
Jules Pierre Théophile Gautier, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872, est un poète, romancier et critique d’art français.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ophile_Gautier
Émaux et Camées
En 1852, paraît Émaux et Camées, recueil de vers qu’il enrichit jusqu’en 1872 et qui fait de son auteur un chef d’école : Baudelaire dédie ses Fleurs du mal au « poète impeccable » et Théodore de Banville salue le défenseur de L’Art pour l’art, précurseur des Parnassiens à la recherche du beau contre les épanchements lyriques des romantiques et valorisant le travail de la forme (« Sculpte, lime, cisèle » écrit Gautier dans son poème L’Art, dernière pièce de Émaux et Camées, édition de 1872).
Recueil de 37 poèmes publié en 1852, Émaux et camées est le sommet de l’art poétique de Théophile Gautier. La plupart des textes qui le constituent sont octosyllabiques ; « L’Art », contre-exemple, a une forme plus surprenante : il est en effet constitué de quatrains hexasyllabiques, excepté leur troisième vers, constitué de seulement deux syllabes.
Alors que ses premières pièces relevaient de l’esthétique romantique (La Comédie de la mort, España), Gautier évolue de plus en plus vers le formalisme. Ses poèmes deviennent alors des bijoux virtuoses à la beauté un peu froide sans perdre toutefois leur charge émotionnelle. Cette esthétique nouvelle annonce le mouvement parnassien.
Ce recueil va reparaître plusieurs fois, à chaque fois augmenté, en 1853, 1858, 1863 et, enfin, en 1872 dans une édition définitive.
Le club des Hashischins

Île Saint-Louis, Paris 4e
En 1844, Théophile Gautier fonde le club des Hashischins avec Jacques-Joseph Moreau, club voué à l’étude du cannabis. Ce club sera fréquenté par de nombreux artistes de l’époque, dont Charles Baudelaire.
Toast funèbre, poème de Stéphane Mallarmé
A son décès Hugo, Stéphane Mallarmé ou encore Théodore de Banville lui rendent un dernier « toast funèbre » .
Stéphane Mallarmé, Le tombeau de Théophile Gautier, 1873
Ô de notre bonheur, toi, le fatal emblème !
Salut de la démence et libation blême,
Ne crois pas qu’au magique espoir du corridor
J’offre ma coupe vide où souffre un monstre d’or !
Ton apparition ne va pas me suffire :
Car je t’ai mis, moi-même, en un lieu de porphyre.
Le rite est pour les mains d’éteindre le flambeau
Contre le fer épais des portes du tombeau :
Et l’on ignore mal, élu pour notre fête
Très-simple de chanter l’absence du poëte,
Que ce beau monument l’enferme tout entier :
Si ce n’est que la gloire ardente du métier,
Jusqu’à l’heure dernière et vile de la cendre ,
Par le carreau qu’allume un soir fier d’y descendre
Retourne vers les feux du pur soleil mortel !
Magnifique, total et solitaire, tel
Tremble de s’exhaler le faux orgueil des hommes.
Cette foule hagarde ! elle annonce : Nous sommes
La triste opacité de nos spectres futurs !
Mais le blason des deuils épars sur de vains murs,
J’ai méprisé l’horreur lucide d’une larme,
Quand , sourd même à mon vers sacré qui ne l’alarme ,
Quelqu’un de ces passants, fier, aveugle et muet,
Hôte de son linceul vague, se transmuait
En le vierge héros de l’attente posthume.
Vaste gouffre apporté dans l’amas de la brume
Par l’irascible vent des mots qu’il n’a pas dits.
Le néant à cet Homme aboli de jadis :
« Souvenir d’horizons, qu’est-ce, ô toi, que la Terre ? »
Hurle ce songe ; et voix dont la clarté s’altère,
L’espace a pour jouet le cri : « Je ne sais pas ! »
Le Maître, par un œil profond, a, sur ses pas,
Apaisé de l’éden l’inquiète merveille
Dont le frisson final, dans sa voix seule, éveille,
Pour la rose et le lis, le mystère d’un nom.
Est-il, de ce destin, rien qui demeure ? Non.
Ô vous tous ! oubliez une croyance sombre.
Le splendide génie éternel n’a pas d’ombre.
Moi, de votre désir soucieux, je veux voir,
À qui s’évanouit, hier, dans le devoir
Idéal que nous font les jardins de cet astre,
Survivre pour l’honneur du tranquille désastre
Une agitation solennelle par l’air
De paroles, pourpre ivre et grand calice clair,
Que, pluie et diamant, le regard diaphane
Resté-là sur ces fleurs dont nulle ne se fane,
Isole parmi l’heure et le rayon du jour !
C’est de nos vrais bosquets déjà tout le séjour,
Où le poëte pur a pour geste humble et large
De l’interdire au rêve, ennemi de sa charge :
Afin que le matin de son repos altier,
Quand la mort ancienne est comme pour Gautier
De n’ouvrir pas les yeux sacrés et de se taire.
Surgisse, de l’allée ornement tributaire.
Le sépulcre solide où gît tout ce qui nuit,
Et l’avare silence et la massive nuit.
Stéphane Mallarmé, Le tombeau de Théophile Gautier, 1873
Voir aussi :
Un avis sur « Théophile Gautier »