentif à toi, Stéphane, à tes joies et à tes peines particulières, il te protège ainsi que les êtres qui te sont chers. » Le jeune Mallarmé a perdu la foi en ce Dieu qui lui a ravi successivement sa mère, sa sœur, sa petite amie, d’une manière qu’il estime cruelle et injuste. Adolescent, il abandonne les pratiques de la foi et rencontre le Néant de l’athéisme. L’abandon des pratiques religieuses se conclura par la négation athée de Tournon où il est jeune Professeur d’anglais (en 1865, Mallarmé a 23 ans) après la lutte triomphante contre ce « méchant plumage terrassé, heureusement, Dieu ». Puis, après le Néant, « le Néant auquel, écrivait-il dans une lettre antérieure, je suis arrivé sans connaître le bouddhisme », après cette phase négative succédant à la phase religieusement affirmative de son enfance, il rencontre le Beau, nouvelle phase affirmative. Il écrira alors, toujours au même ami Cazalis : « Après avoir trouvé le Néant, j’ai trouvé le Beau… tu ne peux t’imaginer dans quelles altitudes lucides je m’aventure » D’abord Dieu le père, puis sa totale négation, le Néant, enfin le Beau, négation de cette négation et réaffirmation de quelque chose de néanmoins divin, le monde. Car cette beauté est celle du monde, réaffirmé comme « divin », par cela seul qu’il est la matière dans laquelle l’homme forge ou taille la forme de ses Dieux, et par cela seul que le poète en dira les formes, apparaissantes-disparaissantes, les mouvements d’envol et de chute, de dilatation et de contraction, de nécessité et de hasard.
En savoir plus :
Mallarmé et la douleur du monde
André Stanguennec
https://www.cairn.info/revue-litterature-2015-3-page-51.htm
Il n’y a que la Beauté; et elle n’a qu’une expression parfaite,la Poésie.
J’ai fait une assez longue descente au Néant
pour pouvoir parler avec certitude.
Il n’y a que la Beauté;
– et elle n’a qu’une expression parfaite,
la Poésie.
Tout le reste, est mensonge.
Mallarmé, 1867.
Le mot de la Poésie

Mais je vais me remettre au travail avec bonheur! J’ai le plan de mon œuvre, et sa théorie poétique qui sera celle-ci : « donner les impressions les plus étranges, certes, mais sans que le lecteur oublie pour elles une minute la jouissance que lui procurera la beauté du poème ». En un mot, le sujet de mon œuvre est la Beauté, et le sujet apparent n’est qu’un prétexte pour aller vers Elle. C’est, je crois, le mot de la Poésie.
(extrait de la lettre à Villiers de l’Îsle-Adam. Tournon, 31 décembre 1865)
François Cheng

« En ces temps de misères omniprésentes, de violences aveugles, de catastrophes naturelles ou écologiques, parler de la beauté pourrait paraître incongru, inconvenant, voire provocateur. Presque un scandale. Mais en raison de cela même, on voit qu’à l’opposé du mal, la beauté se situe bien à l’autre bout d’une réalité à laquelle nous avons à faire face. (…) Ce qui est en jeu n’est rien de moins que la vérité de la destinée humaine, une destinée qui implique les données fondamentales de notre liberté. » F.Cheng
D’une voix rayonnante, François Cheng vous emmène sur le chemin de ses méditations qui révèlent à l’oral toute leur beauté d’origine.
« Prix Spiritualité d’aujourd’hui » 2007, décerné par le centre méditerranéen de littérature.
https://www.babelio.com/…/Cheng-Cinq-meditations…/10140
Aux jardins de Métis
Du 1er juillet au 20 août, aux Jardins de Métis, le Théâtre les gens d’en bas vous propose la promenade théâtrale audio Méditations sur la beauté.
Adapté de l’œuvre de l’écrivain François Cheng par Eudore Belzile, le texte parle de la Beauté sous tous ses aspects. Beauté de la nature, des êtres, des arts. L’auteur nous invite à VOIR vraiment notre environnement, à nous abandonner au mystère de l’univers et à celui de la création artistique par la voix, la musique, le chant, la danse et l’art pictural.
Déambulant dans la splendeur des Jardins, le spectateur auditeur est convié à une expérience à la fois audio et visuelle. Dans ses oreilles, la voix de la narratrice, la comédienne Marie-Thérèse Fortin, se marie à la musique instrumentale de Claude Léveillée, mixée aux sons naturels du lieu.
Une expérience à la fois esthétique, poétique et spirituelle, un véritable baume sur ces temps incertains.
Au théâtre
LE SENS DE LA BEAUTE
Exercice 8, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.37
Commencez par observer toutes les manifestations possibles de la beauté telle qu’elle vous apparaît chez les êtres humains (à l’exclusion de la beauté « sensuelle », considérée ici comme négative), dans l’art et dans la nature, si infime soit-elle. Demandez-vous ensuite : « Pourquoi ceci me paraît-il beau? Est-ce à cause de sa forme? De son équilibre? De sa vérité? De sa simplicité? De sa couleur? De sa valeur morale? De sa force? De sa douceur? De sa signification? De son originalité? De sa générosité? De son idéalisme?, etc.
A force d’observations répétées, vous finirez par découvrir en vous une sensibilité à la vraie beauté, un véritable sens artistique. Vous vous apercevrez que votre corps aussi bien que votre esprit a emmagasiné une quantité de formes belles, et que vous êtes maintenant capable de découvrir la beauté partout où elle se trouve. C’est devenu pour vous une habitude. Vous pourrez alors passer à l’exercice suivant.
Commencez encore une fois par exécuter des mouvements simples, larges, en essayant de les faire partir du sentiment de la beauté qui vous habite, jusqu’à ce que votre corps tout entier en soit pénétré et en éprouve une satisfaction esthétique. Surtout ne faites pas ces exercices devant un miroir; vous auriez tendance à vous contenter d’une beauté de surface, alors que le but de ce travail est de vous donner un sens de la beauté en profondeur. Evitez de faire des gestes de danseur. Ensuite, déplacez-vous en gardant à la fois ce sentiment du beau et la conscience du centre imaginaire situé dans votre poitrine (voir exercice 2). Répétez ainsi les quatre types de mouvements déjà étudiés : sculpter, flotter, voler, irradier. Prononcez quelques phrases. Puis faites des gestes quotidiens et des mouvements simples. Dans votre vie courante, efforcez-vous de la même façon d’éviter toute parole et tout geste disgracieux. Sachez en même temps résister à la tentation de « paraître beau ».
QUE DIRE DU SENS DE LA BEAUTE?
On affirme souvent que la beauté résulte de la conjonction d’un certain nombre d’éléments psychophysiques. C’est certainement vrai. Mais, pour le créateur, la beauté ne se découvre pas par l’analyse ou par la synthèse; c’est une intuition immédiate. Et l’acteur qui se contenterait de considérer la beauté uniquement comme le point de rencontre de plusieurs éléments s’exposerait à bien des confusions et à bien des erreurs.
Avant de rechercher la beauté, l’acteur doit savoir ce qui s’oppose le plus à elle tout en lui ressemblant. Car, comme toute qualité positive, la beauté possède sa contrefaçon négative, dont il faut se méfier. Ainsi, si l’audace est une vertu, la bravade est un défaut; si la prudence est une qualité positive, la lâcheté est un attribut négatif. Il en va de même pour la beauté. La beauté véritable a sa source en l’homme, au plus profond de son être; la fausse beauté est une qualité de surface. Le cabotinage, la mièvrerie, l’excès de sentimentalisme, le narcissisme et autres complaisances sont chez l’acteur des substituts négatifs de la beauté. L’acteur qui s’intéresse à la beauté uniquement pour se faire plaisir n’ira jamais au-delà d’un simple vernis de surface. Il s’agit d’acquérir le sens de la beauté avant tout pour l’amour de l’art. L’acteur qui parvient à dégager son sens de la beauté de toute intention égocentrique est hors de danger.
Vous allez peut-être vous demander : « comment peut-on exprimer la laideur d’un personnage, ou d’une situation, tout en gardant le sens du beau. La beauté ne risque-t-elle pas de faire perdre sa force à l’expression? Cette fois encore, il suffit de faire la distinction entre ce qu’on joue et la façon dont on le joue, entre le thème et la manière de l’exprimer, entre le personnage (ou la situation) et l’artiste. Si vous exprimez la laideur par des moyens inesthétiques, le public sera indisposé. Sa réaction sera physiologique, et non plus psychologique. L’art aura manqué son but. En revanche, un thème, un personnage ou une situation désagréables, s’ils sont exprimés de façon esthétique, auront sur le public un effet favorable. La beauté qui commande l’expression transforme cette laideur particulière en une « idée de la laideur ». Le type général transparaît derrière le particulier et touche immédiatement l’esprit et l’âme du spectateur, au lieu de lui irriter les nerfs.
Un bon exemple de ce phénomène est la façon dont Shakespeare, dans Le Roi Lear, a traité la tirade du roi dans laquelle celui-ci maudit ses filles en les accaparant de toutes les malédictions possibles. Pris séparément, chaque passage est loin d’évoquer la beauté, mais l’ensemble constitue l’un des plus beaux moments de la pièce, esthétiquement parlant. Nous voyons là comment le génie de l’auteur parvient à traiter un sujet parfaitement désagréable (le thème) avec des moyens éminemment esthétiques (la manière). Cet exemple classique suffit à montrer, mieux que toutes les explications, ce qu’est, au théâtre, le sens de la beauté et comment il faut en user.
La beauté dans la peinture et les arts plastiques

Qu’est-ce que la beauté? (centre Pompidou)
L’art, réservoir inépuisable de beauté
Derrière l’opacité du visible
Du Beau idéal au ravissement et à l’expression
Le beau, commencement du « terrible »
Le retour du mot « beauté »
Atteinte à la beauté
Beauté convulsive, beauté de la présence
Pablo Picasso. Jean Dubuffet
Max Ernst
Christian Boltanski
Une beauté qui trouble
Giuseppe Penone. Bill Viola. Claude Lévêque
Une belle mélancolie
Pierre Bonnard. Ugo Rondinone. Sophie Calle
Sublime beauté de la peinture
Henri Matisse. Sam Francis. Valérie Favre
Voir aussi :