
Guy Lavaud, Un pin
Un pin large, arrondi en une sombre masse
Est comme une île dans l’eau vive de l’espace.
Chaque branche étendue verte sur cet azur
Y jette de longs caps et de sombres presqu’îles
Et ses courbes rameaux captent d’un geste pur
Dans leurs récifs menus des golfes d’air tranquille.
Guy Lavaud
Poétique du ciel
Emile-Paul, 1930

Guy Lavaud (Terrasson, 1883 – Saint-Germain-en-Laye, 1958) est un poète symboliste français. Parallèlement à une brillante carrière administrative, Guy Lavaud publia du début des années 1900 à la fin des années 1940 une quinzaine de recueils où s’expriment sa sensibilité symboliste. Son style se caractérise par sa clarté et sa concision. On trouve son nom associé aux principales aventures poétiques de son temps, comme Vers et Prose de Paul Fort ou Le Divan d’Henri Martineau ; il cofonde la revue Yggdrasil (1936-1941) avec Raymond Schwab.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Lavaud

Henri de Régnier, Les Pins
Les pins chantent, arbre par arbre, et tous ensemble ; C’est toute une forêt qui sanglote et qui tremble, Tragique, car le vent, ici, vient de la mer ; Sa douceur est terrible et garde un goût amer Et d’endormir nos soirs il se souvient encore D’être né du sursaut d’une farouche aurore Dans l’écume qui bave et la houle et l’embrun ; Et, sous les hauts pins roux qui chantent, un à un, Ou qui grondent en unissant de cime à cime Le refrain éternel de leur flot unanime, Le bonheur qui s’endort et qui ferme les yeux Croit entendre, en un rêve encore soucieux, La rancune ancienne et la rauque colère, Couple hargneux qui hurle et se guette et se flaire, Passer dans sa mémoire et mordre son sommeil ; Et la joie, au sommet des grands arbres vermeils Que le soir fait de pourpre et que l’heure ensanglante, Ressemble à la colombe harmonieuse et lente Et dont le chant roucoule et se perd et s’éteint Dans la rouge rumeur que murmurent les pins. Henri de Régnier, Les Jeux rustiques et divins, 1897 |
Théophile Gautier, Le Pin des Landes
On ne voit, en passant par les Landes désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eaux vertes
D’autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc ;
Car pour lui dérober ses larmes de résine,
L’homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu’aux dépens de ceux qu’il assassine,
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !
Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.
Le poète est ainsi dans les Landes du monde ;
Lorsqu’il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu’il ait au coeur une entaille profonde
Pour épancher ses vers, divines larmes d’or !
Théophile Gautier, España, 1845
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