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Η Ιζαντορα Ντάνκαν εμπνεύστηκε από την φυση και την ομορφιά της, ένιωσε και μετέφερε στον χορό της τον παλμό των στοιχείων, της γης, του νερού, του αέρα, της φωτιάς. Τα μαθήματα ξεκινουν την Πέμπτη

— à Kallichoro.
Isadora Duncan était inspirée par la nature et sa beauté, elle sentait et portait dans sa danse le pouls des éléments, la terre, l’eau, l’air, le feu.

Travail théâtral sur les quatre éléments (exercice dit « des quatre frères) :
– terre = sculpter
– eau = flotter
– air = voler
– feu = irradier
Présentation détaillée des exercices dans cet article consacré au corps et à la psychologie de l’acteur dans la méthode de Michahël Chekhov : « être acteur » et « imagination créatrice de l’acteur.
Vous pouvez retrouver ce document dans le groupe facebook Le monde est un théâtre et publié par Michaël Vinson, poète et créateur culturel à Bois-le-Roi
- Le corps et la psychologie de l’acteur
- Liberté et vie intense
- Centres imaginaires. Le coeur, centre moteur
- Exercice des quatre frères
- Le sens de la beauté
- Le sens de l’unité
Le corps et la psychologie de l’acteur
Etre acteur, Michaël Chekhov
Le corps peut être notre meilleur ami comme notre pire ennemi.
Chacun sait que le corps et l’esprit dépendent étroitement l’un de l’autre et influent constamment l’un sur l’autre. Un corps insuffisamment développé, ou au contraire exagérément musclé, entraîne fréquemment une diminution des facultés intellectuelles et de la sensibilité, un relâchement de la volonté. Toute activité, toute vie professionnelle amène à des déformations particulières, des habitudes, des manies, et il est rare de rencontrer des hommes parfaitement équilibrés, chez qui le corps et l’esprit soient développés dans une idéale harmonie.
Or cette harmonie est particulièrement nécessaire à l’acteur, qui doit exprimer au moyen du corps les mouvements de la sensibilité et de l’intelligence. Il devra donc travailler à acquérir cet équilibre parfait du corps et de l’esprit.
[…] Vous serez étonné, dès que vous commencerez à travailler, de constater à quel point le corps, et en particulier celui de l’acteur, est sensible à toutes sortes d’impulsions purement psychologiques, et avec quelle avidité il s’en empare. Il faut donc proposer à l’acteur des exercices psycho-physiques spécialement conçus pour lui. Les neuf premiers exercices de cet ouvrage (Etre acteur) répondent à ce but.
[…] La troisième qualité indispensable à l’acteur est une « soumission totale du corps et de l’esprit à sa volonté ». Pour être maître de lui-même comme de son art, l’acteur doit définitivement bannir l’élément « hasard » de son travail et fonder son talent sur des bases solides. Seule une maîtrise absolue de son corps et de sa sensibilité peut lui donner l’assurance, la liberté et l’harmonie indispensables à son activité créatrice.
*
Ces neufs premiers exercices vous permettront de prendre conscience des quatre qualités fondamentales qui seront pour l’acteur la base de sa technique dramatique. Grâce à ces exercices psychophysiques, l’acteur doit pouvoir développer sa FORCE INTERIEURE, et sa faculté de RAYONNER et de RECEVOIR, acquérir le SENS DE LA FORME, intensifier en lui les sentiments de LIBERTE, d’AISANCE, de CALME et de BEAUTE, mieux comprendre le sens de son ETRE PROFOND, et enfin apprendre à voir les choses et les faits dans leur UNITE. S’il exécute ces exercices avec persévérance, il sentira ces qualités pénétrer toutes les fibres de son corps qui, acquérant toutes ces facultés, deviendta plus sensible, plus vibrant. Enfin, à mesure qu’enrichissant sa psychologie il conquerra de l’autorité sur ses sentiments, il rendra rapidement son corps plus docile.

Liberté et vie intense
Exercice 1, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.24
Cet exercice vous donnera peu à peu une idée de ce qu’est la sensation de liberté et de vie intense.
Faites une série de mouvements larges mais simples, en utilisant le maximum d’espace autour de vous. Faites-y participer tout votre corps. Exécutez les mouvements avec suffisamment de force, mais sans contracter inutilement vos muscles. Vous pouvez essayer d' »exprimer » les attitudes suivantes :
1. Vous vous ouvrez totalement, en étendant le plus loin possible les mains et les bras, jambes écartées. Restez quelque secondes dans cette position. Imaginez que vous grandissez; sentez bien votre corps s’étirer. Puis revenez à votre première position. Répétez plusieurs fois ce mouvement. Gardez toujours à l’esprit le but de l’exercice que vous êtes en train de faire, en vous disant : « je vais réveiller mes muscles endormis; je vais les faire revivre, les faire travailler.
2. Maintenant vous vous fermez, les bras croisés sur la poitrine, les mains sur les épaules. Accroupissez-vous, ou agenouillez-vous, et baissez la tête. Imaginez que vous rapetissez, que vous vous recroquevillez, que vous vous contractez comme si vous vouliez disparaître à l’intérieur de votre propre corps, et sentez l’espace se rétrécir autour de vous. Vous allez faire travailler ainsi une nouvelle série de muscles.
3. Reprenez la position debout, et lancez votre corps en avant, en vous tenant sur une seule jambe, un bras étendu, ou les deux. Faites le même mouvement d’extension vers la droite, puis vers la gauche, en occupant le maximum d’espace.
4. Faites le geste du forgeron qui frappe son enclume.
5. Faites une séries de mouvements larges, bien dessinés, en les menant jusqu’au bout. Par exemple, faites comme si vous lanciez un objet dans des directions différentes; ramassez cet objet imaginaire, soulevez-le au-dessus de votre tête, poussez-le, tirez-le, faites-le rouler par terre. Finissez bien chaque mouvement, en l’exécutant avec assez de force et en prenant votre temps. Ne cherchez pas à faire des gestes de danseur. Et surtout ne retenez pas votre souffle. Ne vous précipitez pas. Marquez un temps après chaque mouvement.
Cet exercice vous donnera peu à peu une idée de ce qu’est la sensation de liberté et de vie intense. Laissez ces sensations imprégner tout votre être. Ce sont pour vous les éléments psychologiques de base.
Centres imaginaires. Le coeur, centre moteur

Exercice 2, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.26
Par la pratique régulière de cet exercice vous éprouverez peu à peu de plus en plus intensément ce sentiment qu’on appelle la « présence » de l’acteur sur scène. Quand vous serez en face du public, vous ne vous sentirez jamais intimidé, vous n’aurez jamais le trac, vous garderez tous vos moyens.
1. Imaginez qu’il existe à l’intérieur de votre poitrine un centre d’où part l’impulsion qui commande chacun de vos gestes. Sentez ce centre imaginaire comme la source d’une intense activité à l’intérieur de votre corps, comme un moteur puissant.
2. Faites passer cette force dans votre tête, vos bras, vos mains, votre tronc, vos jambes, vos pieds, tout le corps. Veillez à ce que les épaules, les coudes, les poignets, les hanches et les genoux n’empêchent pas cette énergie qui émane du centre imaginaire de circuler librement.
3. En imaginant que vos bras et vos jambes sont directement reliés à ce centre situé dans la poitrine (et non plus seulement aux épaules et aux hanches), exécutez une série de gestes naturels : lever les bras, les baisser, les étendre dans plusieurs directions, marcher, s’asseoir, se lever, s’allonger, pendre des objets, les poser, enfiler son manteau, ses gants, mettre son chapeau, l’enlever, etc. Veillez bien à ce que tous vos mouvements soient directement commandés par cette force qui émane du centre imaginaire .
4. Pendant cet exercice, ne perdez pas de vue un autre principe important : la force qui émane du centre moteur situé dans votre poitrine et qui vous fait mouvoir dans l’espace doit toujours précéder le mouvement, c’est-à-dire que vous devez d’abord projet l’intention quelques instants avant d’exécuter le mouvement lui-même. Essayer d’avancer, de reculer, de marcher de côté en laissant en quelque sorte votre centre imaginaire partir en avant, vous précéder de quelques centimètres dans la direction du mouvement. Laissez votre corps suivre ce centre. Votre démarche et tous vos mouvements deviendront souples, gracieux, artistiques, aussi agréables à exécuter qu’à regarder.
Quand vous avez exécuté le mouvement, ne coupez pas brusquement le flux qui émane du centre imaginaire, mais laissez-le poursuivre sa course un moment en avant de votre corps, à travers l’espace. Car cette force doit non seulement précéder chacun de vos mouvements, mais aussi le prolonger, en sorte que le sentiment de liberté que vous éprouvez soit soutenu par un sentiment de force.
Vous acquerrez ainsi la maîtrise d’un nouvel élément psychophysique. Et peu à peu vous éprouverez de plus en plus intensément ce sentiment qu’on appelle la « présence » de l’acteur sur scène. Quand vous serez en face du public, vous ne vous sentirez jamais intimidé, vous n’aurez jamais le trac, vous garderez tous vos moyens.
Ce centre moteur imaginaire vous donnera également le sentiment que votre corps se rapproche en quelque sorte du « type idéal ». Comme le musicien qui ne peut jouer que sur un instrument parfaitement accordé, vous éprouverez le besoin d’un « corps idéal » capable de jouer toutes les nuances d’un personnage. Ce corps, vous l’obtiendrez en poursuivant ces exercices jusqu’à ce que ce centre imaginaire soit si bien intégré en vous qu’il commande automatiquement tous vos mouvements sans que vous ayez besoin d’un penser.
Exercice des quatre frères
Élément Terre : sculpter, modeler

SCULPTER, MODELER
Exercice 3, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.30
Cet exercice vous aidera à créer indéfiniment de nouvelles formes sur la scène. Vous acquerrez le goût de la forme parfaite, et vous vous sentirez artistiquement insatisfait devant tout mouvement vague ou informe, et chaque fois que vous rencontrerez, aussi bien chez vous-même que chez vos partenaires, une pensée, une intention, une intonation, ou un sentiment imprécis. Vous comprendrez que l’informe et l’imprécis n’ont pas de place dans l’art.
Comme précédemment (voir les exercices de théâtre dans le groupe « L’imagination créatrice de l’acteur »), exécutez une série de gestes larges, dynamiques, en y faisant participer le corps tout entier. Mais, cette fois, dites-vous : « je vais modeler l’espace qui m’entoure, comme ferait un sculpteur. Je vais modeler dans l’air des formes qui seront dessinées par les mouvements de mon corps. »
Créez des formes nettes et vigoureuses. Pour cela, pensez bien au départ et à l’aboutissement de chacun de vos gestes. Cette fois encore, dites-vous : « Maintenant je commence ce mouvement qui crée une forme »; et quand vous avez terminé : « Maintenant j’ai achevé le mouvement, la forme est là ». En même temps, imaginez que votre corps lui-même est aussi une forme mobile. Sentez cette forme. Répétez chaque mouvement plusieurs fois jusqu’à ce que vous réussissiez à l’exécuter avec une parfaite aisance et plaisir. C’est un travail qui ressemble à celui du dessinateur qui reprend dix fois, vingt fois, le même trait, jusqu’à ce qu’il ait obtenu un dessin plus exact, plus net, plus expressif. Mais pour que vos mouvements gardent bien cette qualité de « sculpture » dans l’espace, imaginez que l’air qui vous entoure est une matière solide. Essayez aussi d’exécuter le même mouvement sur des rythmes différents.
Ensuite, essayez de reproduire les mêmes formes en vous servant seulement de certaines parties de votre corps : l’épaule et l’omoplate, le dos, les coudes, les genoux, le front, les mains, les doigts etc. En faisant ces mouvements, continuez a éprouver cette sensation de puissance et de force intérieure circulant dans votre corps et se répandant au dehors. Evitez de contracter inutilement vos muscles. Pour plus de facilité, exécutez d’abord vos mouvements de « sculpture » sans faire intervenir le centre imaginaire. N’imaginez ce centre qu’un peu plus tard. (voir dans le groupe « imagination créatrice de l’acteur »)
Maintenant, revenez, comme dans l’exercice précédent, à des mouvements simples et naturels, à des gestes quotidiens, mais en concentrant votre esprit à la fois sur le centre imaginaire et sur les sensations de force et de formes à sculpter dans l’espace.
Quand vous touchez un objet, essayez de faire passer votre force en lui, de lui communiquer votre énergie. Vous développerez ainsi votre aptitude à manipuler des objets sur scène avec aisance et adresse. Essayez également de communiquer cette force à vos partenaires, même à distance; c’est un des moyens les plus simples pour établir un contact véritable et solide avec vos partenaires sur la scène, et c’est un point important de la technique dont nous reparlerons plus loin. Dépensez cette force sans compter; elle est inépuisable, et plus vous la distribuez plus elle s’accumule en vous.
Terminez cet exercice en faisant travailler vos mains et vos doigts séparément. Faites une série de mouvements très naturels : saisir, déplacer, soulever, poser, manipuler divers objets de tailles différentes. Veillez à ce que vos mains et vos doigts aient toujours l’impression de « sculpter » l’espace et de créer des formes à chaque geste. Il n’y a pas lieu d’exagérer les mouvements, ni de vous décourager si, au début, ils vous paraissent maladroits ou trop appliqués. Les mains et les doigts peuvent être merveilleusement expressifs sur la scène s’ils sont souples et bien entraînés, et si l’acteur les fait jouer avec discrétion.
Lorsque vous aurez acquis une technique suffisante pour exécuter ces mouvements de « sculpture », et le faire avec un certain plaisir, dites-vous : « chacun de mes gestes est une petite oeuvre d’art, et je les exécute comme ferait un artiste. Mon corps est un instrument parfait pour sculpter l’espace et créer des formes. C’est par l’intermédiaire de mon corps que je peux communiquer au public mon énergie et ma force intérieure. » Laissez ces pensées pénétrer profondément dans votre corps et s’y imprimer.
Cet exercice vous aidera à créer indéfiniment de nouvelles formes sur la scène. Vous acquerrez le goût de la forme parfaite, et vous vous sentirez artistiquement insatisfait devant tout mouvement vague ou informe, et chaque fois que vous rencontrerez, aussi bien chez vous-même que chez vos partenaires, une pensée, une intention, une intonation, ou un sentiment imprécis. Vous comprendrez que l’informe et l’imprécis n’ont pas de place dans l’art.
Élément Eau : flotter

FLOTTER
Exercice 4, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.30
Reprenez les mouvements pleins et larges des exercices précédents (voir le groupe « imagination créatrice de l’acteur »), en faisant jouer le corps tout entier; puis passez à des mouvements simples et naturels; enfin ne faites plus travailler que vos mains et vos doigts.
Mais cette fois, pénétrez-vous d’une nouvelle intention. Dites-vous : « Mes mouvements flottent dans l’espace, ils se fondent harmonieusement les uns dans les autres. » Comme dans l’exercice précédent (exercice 4 « sculpter »), tous les mouvements doivent être simples et bien dessinés. Laissez vos gestes partir et revenir comme la vague sur le sable. Evitez toujours de contracter inutilement vos muscles, mais ne tombez pas pour autant dans l’imprécision ou la mollesse.
En faisant cet exercice, imaginez que vous évoluez dans l’eau et que vos mains effleurent légèrement la surface.
Variez le rythme de vos mouvements. Arrêtez-vous de temps en temps. Considérez chaque geste comme une petite oeuvre d’art. Vous éprouverez bientôt une sensation de calme, d’équilibre, de chaleur intérieure, dont vous laisserez tout votre corps se pénétrer.
Élément Air : Voler

VOLER
Exercice 5, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.31
Par la pratique de cet exercice vous vous sentirez envahi par un sentiment heureux de légèreté et d’aisance.
Si vous avez déjà observé des oiseaux en plein vol, vous n’aurez pas de mal à saisir l’esprit de ce nouvel exercice. Imaginez que votre corps vole dans l’espace. Cette fois enore, laissez vos mouvements se fondre l’un dans l’autre, tout en restant bien dessinés. Vous pouvez exécuter ces mouvements avec plus ou moins de force, mais ils doivent cependant conserver une certaine intensité. Vous ne devriez jamais relâcher votre concentration. Même si, extérieurement, vous revenez à une position statique, vous devez continuer à imaginer que vous flottez dans les airs. Imaginez que l’air qui vous entoure est un milieu qui vous force à voler. Vous devez éprouver le besoin d’alléger votre corps, de lutter contre la pesanteur. Tout en vous déplaçant, changez le rythme de vos mouvements. Vous vous sentirez envahi par un sentiment heureux de légèreté et d’aisance.
Comme précédemment (voir le groupe « Imagination créatrice de l’acteur »), vous commencerez l’exercice par des mouvements larges. Vous passerez ensuite à des gestes plus simples et plus naturels. Quand vous exécuterez des gestes quotidiens, veillez à ce qu’ils restent simples et vrais.
Élément Feu : Irradier

IRRADIER
Exercice 6, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.31
Cet exercice vous fera prendre conscience de l’existence et de l’importance de votre « être intérieur ».
Vous éprouverez également des sensations de liberté, de bonheur, de chaleur intérieure. Toutes ces sensations pénétreront votre corps, l’imprégneront tout entier, le rendant de plus en plus vivant, sensible et vibrant.
Commencez cet exercice, comme toujours, par des mouvements larges; puis passez à des mouvements quotidiens plus simples : lever un bras, le baisser, l’étendre devant soi, puis sur les côtés, faire le tour de la pièce, s’allonger par terre, s’asseoir, se lever, etc. Mais en faisant cela, projetez sans interruption et en avant de vous cette « force rayonnante » qui doit émaner de votre corps et précéder puis prolonger tous vos mouvements.
Vous vous demandez peut-être comment il est possible, par exemple, de continuer à s’asseoir une fois qu’on est effectivement assis. La réponse est simple. Il suffit de vous souvenir que vous vous êtes assis épuisé et fatigué. S’il est vrai que vous êtes assis « physiquement », psychologiquement vous continuez à « vous asseoir » en projetant devant vous l’intention qui a motivé l’acte. Vous éprouvez alors la sensation d’un réel soulagement, correspondant à un repos réel. De même si vous essayez de vous lever en imaginant que vous êtes très fatigué, votre corps opposera une résistance telle que bien avant de « vous lever » alors vous êtes déjà debout. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, qu’il faille « jouer » la fatigue. C’est seulement un moyen de vous faire comprendre ce qui se passerait dans la réalité en pareille circonstance. Cet exercice doit s’appliquer a tous les mouvements qui aboutissent à une position statique. N’oubliez jamais que chaque mouvement doit être procédé et suivi de cette « projection ».
Pendant que vous projetez ces intentions imaginaires, essayez de sortir, en quelque sorte, des limites de votre corps. Pour cela, projetez votre « rayonnement » dans plusieurs directions, en le faisant d’abord émaner du corps tout entier, puis de chaque partie isolément : les bras, les mains, les doigts, le front, la poitrine, le dos. Vous pouvez ou non faire partir ce rayonnement du centre moteur situé dans votre poitrine (voir exercice 2). Remplissez tout l’espace qui vous entoure de ces radiations. (C’est en réalité le même processus que lorsque vous projetez votre force intérieur au-dehors, mais il s’exerce avec beaucoup plus de force et de légèreté). Remarquez bien, également, la différence très subtile qui existe entre les mouvements de « vol » et ceux de « rayonnement ». Vous les distinguerez plus facilement avec un peu de pratique. Enfin, imaginez que l’air qui vous entoure est baigné de lumière.
Ne vous laissez pas troubler par la question de savoir si vous « irradiez » réellement ou si vous imaginez que vous le faites. Si vous imaginez sincèrement, et avec conviction, que vous émettez un rayonnement, votre imagination vous amènera progressivement et immanquablement à émettre effectivement ce rayonnement.
Cet exercice vous fera prendre conscience de l’existence et de l’importance de votre « être intérieur ». Il n’est pas rare que des acteurs ignorent ou négligent ce trésor qu’ils ont en eux, et s’appuient, pour jouer, trop exclusivement sur des moyens d’expression extérieurs. Ce recours exclusif aux moyens extérieurs trahit, de façon flagrante la tendance de certains acteurs à oublier, ou à refuser de croire que les personnages qu’ils interprètent ont une âme vivante, et que cette âme peut être révélée de façon convaincante au spectateur grâce à un effort de « rayonnement intense ». En réalité, il n’y a rien, dans le domaine de la psychologie humaine, qui ne puisse être exprimé de cette manière.
Vous éprouverez également des sensations de liberté, de bonheur, de chaleur intérieure. Toutes ces sensations pénétreront votre corps, l’imprégneront tout entier, le rendant de plus en plus vivant, sensible et vibrant.
EN IMAGINATION
Exercice 7
Quand vous serez parfaitement familiarisé avec ces quatre types de mouvement (sculpter, flotter, voler, irradier) et que vous saurez les exécuter avec aisance, essayez de les reconstituer mentalement, en imagination. Répétez cette expérience jusqu’à ce que vous soyez capable de retrouver exactement les sensations physiques et les impressions que vous éprouviez en exécutant le mouvement réellement.
Le sens de la beauté

LE SENS DE LA BEAUTE
Exercice 8, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.37
Commencez par observer toutes les manifestations possibles de la beauté telle qu’elle vous apparaît chez les êtres humains (à l’exclusion de la beauté « sensuelle », considérée ici comme négative), dans l’art et dans la nature, si infime soit-elle. Demandez-vous ensuite : « Pourquoi ceci me paraît-il beau? Est-ce à cause de sa forme? De son équilibre? De sa vérité? De sa simplicité? De sa couleur? De sa valeur morale? De sa force? De sa douceur? De sa signification? De son originalité? De sa générosité? De son idéalisme?, etc.
A force d’observations répétées, vous finirez par découvrir en vous une sensibilité à la vraie beauté, un véritable sens artistique. Vous vous apercevrez que votre corps aussi bien que votre esprit a emmagasiné une quantité de formes belles, et que vous êtes maintenant capable de découvrir la beauté partout où elle se trouve. C’est devenu pour vous une habitude. Vous pourrez alors passer à l’exercice suivant.
Commencez encore une fois par exécuter des mouvements simples, larges, en essayant de les faire partir du sentiment de la beauté qui vous habite, jusqu’à ce que votre corps tout entier en soit pénétré et en éprouve une satisfaction esthétique. Surtout ne faites pas ces exercices devant un miroir; vous auriez tendance à vous contenter d’une beauté de surface, alors que le but de ce travail est de vous donner un sens de la beauté en profondeur. Evitez de faire des gestes de danseur. Ensuite, déplacez-vous en gardant à la fois ce sentiment du beau et la conscience du centre imaginaire situé dans votre poitrine (voir exercice 2). Répétez ainsi les quatre types de mouvements déjà étudiés : sculpter, flotter, voler, irradier. Prononcez quelques phrases. Puis faites des gestes quotidiens et des mouvements simples. Dans votre vie courante, efforcez-vous de la même façon d’éviter toute parole et tout geste disgracieux. Sachez en même temps résister à la tentation de « paraître beau ».
QUE DIRE DU SENS DE LA BEAUTE?
On affirme souvent que la beauté résulte de la conjonction d’un certain nombre d’éléments psychophysiques. C’est certainement vrai. Mais, pour le créateur, la beauté ne se découvre pas par l’analyse ou par la synthèse; c’est une intuition immédiate. Et l’acteur qui se contenterait de considérer la beauté uniquement comme le point de rencontre de plusieurs éléments s’exposerait à bien des confusions et à bien des erreurs.
Avant de rechercher la beauté, l’acteur doit savoir ce qui s’oppose le plus à elle tout en lui ressemblant. Car, comme toute qualité positive, la beauté possède sa contrefaçon négative, dont il faut se méfier. Ainsi, si l’audace est une vertu, la bravade est un défaut; si la prudence est une qualité positive, la lâcheté est un attribut négatif. Il en va de même pour la beauté. La beauté véritable a sa source en l’homme, au plus profond de son être; la fausse beauté est une qualité de surface. Le cabotinage, la mièvrerie, l’excès de sentimentalisme, le narcissisme et autres complaisances sont chez l’acteur des substituts négatifs de la beauté. L’acteur qui s’intéresse à la beauté uniquement pour se faire plaisir n’ira jamais au-delà d’un simple vernis de surface. Il s’agit d’acquérir le sens de la beauté avant tout pour l’amour de l’art. L’acteur qui parvient à dégager son sens de la beauté de toute intention égocentrique est hors de danger.
Vous allez peut-être vous demander : « comment peut-on exprimer la laideur d’un personnage, ou d’une situation, tout en gardant le sens du beau. La beauté ne risque-t-elle pas de faire perdre sa force à l’expression? Cette fois encore, il suffit de faire la distinction entre ce qu’on joue et la façon dont on le joue, entre le thème et la manière de l’exprimer, entre le personnage (ou la situation) et l’artiste. Si vous exprimez la laideur par des moyens inesthétiques, le public sera indisposé. Sa réaction sera physiologique, et non plus psychologique. L’art aura manqué son but. En revanche, un thème, un personnage ou une situation désagréables, s’ils sont exprimés de façon esthétique, auront sur le public un effet favorable. La beauté qui commande l’expression transforme cette laideur particulière en une « idée de la laideur ». Le type général transparaît derrière le particulier et touche immédiatement l’esprit et l’âme du spectateur, au lieu de lui irriter les nerfs.
Un bon exemple de ce phénomène est la façon dont Shakespeare, dans Le Roi Lear, a traité la tirade du roi dans laquelle celui-ci maudit ses filles en les accaparant de toutes les malédictions possibles. Pris séparément, chaque passage est loin d’évoquer la beauté, mais l’ensemble constitue l’un des plus beaux moments de la pièce, esthétiquement parlant. Nous voyons là comment le génie de l’auteur parvient à traiter un sujet parfaitement désagréable (le thème) avec des moyens éminemment esthétiques (la manière). Cet exemple classique suffit à montrer, mieux que toutes les explications, ce qu’est, au théâtre, le sens de la beauté et comment il faut en user.
Le sens de l’unité

LE SENS DE L’UNITE
Exercice 9. Etre acteur, Michaël Chekhov, p.39
Si dès le début, dès la première entrée en scène, vous avez déjà une vision claire de vos dernières scènes _ et, inversement, si vous vous souvenez de vos premières scènes où vous jouez les dernières _ vous serez beaucoup plus apte à saisir l’ensemble de votre rôle dans tous ses détails, comme si vous le voyiez avec beaucoup de recul. Si vous êtes capable de considérer chaque détail comme étant indissociable du tout, vous pourrez ensuite jouer chacun d’eux comme un tout en soi qui se fondera harmonieusement dans le grand ensemble du rôle.
Dans quelle mesure ce sens de l’unité enrichira-t-il votre jeu? Intuitivement, vous irez droit à l’essentiel de votre personnage et vous suivrez de façon continue les grandes lignes de l’action, captant ainsi l’attention du public. Votre jeu sera plus ferme. Enfin, vous aurez beaucoup plus de facilité pour trouver votre personnage sans trop de tâtonnement dès le début du travail.
Repassez dans votre tête les événements de la journée, en essayant de retrouver et d’isoler les moments qui vous paraissent former un tout indépendant. Imaginez que ce sont les scènes d’une pièce. Revivez plusieurs fois ces événements mentalement jusqu’à ce que chacun d’eux devienne une entité sans cesser pourtant de contribuer, avec les autres, à la « cohésion » de la journée.
Faites la même chose avec des périodes entières de votre vie, et, pour finir, essayez d’imaginer votre avenir en fonction de vos projets, de vos aptitudes et de vos ambitions.
Procédez de la même façon avec des personnages historiques dont vous analyserez la vie. Puis avec des pièces.
Maintenant, considérez ce que s’offre à votre vue (plantes, animaux, monuments, paysages, etc.), en regardant chaque chose comme une forme complète en soi. Puis découvrez en chacune d’elles des éléments qui peuvent constituer une image à eux seuls. Isolez-les de l’ensemble en imaginant, par exemple, que vous en faites une photographie qui devient une oeuvre d’art en soi.
Vous pouvez faire la même chose avec la musique. Essayez de sentir, dans une oeuvre musicale, les différents thèmes comme autant d’entités indépendantes. Les rapports de chaque variation avec le thème central vous apparaîtront immédiatement, à la manière des rapports de chaque scène avec l’ensemble d’une pièce.
Terminez votre exercice de la façon suivante : divisez en deux parties le local dans lequel vous travaillez. Passez successivement de l’une, qui représentera les coulisses, à l’autre, qui représentera la scène, en essayant de déterminer le moment précis où vous apparaissez devant un public imaginaire et de le ressentir comme le « commencement » d’une action. Tenez-vous immobile devant votre « public », prononcez une ou deux phrases, comme si vous jouiez un rôle, puis sortez de « scène » en ayant le sentiment de « terminer » cette action. Vous devez avoir l’impression, de l’entrée à la sortie, de n’accomplir qu’une seule et même action qui a un commencement et une fin. La conscience que vous prendrez de commencer et de terminer vous aidera à acquérir le sens de la cohésion.
Voir aussi :