François Cheng

D’origine chinoise, François Cheng a choisi comme prénom français, lors de sa naturalisation, celui du saint d’Assise. Eric Fougere/© Eric Fougere/VIP Images/Corbis
  1. François Cheng
  2. François Cheng, Cinq méditations sur la beauté
  3. François Cheng et son rapport à la joie
  4. De la voie taoïste à la voie christique
    1. François Cheng : «François d’Assise a changé ma vie »
  5. Le quatrain
  6. Voir aussi
François Cheng

François Cheng (nom d’auteur ; nom chinois : 程抱一 ; pinyin : Chéng Bàoyī ; litt. « qui embrasse l’unité »), né le 30 août 1929 à Nanchang (province du Jiangxi, Chine), est un écrivain, poète et calligraphe français d’origine chinoise. Il a été naturalisé français en 1971. Il est membre de l’Académie française depuis 2002.

Ses travaux se composent de traductions des poètes français en chinois et des poètes chinois en français, d’essais sur la pensée et l’esthétique chinoises, de monographies consacrées à l’art chinois, de recueils de poésies, de romans et d’un album de ses propres calligraphies.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Cheng

François Cheng, Cinq méditations sur la beauté

« En ces temps de misères omniprésentes, de violences aveugles, de catastrophes naturelles ou écologiques, parler de la beauté pourrait paraître incongru, inconvenant, voire provocateur. Presque un scandale. Mais en raison de cela même, on voit qu’à l’opposé du mal, la beauté se situe bien à l’autre bout d’une réalité à laquelle nous avons à faire face. (…) Ce qui est en jeu n’est rien de moins que la vérité de la destinée humaine, une destinée qui implique les données fondamentales de notre liberté. » F. Cheng

D’une voix rayonnante, François Cheng vous emmène sur le chemin de ses méditations qui révèlent à l’oral toute leur beauté d’origine.

« Prix Spiritualité d’aujourd’hui » 2007, décerné par le centre méditerranéen de littérature.

Citations de François Cheng extraites de son livre ici :
https://www.babelio.com/…/Cheng-Cinq…/10140/critiques

François Cheng et son rapport à la joie

De la voie taoïste à la voie christique
Pour François Cheng, dans l’affrontement contre le mal, personne ne peut aller plus loin que le Christ. • PATRICE NORMAND/LEEXTRA/LEEMAGE

François Cheng : « De la voie taoïste à la voie christique, il n’y eut aucun renoncement »

L’académicien François Cheng, trait d’union entre la Chine où il est né et la France, a reçu « Prier », pour un entretien où il revient sur sa foi, sa conception de la beauté et l’échéance de la mort.

Vous avez reçu le baptême en 1969, mais vous ne vous déclarez ni catholique ni chrétien. Vous affirmez avoir choisi « la voie christique », qu’est-ce à dire ?

Je n’ai jamais refusé qu’on me considère comme un chrétien ou un catholique. Simplement, il y a le fait que cette appellation offre, dans l’esprit des gens, une image souvent trop conventionnelle, trop figée. Je viens de très loin. J’éprouve le besoin, vraiment vital, de cerner de plus près une compréhension et un vécu particuliers. Il n’y entre aucune recherche prétentieuse d’une singularité. Au contraire, en toute humilité, par l’affirmation plus exacte de ma vérité, je m’oblige à une manière de vivre au ras de l’humus, sans affichage, sans étiquette.

Comment conciliez-vous la voie du tao et le Christ ?

Je viens de loin, ai-je dit. Je portais en moi la vision du tao, « la voie », vision d’un univers vivant en devenir, animé par le qi, le « souffle-esprit ». Plus tard, bien plus tard, après avoir connu les extrêmes conditions humaines, lorsque j’ai entendu l’affirmation du Christ : « Je suis la voie, la vérité, la vie », j’ai reconnu là une « voie incarnée » qui donne vérité et vie à la voie taoïste qui m’habitait. De la voie taoïste à la voie christique, il n’y eut aucun renoncement ; une authentique ouverture est offerte, qui permet avancement et accomplissement. « J’ai embrassé la voie christique », voilà la formule la plus juste, en ce qui me concerne.

A lire aussi : La figure spirituelle de Ke Wen : François Cheng

Vous avez dit que le Christ était « le bien absolu répondant au mal radical »…

Un jour, au sein de l’humanité écrasée par les conditions tragiques de son existence terrestre, Quelqu’un est venu accomplir l’acte absolu : affronter le mal radical au nom de l’amour absolu. Cet acte qui restituait à l’homme sa part divine était accompli une fois pour toutes ; personne ne peut aller plus loin. En effet, il ne manque pas de chefs spirituels qui exhortent au bien. Leur exhortation, faute d’être incarnée jusqu’à ces extrêmes limites, reste relative.

Par ailleurs, les rationalistes comptent sur la seule raison pour vaincre le mal. C’est ignorer la complexité de l’âme humaine. Notre cerveau régit, en plus de la raison, les deux autres entités que sont la mémoire, qui contient tous les affects, et l’imagination, qui contient toutes les pulsions. Seul l’authentique amour parvient à transcender et à transfigurer ce que l’humain porte en lui comme drame.

« L’âme est le lieu de l’unicité de la personne », dites-vous. Toute votre œuvre n’est-elle pas une écoute du battement du cœur, de la vibration de l’âme ? Est-ce que cela ne vous a pas conduit à écrire dans une langue de plus en plus sobre ?

La base et le sommet de ma création, s’il m’est permis de le dire, est la poésie. À force d’affronter l’écriture et le temps, à force d’élagage et de dépouillement, l’âme irréductible du poète parvient à ce langage essentiel que tente de définir le quatrain suivant : « Mais il reste la nuit / Où la braise en souffrance / Épure mille charbons / En unique diamant. »

La beauté est-elle une réalité de nature spirituelle ? Un antidote au mal ? Où la trouvez-vous par prédilection ?

La beauté est un signe fondamental par lequel la Création nous signifie que la vie a du sens. L’univers créé aurait pu n’être que fonctionnel ; ce n’est pas le cas. Au sein de la nature, nous allons d’instinct vers ce qu’il y a de beau. Ce faisant, au lieu de tourner aveuglément en rond, nous prenons une direction. Cette direction nous signifie que nous sommes sur un chemin où réalisation et dépassement sont possibles.

Sensation, direction, signification… ces trois qualités sont réunies par la langue française en un seul mot : sens. La beauté nous montre aussi que tout n’est pas indifférencié, que tout ne se vaut pas ; elle nous procure le sens de la valeur. À la beauté de la nature s’ajoute une beauté spécifiquement humaine : la beauté de l’âme. Apprenons à apprécier, partout et toujours, les regards et les gestes où l’âme humaine, en sa meilleure part, se révèle.

La mort qui nous attend tous est le dénuement par excellence. Comment la percevez-vous ?

Au niveau de l’existence terrestre, c’est la conscience de la mort qui suscite en nous l’élan vers la vie, qui nous pousse à vouloir créer afin de nous dépasser. C’est aussi la mort qui permet à l’ordre de la vie de se renouveler, qui donne à toute vie une chance d’accéder à la transformation, voire à la transfiguration. En réalité, la mort physique est une loi imposée par la vie même. La vie a primauté sur la mort, et non l’inverse. La vie est-elle un fruit du hasard, un épiphénomène ?

A lire aussi : « Les morts ont bien des choses à nous confier »

Beaucoup d’astrophysiciens s’extasient en exaltant la splendeur de l’Univers, tout en qualifiant nos existences de « poussière d’étoiles ». L’un d’entre eux, Stephen Hawking, a eu le mérite de dire : « Cet Univers, au fond, ne serait pas intéressant s’il n’y avait pas des êtres qu’on peut aimer. » L’aboutissement de la Création n’est pas l’univers physique, mais la vie, qui est l’unique aventure en devenir – la voie – dont nous faisons partie. Sans notre regard éveillé et notre cœur battant, toute la splendeur d’aurore et tout le ciel étoilé seraient vains.

Que ressentez-vous devant cette ultime échéance ?

Je porte en moi tant de deuils d’êtres chers et tant de mes propres expériences de mort… Cependant, d’avoir été bouleversé tant de fois devant la gloire de la Création suffit à m’emplir de gratitude. Le mot qui me vient aux lèvres est : merci !

Source

https://www.lavie.fr/christianisme/francois-cheng-de-la-voie-taoiste-a-la-voie-christique-il-ny-eut-aucun-renoncement-78470.php

François Cheng : «François d’Assise a changé ma vie »

L’écrivain d’origine chinoise raconte sa rencontre avec le Poverello, en 1961.

LE FIGARO LITTÉRAIRE. – Lors de votre premier séjour à Assise, vous aviez trente-deux ans et viviez en France depuis douze ans. Dans quel état d’esprit étiez-vous?

FRANÇOIS CHENG. – J’étais un jeune homme passablement perdu et tourmenté. Je me suis laissé entraîner par des amis pour aller à Assise, sans doute attiré par le soleil d’Italie, peut-être aussi par le vague souhait de connaître un saint. Depuis quelque temps, j’avais pris conscience que les vérités de vie s’incarnent moins dans les idées que chez les êtres. Les idées sont importantes, mais elles se dessèchent si elles ne sont pas effectivement vécues par les êtres.

Vous voilà donc à Assise…

Ce fut un choc et d’abord une rencontre avec ce lieu dont un Chinois pétri de la tradition géomancienne chinoise voit immédiatement que c’est un lieu faste. Je savais à l’époque que je ne pourrais pas retourner en Chine et me considérais comme un exilé. Mais là, en sortant de la gare, lorsque Assise m’est apparue à mi-hauteur de la montagne, ouvrant ses bras dans un geste d’accueil, j’ai senti qu’il me serait possible d’habiter cette terre d’Europe. J’ai arpenté tous les endroits où François a vécu, avec mes amis d’abord et seul ensuite. Auprès de François, j’ai compris que les saints sont là pour nous montrer de quoi l’homme est capable dans le bien, alors que tant de criminels nous montrent de quoi l’homme est capable dans le mal. La vraie sainteté, loin d’être une forme de moralisme morose, est indispensable pour nous faire prendre la pleine mesure de notre destin au sein de l’univers.

Pourquoi appelez-vous François «le Grand Vivant»?

Parce qu’il a embrassé la vie dans sa totalité, sa part lumineuse, exaltante comme sa part sombre, tragique. Comme le Christ son maître, il sait que la voie de la vraie vie passe par la prise en charge des malheurs qui accablent le monde. Il ne doute pas que l’immense aventure de la Vie, toujours en devenir, a besoin de chacun de nous, qui sommes habités par la faim et la soif infinies, pour accéder à un autre ordre de la vie.

Pourquoi pensez-vous que François est le saint le plus extraordinaire?

Ce «frère universel», par son être et ses actes, par son superbe Cantique des créatures– «messire frère soleil», «notre sœur et mère terre», etc. -, a changé la couleur du monde occidental qui s’est révélé soudain plus chaleureux, fraternel, inspirant. Songeons à ce sombre XIIIe siècle, ravagé par les guerres et les épidémies, où l’on se méfiait de la nature, considérée comme le lieu de la chute, donc de la corruption. François opère un renversement de perspective qui annonce la Renaissance. Son Cantique des créatures a inauguré une grande lignée de poètes lyriques, à commencer par Dante, qui écrit à propos de François qu’un «soleil nous est né». Inspirée par François, La Divine Comédie s’achève par l’évocation de la «force d’amour qui meut le soleil et les autres étoiles».

François, écrivez-vous, n’était pas l’homme candide que présente l’imagerie populaire. Il n’a pas écrit son Cantique en se promenant dans les champs au printemps mais à la fin de sa vie. Comment a-t-il pu avoir cette vision cosmique lumineuse alors qu’il était aveugle et souffrait le martyre?

François a épousé la pauvreté et cette pauvreté fut sa force. La pauvreté, chez lui, consiste à se dépouiller, pas seulement de ses biens, mais aussi de toute peur, de tout préjugé, de toute répugnance, de tout souci de soi. Devenu un «rien bienveillant», totalement libre, il rayonne d’une lumière qui ne vient pas de lui. C’est avec cette force désarmée et désarmante qu’il va embrasser le lépreux, neutraliser les brigands, pacifier le loup de Gubbio. Les animaux farouches, les lièvres, les agneaux viennent d’instinct vers lui, attirés par cette force. Les humains aussi, qui trouvent en lui réconfort et confiance, sachant que la lumière qui émane de lui vient d’une transcendance qui ne trahit pas, ne corrompt pas. Lui-même, au bout de toutes les meurtrissures, parle de la joie parfaite. Joie de la donation totale, presque identique à celle du Créateur qui, à partir du Rien, a fait advenir le Tout.

Qu’est-ce que François a changé dans votre existence?

Cette rencontre a été initiatique et a changé ma vie. Dix ans après mon premier voyage à Assise, lors de ma naturalisation, j’ai choisi François comme prénom français. François d’Assise ne laisse personne indifférent. Tous ceux qui sont passés par Assise – Goethe, Chateaubriand, Julien Green, Simone Weil – sont conquis par lui. Au milieu de nous, il a tracé un chemin de Vraie Vie possible. On peut même aller jusqu’à dire qu’il a rendu «praticable» la voie christique. Depuis lors, j’ai l’impression d’avoir constamment à côté de moi un frère, un ami qui m’empêche de verser dans la complaisance, le faux-semblant, qui me maintient dans la passion du vrai et du beau. Je préfère ne pas me définir comme chrétien, parce que je suis toujours en quête et habité par l’idée de l’Ouvert.

Et je ne me demande pas, comme le fait Emmanuel Carrère, si j’ai la foi ou pas. Mais à travers François j’ai mieux connu le Christ et épousé sa Voie. Je suis porté par la conception du Tao, mais il me semble que la Voie du Christ m’a mené plus loin, dans mon rapport aux êtres et dans l’expérience mystique qu’est pour moi la poésie. La pauvreté intérieure, qui dénude et rend accueillant, permet d’être poète. Cette pauvreté se cultive par la méditation. On peut prier presque tout le temps, dans les salles d’attente, partout. Prier est une façon de s’ouvrir aux êtres et à l’Être, de déchiffrer et de relier.

Avez-vous entrevu ce que François a vu?

Malgré les épreuves, mes années de vieillesse ne sont pas marquées par l’amertume mais par la gratitude, notamment envers les êtres que mes écrits mettent sur ma route. Je voudrais dire à ce propos mon émerveillement, parce qu’il y a en France un réservoir impressionnant d’intelligence, de sensibilité et de spiritualité, un peuple éveillé qui s’épanouira dès que l’occasion sera donnée. Je ressens un immense besoin de célébration. Le recueil de poèmes que je prépare s’intitulera d’ailleurs La vraie gloire est ici.

Source : https://www.lefigaro.fr/livres/2014/11/27/03005-20141127ARTFIG00131-francois-cheng-francois-d-assise-a-change-ma-vie.php

Le quatrain

« La rhétorique chinoise conçoit le quatrain comme une dramaturgie à quatre temps :

le premier vers qui est l’exorde,
le deuxième vers qui est le développement,
le 3ème vers qui doit marquer un tournant ascendant
et le quatrième vers qui doit aboutir à une perspective ouverte ». (François Cheng)

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/poesie-et-ainsi-de-suite/eloge-du-quatrain-par-francois-cheng-ma-poesie-en-francais-a-commence-par-un-quatrain-il-y-a-exactement-60-ans-2407999

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