Un coup de dés jamais n’abolira le hasard

  1. Les épreuves
  2. Histoire du poème
  3. Les trois estampes d’Odilon Redon
  4. Vidéos
  5. Commentaires et analyses
    1. MAUCLAIR (au sujet du « coup de dés »)
    2. « toute pensée émet un coup de dés ».
    3. Le «Coup de dés» enfin décodé
  6. La poésie spatialisée depuis Mallarmé
  7. Les dés de Mallarmé ne cessent de rouler. Dominique Bertrand
  8. – Le Hasard, le Désir, la Fleur, l’Étoile – Dominique Bertrand
  9. Voir aussi

Les épreuves

Premier état du manuscrit (février-mars 1897).

Épreuve de l’édition d’Ambroise Vollard (juillet 1897).

Un coup de dés jamais n’abolira le hasard est un poème de Stéphane Mallarmé paru en 1897. Composé en vers libres, c’est l’un des tout premiers poèmes typographiques de la littérature française.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_coup_de_d%C3%A9s_jamais_n%27abolira_le_hasard

Histoire du poème

Ce poème est initialement paru dans le numéro 17 de la revue Cosmopolis, éditée dans sa version française par Armand Colin, daté 1er mai 1897, le texte étant précédé d’une « observation relative au poème », d’une « note », rédigée par Mallarmé lui-même. Le titre était typographiquement composé ainsi : Un Coup de Dés jamais n’abolira le Hasard.

Il est ensuite, sous forme de volume, republié aux Éditions de La Nouvelle Revue française, daté 10 juillet 1914 : cette édition a été coordonnée par le docteur Edmond Bonniot, le gendre de Mallarmé.

Un coup de dés jamais n’abolira le hasard a été republié en 2004 par Michel Pierson et Ptyx : cette édition restitue la composition typographique conçue par Mallarmé pour le projet d’édition élaboré avec Ambroise Vollard à partir de juin-juillet 1897 mais sans les illustrations. Dans ses Souvenirs (1937, p. 309), Vollard raconte qu’il avait contacté l’imprimerie Firmin-Didot pour produire un album illustré comprenant le texte en regard de lithographies, tirées à partir de dessins en noir d’Odilon Redon, mais qu’il se heurta à un refus catégorique, l’imprimeur considérant l’objet comme fou, du fait de la mise en page typographique. Puis Mallarmé s’entretint avec Redon, notamment à Valvins, et les deux hommes s’accordèrent pour que les illustrations soient conçues avec un fond, ce que ne souhaita pas Vollard pour des raisons purement commerciales. Au bout du compte, le projet a traîné. La mort du poète en septembre 1898 n’a fait que confirmer une situation en impasse. De son côté, Vollard conserva les épreuves textes et images, dans l’espoir d’en faire un jour le tirage.

La restitution de la composition typographique a été établie à partir des jeux d’épreuves conservés à la Bibliothèque nationale de France et provenant de la collection Pierre Bérès, en tenant compte des corrections manuscrites de Mallarmé qui mentionne comme titre final : Jamais un coup de dés n’abolira le hasard. Des illustrations de Redon, quatre nous sont parvenues.

Les trois estampes d’Odilon Redon

Tirage lithographique en noir (1897-1898)

Vidéos

Vidéo de Chikako Nagakura sur Facebook https://www.facebook.com/mallarmevalvins/videos/418529168694630

P2-P3, P4-P5

Les pages montrent d’abord la disposition.

Et puis, elles emmènent les regards des lecteurs du haut en bas.

Quand on lit, la lecture sera pour lui comme une opération ou une expérience.

En feuilletant, après la disparition d’”UN COUP DE DÉS”, on apercevra “JAMAIS // QUAND BIEN MÊME …”, comme dans une même page.

C’est la même page qui contient deux états de la pensée.

Chikako Nagakura

Vidéo de Chikako Nagakura sur Facebook https://www.facebook.com/mallarmevalvins/videos/2080872785545549

Un coup de Dés jamais n’abolira le Hasard

Le texte de ce poème doit être imprimé sur 6 feuilles repliées.

Numérotons ici comme ci-dessous :

P1 : POÈME

Un coup de Dés jamais n’abolira le Hasard

par

STÉPHANE MALLARMÉ

P2-P3 : UN COUP DE DÉS

P4-P5 : JAMAIS

QUAND BIEN MÊME …

La première page se fait montrer d’abord comme la couverture.

Le titre de ce poème est «Un coup de Dés jamais n’abolira le Hasard».

Il est écrit par Stéphane Mallarmé.

Et puis, elle donne aux lecteurs une prévention.

Un coup de dés jamais n’abolira le hasard (quand bien même lancé) par Stéphane Mallarmé.

Elle suppose une pré-prévention de la part des lecteurs.

Stéphane Mallarmé, lui, pourra abolir le hasard.

Car ils pensent que Mallarmé a infiniment tenté d’abolir le hasard.

Alors les lecteurs vont chercher les traces des échecs ou des victoires dans les pages suivantes…

Chikako Nagakura

Commentaires et analyses

MAUCLAIR (au sujet du « coup de dés »)

MAUCLAIR (au sujet du « coup de dés »)

Je crains qu’on ne voie dans votre oeuvre non un poème, mais l’exposé de l’armature d’un poème. Me trompé-je en disant que vous vous fondez sur l’impression syntaxique avant tout, et après sur le mouvement du discours?

MALLARME

Au fond, des estampes : je crois que toute phrase ou pensée, si elle a un rythme, doit le modeler sur l’objet qu’elle vise et reproduire, jetée à nu, immédiatement, comme jaillie en l’esprit, un peu de l’attitude de cet objet quand à tout. La littérature fait ainsi « sa preuve ». 

« toute pensée émet un coup de dés ».

L’idée finale de Mallarmé consiste à dire que « toute pensée émet un coup de dés ». La dimension abstraite et complexe de cette création place le silence en son centre comme l’expression de la pensée parfaite. Il inaugure le destin d’une nouvelle poésie de l’esprit qui marche vers le silence. On assiste à une libération des vers, de sa musicalité traditionnelle. Il reste que ce texte paraît clairement indéchiffrable. Beaucoup ont cherché à l’analyser, d’autres à le décrypter.

https://www.gazettelitteraire.com/2019/10/un-coup-de-des-de-stephane-mallarme.html

Le «Coup de dés» enfin décodé

Le jeune philosophe Quentin Meillassoux pense avoir déchiffré le secret du poème légendaire de Mallarmé. Une démonstration virtuose doublée d’une méditation sur l’idée d’incertitude.

https://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20110928.OBS1316/le-coup-de-des-enfin-decode.html

=> A lire sur BibliObs: la réaction de Bertrand Marchal, responsable de l’édition des «Oeuvres complètes» de Mallarmé dans la Pléiade.

La poésie spatialisée depuis Mallarmé

Les dés de Mallarmé ne cessent de rouler. Dominique Bertrand

https://www.facebook.com/dominique.bertrand.14?locale=da_DK

– Le Hasard, le Désir, la Fleur, l’Étoile – Dominique Bertrand

Une pensée incongrue, en marchant dans la rue : hasard, hasard… bizarre, ce mot, ça sonne pas latin, ni grec, plutôt arabe ? Lorsque, rentré chez moi, j’ai pris mon dictionnaire étymologique, il s’est ouvert… sur la bonne page (!?) Bon… Il y a de ces hasards, parfois… Et j’ai alors appris qu’en effet, le mot hasard vient de l’arabe, Al-Zahr désignant le jeu de dés. Mais le dico s’ouvrant par hasard sur le mot hasard au moment où, je ne sais pourquoi, ce mot m’intrigue, était-ce vraiment un hasard ? Une piste à suivre, là…

Al-zahr… J’avais appris un peu d’arabe, dans le temps, lu depuis pas mal d’ouvrages sur la tradition soufie, et ce « Zahr » me résonnait quelque chose… Un rapport avec Zohra, nom de la planète Vénus, et de la fille du prophète, Fatima-Zohra ? Poussant mes recherches, je finis par trouver : par métonymie, le jeu de dés se nomme ainsi du nom de la Fleur (zahra) dessinée sur une des six faces du dés : la face gagnante. La racine zhr désigne alors aussi bien le rayonnement de la fleur (sa blancheur lumineuse) que celui de l’étoile (rayonnement impliquant donc le centrage). Par extension, l’arabe dit aussi la Chance.

J’appris aussi que Jâbir, considéré comme l’une des plus hautes autorités dans le domaine de l’alchimie, écrivit le Kitab al-Zuhra (« Livre de Vénus », le Noble art de l’alchimie), et que l’hébreu use de la même racine pour désigner la Splendeur céleste, et donne son nom à l’ouvrage majeur de la kabbale, le Sepher ha Zohar.

Je ne me doutais pas que le mot hasard me mènerait aussi directement vers le cosmos et les sciences ésotériques, mais qu’il provienne d’une fleur lui donnait une dimension nouvelle, qui convenait bien à ma curieuse expérience du dictionnaire. Synchronicité, dit-on alors… Mais que dit de plus ce mot, que le mot hasard ?

C’est Vénus qui finalement me donna la direction, éclairant de sa vespérale lumière ma longue expérience de joueur de dés, et rappeler que dans l’expression « jeu de hasard », s’il y a bien le mot hasard, il y a aussi le mot jeu, qui implique la rencontre du hasard avec son apparent contraire, le désir : ce qui, ici, joue… Or ce mot, par le latin, a lui aussi à faire avec le ciel, desiderius signifiant de-siderius : désétoilé. Celui-là même qui lance le dé, pour que brille soudain l’étoile.

Jeu de dés-ir ? Il faut avoir lancé les dés des heures durant (jusqu’au cœur de la nuit, heures magiques), pour savoir combien désir et hasard entretiennent des relations hautement tensorielles, ouvrant parfois des instants saisissants, confrontation radicale totalement renouvelée à chaque lancer. Et que c’est justement cette rencontre improbable qui fait l’enjeu du jeu, lorsque l’intensité du désir de voir surgir La figure (la fleur) en bousculant soudain toutes statistiques, quand par exemple celle-ci apparaît trois fois de suite, ou que le dernier dé s’arrête sur l’as inespéré qui remporte la partie. Que l’on nomme le hasard du nom de la fleur-étoile rayonnante rappelle donc combien son sens existentiel dépend de la relation à son autre – le désir – altérité qui parfois s’annule en un instant de jubilation (le jeu), lorsque désir et hasard soudain coïncident : synchronicité.

Mais les heures durant à faire rouler les dés m’enseignèrent aussi à distinguer le désir de la volonté qui, s’épuisant à buter contre son impuissance, finit par céder pour laisser place à un autre sentiment, d’acceptation, de consentement, où le désir soudain allégé de tout projet se découvre alors énergie libre, sans forme sinon le jeu entre les formes, légère, mais surtout CONFIANTE en « quelque chose » d’un autre ordre : le geste du lancer est une des expériences les plus vives de la foi, une des plus crues, des plus intenses. C’est aussi cette autre dimension du désir, dépassant les limites de la volonté, qu’invoquent bien des techniques de mancies (tarot, I-Ching, géomancie, etc.), destinées à soulager la personne de son obscurité en interrogeant le hasard.

Par extension Zahr renvoie en arabe non seulement au rayonnement, et donc au centrage, mais à la chance. Soit un certain rapport au réel, qui touche là à une énigme existentielle ultra-sensible, considérée comme une qualité humaine hautement valorisée chez les guerriers et les chasseurs. Et pathétiquement quêtée par les pauvres gens devant les résultats du tiercé, ou du grattage. Ou encore les artistes, guettant et provoquant l’accident qui libérera l’inspiration de l’emprise de la volonté. Là, encore et toujours, l’enjeu du désir, sa mise à l’épreuve. Ce n’est certes pas par hasard qu’en terres d’islam la planète Vénus soit la patronne des arts, ni que sa forme préislamique soit Ouzza, autrefois vénérée à la Mecque avec ses deux sœurs, et dont le nom signifie Puissance. L’en-puissance désirante, désirée, désirable.

Il faudrait ici entendre comment cette dimension éclaire ses connections avec l’alchimie et la kabbale, comme étant des voies d’exploration de cette libération du désir de sa gangue de volonté, participant alors d’un autre rapport au « hasard », au flux des choses, à l’ouverture au possible, à l’inconnu, à l’en-puissance. Une autre dimension du mot art, jusqu’au philosophal. (À ce propos si quelqu’un en sait plus sur un écrit d’Averroes nommé « La science de la chance », bienvenu !). Bien loin du calcul des probabilités, c’est sans doute la poésie qui, nous embarquant avec Mallarmé, nous portera le mieux sur son onde, s’il s’agit d’entendre.

Il est tard, je laisse pour plus tard l’idée de préciser comment ces traditions s’y prennent, pour ouvrir l’âme en connectant le désir à la chance, au rayonnement, par le centrage. Et aussi de revenir sur un thème impliqué par ce qui précède : le paradoxe lié aux statistiques et à la loi des grands nombres, ses implications pour entendre autrement le rapport entre l’individu et le groupe, la liberté et l’aliénation, l’imprévisible et le prévisible, en tentant d’y entendre quelque chose de la place improbable du désétoilé, dans tout ça. 😉

– D.B.-

– Version arabe du « Coup de dés » de Mallarmé :
https://vimeo.com/528301822

conférences sur le hasard :
-,Lachièze-Rey https: //youtu.be/-LpX-g5TIhM
– Étienne Klein : https://youtu.be/yVaDWSEo7xo
– Nicolas Curien : https://youtu.be/c6RxPTF09Go
– Jérôme Rosanvallon : https://youtu.be/uPvDYIX34zA

Sur le même thème :
– L’élixir de silence : Sui Zen : https://www.facebook.com/564074588/posts/10159917105569589/

Source de cette publication : https://www.facebook.com/photo/?fbid=10159934885384589&set=a.10151603705184589

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