
- Paul Verlaine et Stéphane Mallarmé
- Petite visite à Valvins
- Autobiographie. Lettre à Verlaine / Mallarmé
- Médaillons et portraits en pied
- Stéphane Mallarmé par Verlaine
- Un témoignage des mardis littéraires
- Verlaine et Mallarmé par Jean-Michel Maulpoix
- Les Poètes maudits – Verlaine
- Voir aussi
Paul Verlaine et Stéphane Mallarmé

Les deux poètes entrent en relation en 1866 à propos des Poèmes saturniens de Verlaine. Ils se voient dès lors fréquemment au café Vachette, chez l’éditeur Vanier et à l’hôpital Broussais et éprouvent l’un pour l’autre une admiration réciproque.
Paul Verlaine invite dès 1872 Mallarmé aux « mercredis » qu’il inaugure rue Nicolet, et fréquente lui-même, plus ou moins assidûment, les « mardis » de la rue de Rome.
Verlaine consacre un chapitre à Mallarmé dans Les Poètes maudits publié en 1884 et rédige la biographie de Mallarmé pour la collection Les Hommes d’aujourd’hui.
Mallarmé est profondément affecté par la mort de Verlaine survenue le 8 janvier 1896. Pour le Journal du 10 janvier 1896, Mallarmé interrogé par Georges Docquois dit de Verlaine : « (…) Avec lui, je ne sentais pas réellement le contact. Je l’aimais pourtant (…) ».
https://www.musee-mallarme.fr/fr/paul-verlaine-stephane-mallarme-au-cours-de-lun-des-mardis
Petite visite à Valvins

« J’oubliais mes fugues, aussitôt que pris de trop de fatigue d’esprit, sur le bord de la Seine et de la forêt de Fontainebleau, en un lieu le même depuis des années : là je m’apparais tout différent, épris de la seule navigation fluviale. J’honore la rivière, qui laisse s’engouffrer dans son eau des journées entières sans qu’on ait l’impression de les avoir perdues, ni une ombre de remords. Simple promeneur en yoles d’acajou, mais voilier avec furie, très-fier de sa flottille. »
Cet extrait de la lettre à Verlaine du 16 novembre 1885 a été choisi par la musée Mallarmé pour figurer sur le panneau situé à l’entrée de la maison de Stephane Mallarmé et devant la Seine.
Lettre à Verlaine du 16 novembre 1885
Autobiographie. Lettre à Verlaine / Mallarmé

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Paris, lundi 16 novembre 1885.
Mon cher Verlaine,
Je suis en retard avec vous, parce que j’ai recherché ce que j’avais prêté, un peu de côté et d’autre, au diable, de l’œuvre inédite de Villiers. Ci-joint le presque rien que je possède.
Mais des renseignements précis sur ce cher et vieux fugace, je n’en ai pas : son adresse même, je l’ignore ; nos deux mains se retrouvent l’une dans l’autre, comme desserrées de la veille, au détour d’une rue, tous les ans, parce qu’il existe un Dieu. À part cela, il serait exact aux rendez-vous et, le jour où, pour les Hommes d’Aujourd’hui, aussi bien que pour les Poètes Maudits, vous voudrez, allant mieux, le rencontrer chez Vanier, avec qui il va être en affaires pour la publication d’Axël, nul doute, je le connais, aucun doute, qu’il ne soit là à l’heure dite. Littérairement, personne de plus ponctuel que lui : c’est donc à Vanier à obtenir d’abord son adresse, de M. Darzens qui l’a jusqu’ici représenté près de cet éditeur gracieux.
Si rien de tout cela n’aboutissait, un jour, un mercredi notamment, j’irais vous trouver à la tombée de la nuit ; et, en causant, il nous viendrait à l’un comme à l’autre, des détails biographiques qui m’échappent aujourd’hui ; pas l’état civil, par exemple, dates, etc., que seul connaît l’homme en cause.
Je passe à moi.
Oui, né à Paris, le 18 mars 1842, dans la rue appelée aujourd’hui passage Laferrière. Mes familles paternelle et maternelle présentaient, depuis la Révolution, une suite ininterrompue de fonctionnaires dans l’Administration de l’Enregistrement ; et bien qu’ils y eussent occupé presque toujours de hauts emplois, j’ai esquivé cette carrière à laquelle on me destina dès les langes. Je retrouve trace du goût de tenir une plume, pour autre chose qu’enregistrer des actes, chez plusieurs de mes ascendants : l’un, avant la création de l’Enregistrement sans doute, fut syndic des Libraires sous Louis XVI, et son nom m’est apparu au bas du Privilège du roi placé en tête de l’édition originelle française du Vathek de Beckford que j’ai réimprimé. Un autre écrivait des vers badins dans les Almanachs des Muses et les Étrennes aux Dames. J’ai connu enfant, dans le vieil intérieur de bourgeoisie parisienne familial, M. Magnien, un arrière-petit-cousin, qui avait publié un volume romantique à toute crinière appelé Ange ou Démon, lequel reparaît quelquefois coté cher dans les catalogues de bouquinistes que je reçois.
Je disais famille parisienne, tout à l’heure, parce qu’on a toujours habité Paris ; mais les origines sont bourguignonnes, lorraines aussi et même hollandaises.
J’ai perdu tout enfant, à sept ans, ma mère, adoré d’une grand’mère qui m’éleva d’abord ; puis j’ai traversé bien des pensions et lycées, d’âme lamartinienne avec un secret désir de remplacer, un jour, Béranger, parce que je l’avais rencontré dans une maison amie. Il paraît que c’était trop compliqué pour être mis à exécution, mais j’ai longtemps essayé dans cent petits cahiers de vers qui m’ont toujours été confisqués, si j’ai bonne mémoire.
Il n’y avait pas, vous le savez, pour un poète à vivre de son art même en l’abaissant de plusieurs crans, quand je suis entré dans la vie ; et je ne l’ai jamais regretté. Ayant appris l’anglais simplement pour mieux lire Poe, je suis parti à vingt ans en Angleterre, afin de fuir, principalement ; mais aussi pour parler la langue, et l’enseigner dans un coin, tranquille et sans autre gagne-pain obligé : je m’étais marié et cela pressait.
Aujourd’hui, voilà plus de vingt ans et malgré la perte de tant d’heures, je crois, avec tristesse, que j’ai bien fait. C’est que, à part les morceaux de prose et les vers de ma jeunesse et la suite, qui y faisait écho, publiée un peu partout, chaque fois que paraissaient les premiers numéros d’une Revue Littéraire, j’ai toujours rêvé et tenté autre chose, avec une patience d’alchimiste, prêt à y sacrifier toute vanité et toute satisfaction, comme on brûlait jadis son mobilier et les poutres de son toit, pour alimenter le fourneau du Grand Œuvre. Quoi ? c’est difficile à dire : un livre, tout bonnement, en maints tomes, un livre qui soit un livre, architectural et prémédité, et non un recueil des inspirations de hasard, fussent-elles merveilleuses… J’irai plus loin, je dirai : le Livre, persuadé qu’au fond il n’y en a qu’un, tenté à son insu par quiconque a écrit, même les Génies. L’explication orphique de la Terre, qui est le seul devoir du poète et le jeu littéraire par excellence : car le rythme même du livre, alors impersonnel et vivant, jusque dans sa pagination, se juxtapose aux équations de ce rêve, ou Ode.
Voilà l’aveu de mon vice, mis à nu, cher ami, que mille fois j’ai rejeté, l’esprit meurtri ou las, mais cela me possède et je réussirai peut-être ; non pas à faire cet ouvrage dans son ensemble (il faudrait être je ne sais qui pour cela !) mais à en montrer un fragment d’exécuté, à en faire scintiller par une place l’authenticité glorieuse, en indiquant le reste tout entier auquel ne suffit pas une vie. Prouver par les portions faites que ce livre existe, et que j’ai connu ce que je n’aurai pu accomplir.
Rien de si simple alors que je n’aie pas eu hâte de recueillir les mille bribes connues, qui m’ont, de temps à autre, attiré la bienveillance de charmants et excellents esprits, vous le premier ! Tout cela n’avait d’autre valeur momentanée pour moi que de m’entretenir la main : et quelque réussi que puisse être quelquefois un des morceaux ; à eux tous c’est bien juste s’ils composent un album, mais pas un livre. Il est possible cependant que l’Éditeur Vanier m’arrache ces lambeaux mais je ne les collerai sur des pages que comme on fait une collection de chiffons d’étoffes séculaires ou précieuses. Avec ce mot condamnatoire d’Album, dans le titre, Album de vers et de prose, je ne sais pas ; et cela contiendra plusieurs séries, pourra même aller indéfiniment, (à côté de mon travail personnel qui je crois, sera anonyme, le Texte y parlant de lui-même et sans voix d’auteur).
Ces vers, ces poèmes en prose, outre les Revues Littéraires, on peut les trouver, ou pas, dans les Publications de Luxe, épuisées, comme le Vathek, Le Corbeau, Le Faune.
J’ai dû faire, dans des moments de gêne ou pour acheter de ruineux canots, des besognes propres et voilà tout (Dieux Antiques, Mots Anglais) dont il sied de ne pas parler : mais à part cela, les concessions aux nécessités comme aux plaisirs n’ont pas été fréquentes. Si à un moment, pourtant, désespérant du despotique bouquin lâché de Moi-même, j’ai après quelques articles colportés d’ici et de là, tenté de rédiger tout seul, toilettes, bijoux, mobilier, et jusqu’aux théâtres et aux menus de dîner, un journal, La Dernière Mode, dont les huit ou dix numéros parus servent encore quand je les dévêts de leur poussière à me faire longtemps rêver.
Au fond je considère l’époque contemporaine comme un interrègne pour le poète, qui n’a point à s’y mêler : elle est trop en désuétude et en effervescence préparatoire, pour qu’il ait autre chose à faire qu’à travailler avec mystère en vue de plus tard ou de jamais et de temps en temps à envoyer aux vivants sa carte de visite, stances ou sonnet, pour n’être point lapidé d’eux, s’ils le soupçonnaient de savoir qu’ils n’ont pas lieu.
La solitude accompagne nécessairement cette espèce d’attitude ; et, à part mon chemin de la maison (c’est 89, maintenant, rue de Rome) aux divers endroits où j’ai dû la dîme de mes minutes, lycées Condorcet, Janson de Sailly enfin Collège Rollin, je vague peu, préférant à tout, dans un appartement défendu par la famille, le séjour parmi quelques meubles anciens et chers, et la feuille de papier souvent blanche. Mes grandes amitiés ont été celles de Villiers, de Mendès et j’ai, dix ans, vu tous les jours mon cher Manet, dont l’absence aujourd’hui me paraît invraisemblable ! Vos Poètes Maudits, cher Verlaine, À Rebours d’Huysmans, ont intéressé à mes Mardis longtemps vacants les jeunes poètes qui nous aiment (mallarmistes à part) et on a cru à quelque influence tentée par moi, là où il n’y a eu que des rencontres. Très affiné, j’ai été dix ans d’avance du côté où de jeunes esprits pareils devaient tourner aujourd’hui.
Voilà toute ma vie dénuée d’anecdotes, à l’envers de ce qu’ont depuis si longtemps ressassé les grands journaux, où j’ai toujours passé pour très-étrange : je scrute et ne vois rien d’autre, les ennuis quotidiens, les joies, les deuils d’intérieur exceptés. Quelques apparitions partout où l’on monte un ballet, où l’on joue de l’orgue, mes deux passions d’art presque contradictoires, mais dont le sens éclatera et c’est tout. J’oubliais mes fugues, aussitôt que pris de trop de fatigue d’esprit, sur le bord de la Seine et de la forêt de Fontainebleau, en un lieu le même depuis des années : là je m’apparais tout différent, épris de la seule navigation fluviale. J’honore la rivière, qui laisse s’engouffrer dans son eau des journées entières sans qu’on ait l’impression de les avoir perdues, ni une ombre de remords. Simple promeneur en yoles d’acajou, mais voilier avec furie, très-fier de sa flottille.
Au revoir, cher ami. Vous lirez tout ceci, noté au crayon pour laisser l’air d’une de ces bonnes conversations d’amis à l’écart et sans éclat de voix, vous le parcourrez du bout des regards et y trouverez, disséminés, les quelques détails biographiques à choisir qu’on a besoin d’avoir quelque part vus véridiques. Que je suis peiné de vous savoir malade, et de rhumatismes ! Je connais cela. N’usez que rarement du salicylate, et pris des mains d’un bon médecin, la question dose étant très-importante. J’ai eu autrefois une fatigue et comme une lacune d’esprit, après cette drogue ; et je lui attribue mes insomnies. Mais j’irai vous voir un jour et vous dire cela, en vous apportant un sonnet et une page de prose que je vais confectionner ces temps, à votre intention, quelque chose qui aille là où vous le mettrez. Vous pouvez commencer, sans ces deux bibelots. Au revoir, cher Verlaine. Votre main
STÉPHANE MALLARMÉ
Le paquet de Villiers est chez le concierge : il va sans dire que j’y tiens comme à mes prunelles ! C’est là ce qui ne se trouve plus : quant au Contes Cruels, Vanier vous les aura, Axël se publie dans La Jeune France et l’Ève future dans la Vie Moderne.
Médaillons et portraits en pied
VERLAINE
La tombe aime tout de suite le silence.
Acclamations, renom, la parole haute cesse et le sanglot des vers abandonnés ne suivra jusqu’à ce lieu de discrétion celui qui s’y dissimule pour ne pas offusquer, d’une présence, sa gloire.
Aussi, de notre part, à plus d’un menant un deuil fraternel, aucune intervention littéraire : elle occupe, unanimement, les journaux, comme les blanches feuilles de l’œuvre interrompu ressaisiraient leur ampleur et s’envolent porter le cri d’une disparition vers la brume et le public.
La Mort, cependant, institue exprès cette dalle pour qu’un pas dorénavant puisse s’y affermir en vue de quelque explication ou de dissiper le malentendu. Un adieu du signe au défunt cher lui tend la main, si convenait à l’humaine figure souveraine que ce fut, de reparaître, une fois dernière, pensant qu’on le comprit mal et de dire : Voyez mieux comme j’étais.
Apprenons, messieurs, au passant, à quiconque, absent, certes, ici, par incompétence et vaine vision se trompa sur le sens extérieur de notre ami, que cette tenue, au contraire, fut, entre toutes, correcte.
Oui, les Fêtes Galantes, la Bonne Chanson, Sagesse, Amour, Jadis et Naguère, Parallèlement ne verseraient-ils pas, de génération en génération, quand s’ouvrent, pour une heure, les juvéniles lèvres, un ruisseau mélodieux qui les désaltérera d’onde suave, éternelle et française — conditions, un peu, à tant de noblesse visible : que nous aurions profondément à pleurer et à vénérer, spectateurs d’un drame sans le pouvoir de gêner même par de la sympathie rien à l’attitude absolue que quelqu’un se fit en face du sort.
Paul Verlaine, son génie enfui au temps futur, reste héros.
Seul, ô plusieurs qui trouverions avec le dehors tel accommodement fastueux ou avantageux, considérons que — seul, comme revient cet exemple par les siècles rarement, notre contemporain affronta, dans toute l’épouvante, l’état du chanteur et du rêveur. La solitude, le froid, l’inélégance et la pénurie, qui sont des injures infligées auxquelles leur victime aurait le droit de répondre par d’autres volontairement faites à soi-même — ici la poésie presque a suffi — d’ordinaire composent le sort qu’encourt l’enfant avec son ingénue audace marchant en l’existence selon sa divinité : soit, convint le beau mort, il faut ces offenses, mais ce sera jusqu’au bout, douloureusement et impudiquement.
Scandale, du côté de qui ? de tous, par un répercuté, accepté, cherché : sa bravoure, il ne se cacha pas du destin, en harcelant, plutôt par défi, les hésitations, devenait ainsi la terrible probité. Nous vîmes cela, messieurs, et en témoignons : cela, ou pieuse révolte, l’homme se montrant devant sa Mère quelle qu’elle soit et voilée, foule, inspiration, vie, le nu qu’elle a fait du poëte et cela consacre un cœur farouche, loyal, avec de la simplicité et tout imbu d’honneur.
Nous saluerons de cet hommage, Verlaine, dignement, votre dépouille.
Stéphane Mallarmé par Verlaine

Stéphane Mallarmé, poète français, naquit le 18 mars 18412 à Paris, dans une rue qui s’appelle aujourd’hui passage Laferrière. Ses familles, paternelle et maternelle, présentent depuis la Révolution une série ininterrompue de hauts fonctionnaires dans l’administration de l’Enregistrement, et lui-même était, dès les langes, destiné à cette carrière qu’il esquiva, préférant aller à vingt ans vivre en Angleterre en vue de s’assimiler la prononciation et après avoir appris l’anglais pour lire et un jour traduire Edgar Poë, de se créer, par l’enseignement dans l’Université, des ressources qui assurassent son indépendance littéraire.
On retrace le goût de tenir une plume autrement que pour enregistrer des actes, chez plusieurs de ses ascendants. L’un, avant la création de l’Enregistrement, sans doute, fut syndic des libraires sous Louis XVI, et son nom se trouve au bas du privilège du Roi, en tête de l’édition originale française du Vathek de Beckford, que notre poète a naguère réimprimée. Un autre écrivait des vers badins dans les Almanachs des Muses et les Étrennes pour les Dames. Il a connu enfant, dans le vieil intérieur de bourgeoisie parisienne familiale, M. Magnien, un arrière-petit cousin qui avait publié un volume romantique à toute crinière, Ange et Démon, dont le titre apparaît encore dans plusieurs catalogues de bouquinistes importants.
Le poète se souvient d’avoir, dans un âge tendre, nourri secrètement l’ambition de remplacer un jour Béranger parce qu’il l’avait rencontré dans une maison amie. Il y tendit longtemps dans cent petits cahiers qui lui furent régulièrement confisqués, dans maints pensionnats et lycées…
⁂
Aujourd’hui, Mallarmé, définitivement et de longue date fixé à Paris, après quelques années au loin, vit en famille, au milieu de chers meubles anciens, ne sortant, en dehors de ses obligations, que pour des visites à des expositions artistiques et partout où l’on monte un ballet ou joue de l’orgue, — la Danse, l’Instrument divin ! — ses deux passions, qui semblent contradictoires, mais dont le sens éclate pour qui pense en poète, c’est-à-dire en philosophe vrai. Eh ! pour un exemple entre mille, la grave, la formaliste, l’immuable, la logique Espagne ne nous donne-t-elle pas, lors des fêtes de Corpus Christi, dans ses féeriques cathédrales, au son des voix célestes et des clairs larigots, parmi les prestigieux parfums d’encensoirs géants balancés du haut de voûtes à perte de vue, sous les flots de fumée rose, le spectacle et la leçon d’adolescents richement et gaiement costumés menant des menuets en toute allégresse, confiants devant le redoutable Très Saint Sacrement de l’autel ?
Lorsque les fatigues de l’esprit et des loisirs l’incitent au plein air de la campagne, Mallarmé fuit vers les bords de Seine infréquentés, au long de la forêt de Fontainebleau, et là, se livre avec rage à la navigation fluviale. La bonne rivière s’ouvre à sa rapide yole d’acajou et des journées entières s’écoulent ainsi au fil de l’eau, sans, pour lui, regret ni remords du travail quitté qu’il saura bien reprendre plus souple et plus fort, après ces délassements. Simple promeneur alors, souvent il s’exaspère en voilier consommé et n’est pas peu fier de sa flottille.
Cet amour de la nature, le poète ne le dévolue pas que sur les paysages d’eau. Lisez cette superbe page tout à fait inédite où les arbres sont honorés, avec quelle dévotion pompeuse ! par un orgueil si vraiment et si purement poétique :
NOTES DE MON CARNETLA GLOIRE
« La Gloire ! je ne la sus qu’hier, irréfragable, et rien ne m’intéressera d’appelé par quelqu’un ainsi.
« Cent affiches s’assimilant l’or incompris des jours, trahison de la lettre, ont fui, comme à tous confins de la ville, mes yeux aux ras de l’horizon, par un départ sur le rail traînés avant de se recueillir dans l’abstruse fierté que donne une approche de forêt en son temps d’apothéose.
« Si discord parmi l’exaltation de l’heure, un cri faussa ce nom connu, pour déployer la continuité de cimes tard évanouies, Fontainebleau que je pensai, la glace du compartiment violentée, du poing aussi étreindre à la gorge l’interrupteur : Tais-toi ! Ne divulgue pas, du fait d’un aboi indifférent, l’ombre ici insinuée dans mon esprit, aux portières de wagons battant sous un vent inspiré et égalitaire, les touristes omniprésents vomis. Une quiétude menteuse de riches bois suspend alentour quelque extraordinaire état d’illusion, que me réponds-tu ? qu’ils ont ces voyageurs, pour ta gare aujourd’hui quitté la capitale, bon employé vociférateur par devoir, et dont je n’attends, loin d’accaparer une ivresse à tous départie par les libéralités conjointes de la Nature et de l’État, rien qu’un silence prolongé, le temps de m’isoler de la délégation urbaine vers l’extatique torpeur de ces feuillages là-bas trop immobilisés pour qu’une crise ne les éparpille bientôt dans l’air ; voici, sans attenter à ton intégrité, tiens, une monnaie.
« Un uniforme inattentif m’invitant vers quelque barrière, je remets sans dire mot, au lieu du suborneur métal, mon billet.
« Obéi pourtant, oui, à ne voir que l’asphalte s’étaller nette de pas, car je ne peux encore imaginer qu’en ce pompeux octobre exceptionnel ! du million d’existences étageant leur vacuité en tant qu’une monotonie énorme de capitale dont va s’effacer ici la hantise avec le coup de sifflet sous la brume, aucun furtivement évadé que moi n’ait senti qu’il est, cet an, d’amers et lumineux sanglots, mainte indécise flottaison d’idée désertant les hasards comme des branches, tel frisson et ce qui fait penser à un automne sous les cieux.
« Personne et, les bras de doute envolés comme qui porte aussi un lot d’une valeur secrète, trop inappréciable trophée pour paraître ! mais sans du coup m’élancer dans cette diurne veillée d’immortels troncs au déversement sur un d’orgueils surhumains (or ne faut-il pas qu’on en constate l’authenticité ?), ni passer le seuil où des torches consument, dans une haute garde, tous rêves antérieurs à leur éclat, répercutant en pourpre dans la nue l’universel sacre de l’intrus royal qui n’aura eu qu’à venir : j’attendis, pour l’être, que lent et repris du mouvement ordinaire, se réduisit à ses proportions d’une chimère puérile emportant du monde quelque part, le train qui m’avait là déposé seul. »
⁂
Pour en finir avec ces quelques notes biographiques, il sied d’ajouter qu’à une certaine époque, Mallarmé fonda et rédigea à lui tout seul, un journal, avec ce titre fier : la Dernière Mode. Combien curieux, ai-je besoin d’ajouter intéressant à l’extrême ? durent en être les articles, traités par un tel artiste et qui ne concernaient rien moins que les plus minces détails de la vie voulue, compétemment entendue et décrétée, raffinée, toilettes, bijoux, mobiliers, jusqu’aux théâtres et menus de dîners. Avis aux fureteurs intelligents et heureux !
Depuis quelque temps, le nomade Mallarmé, déjà connu et ses œuvres appréciées, savourées par un certain nombre qui est une élite, retentit dans des polémiques avec cette bonne fortune d’exaspérer la haine et surtout l’admiration. Nombre de jeunes gens de cette réfléchie génération-ci, ont reconnu dans Mallarmé l’initiateur, en même temps que le maître de leur pensée artistique et philosophique, car, il y a dans ce poète exquis entre tous et sur tous, un philosophe profond, savant, hardi dans la recherche minutieuse et claire absolument pour qui sait bien voir. Ces témoignages sont pour l’amplement consoler s’il en était besoin non à sa fierté mais à sa conviction douloureusement puisque impeccablement inflexible, des pauvres attaques de quelques tristes impersonnalités de la plume à tant de sottises par jour, semaine, quinzaine et mois.
Un livre vaste qu’il prépare démontrera la vérité de ce que j’avance ici avec pleine certitude. Ce sera, j’écris ou plutôt je résume, pour ainsi dire, sous la dictée du profond souvenir de conversations anciennes et récentes avec le poète (voilà près de dix ans qu’il y travaille), ce sera un livre en maints tomes, un livre qui soit un livre architectural et prémédité et non un recueil ; l’explication orphique de la terre qui est le seul devoir du poète et le jeu littéraire par excellence, car le rythme même du poème, alors impersonnel et vivant jusque dans sa pagination, se juxtapose aux équations de ce rêve, ou ode.
Parallèlement à ce grand Essai, Mallarmé entend bien continuer, et en plusieurs séries, l’œuvre glorieusement commencé et sous le titre : d’Album de vers et de prose. Simple et dandy s’il en fut, réunir successivement ces merveilles de style, d’art plastique et musical, et qui nous sont si chers, si précieux à nous autres et à d’autres qui viennent ! Quant à ce que le poète appelle son Travail personnel, c’est-à-dire le Livre annoncé un peu plus haut, il entend le publier probablement anonyme, le texte, raisonne-t-il, y parlant de lui-même et sans voix d’auteur. Puis-je mieux terminer cette esquisse qu’il me serait si doux de faire tableau, qu’en vous donnant la primeur d’un sonnet tout récent, fleur et bijou, en attendant que le bon éditeur Vanier étale — ô bientôt n’est-ce pas ? à sa devanture, dès lors féerique, — écrin et bouquet !
SONNET
Toujours plus souriant au désastre plus beau.
Soupirs de sang, or meurtrier, pâmoison, fête !
Une millième lois avec ardeur s’apprête
Mon solitaire amour à vaincre le tombeau.
Quoi ! de tout ce coucher, pas même un cher lambeau
Ne reste, il est minuit, dans la main du poète
Excepté qu’un trésor trop folâtre de tête
Y verse sa lueur diffuse sans flambeau !
La tienne, si toujours frivole ! c’est la tienne.
Seul gage qui, des soirs évanouis retienne
Un peu de désolé combat en s’en coiffant
Avec grâce, quand sur des coussins tu la poses
Comme un casque guerrier d’impératrice enfant
Dont pour te figurer, il tomberait des roses.
https://fr.wikisource.org/wiki/St%C3%A9phane_Mallarm%C3%A9_(Verlaine)
Un témoignage des mardis littéraires

Sur ce dessin, Mallarmé est représenté de profil, adossé à un meuble, la pipe à la bouche.
Ce portrait peut être rapproché du témoignage de Geneviève sur les mardis littéraires. Dans un témoignage de novembre 1916, elle affirme en effet : « Père était le plus souvent debout devant le poêle de faïence blanc placé en angle dans le mur de la chambre, (…) la pipe ou la cigarette aux doigts ».
https://www.musee-mallarme.fr/fr/paul-verlaine-stephane-mallarme-au-cours-de-lun-des-mardis
Verlaine et Mallarmé par Jean-Michel Maulpoix
Au premier abord, l’oeuvre poétique de Paul Verlaine et celle de Stéphane Mallarmé s’opposent radicalement. D’un côté la naïveté, la simplicité, l’effusion mélancolique, l’abandon élégiaque et l’absence de souci théorique; de l’autre l’intellectualisme, l’hermétisme, le travail réflexif et la volonté de scruter l’acte d’écrire « jusqu’en son origine ». Pour l’un, la « fuite verdâtre et rose », les déambulations lyriques de la bohème, les caboulots et les hôpitaux; pour l’autre, la vie bourgeoise, les cours d’anglais et les fameux « mardis » de la rue de Rome. Pour simplifier, l’on pourrait dire que Verlaine reçoit ses amis au café, et Mallarmé dans son salon.
Mais cette opposition, apparemment si évidente, n’est peut être qu’une illusion d’optique . Elle concerne l’image ou la réputation de ces deux poètes, telle que la simplifient les manuels d’histoire littéraire, davantage que leur vérité propre. Leur reconnaissance mutuelle, voire leur amitié, réelle quoique distante, invitent à dissiper ces leurres et à interroger plutôt la relation qui rapproche leurs écritures et leurs figures.
Dès 1866, Mallarmé salue avec empressement les premiers poèmes publiés par Verlaine. Celui-ci lui a adressé le 22 novembre un exemplaire des Poèmes saturniens, accompagné d’une lettre dans laquelle il écrit:
« J’ose espérer que… vous y reconnaîtrez… un effort vers l’Expression, vers la Sensation rendue. »
Mallarmé remercie Verlaine. Et il lui écrit à son tour, en affirmant percevoir cet envoi comme « le pressentiment merveilleux d’une amitié ignorée » et en saluant l’art avec lequel Verlaine a su se forger très vite une poétique propre, démarquée de l’héritage parnassien, en usant à son gré de la forme vieille:
« … je vous dirai avec quel bonheur j’ai vu que de toutes les vieilles formes, semblables à des favorites usées, que les poètes héritent les uns des autres, vous avez cru devoir commencer par forger un métal vierge et neuf, de belles lames, à vous, plutôt que de continuer à fouiller ces ciselures effacées, laissant leur ancien et vague aspect aux choses. «
C’est dire que Mallarmé salue en Verlaine un novateur, voire un inventeur, qui s’est montré d’emblée capable de s’approprier le matériau poétique légué par la tradition, et de lui faire rendre un éclat et un son neufs. Plutôt que de « continuer à fouiller » les « ciselures » du Parnasse, l’auteur des Poèmes saturniens a su imposer à la poésie une tonalité inédite, directement issue de sa subjectivité propre.
« Lu, relu et su : le livre est refermé dans mon esprit, inoubliable. Presque toujours un chef-d’oeuvre, et troublant comme une oeuvre aussi de démon. Qui se serait imaginé il y a quelques années qu’il y avait cela encore dans le vers français! Je vois: au lieu de faire dans sa plénitude vibrer la corde de toute la force du doigt, vous la caressez avec l’ongle (fourchu même pour la griffer doublement) avec une allègre furie; et semblant à peine toucher, vous l’effleurez à mort!
Mais c’est l’air ingénu dont vous vous parez, pour accomplir ce délicieux sacrilège; et, devant le mariage avant de vos dissonances, dire: ce n’est que cela, après tout! »
Verlaine joue de la musique dans ses vers avec l’agilité du diable. Son talent d’instrumentiste est un « délicieux sacrilège », dans la mesure où il repose sur un art subtil de la dissonance. Ce naïf à l’air ingénu est en vérité un habile, ou, comme le dira plus tard Valéry, « un primitif organisé, un primitif comme il n’y avait jamais eu de primitif, et qui procède d’un artiste fort habile et fort conscient. » Verlaine utilise en effet, avec beaucoup de science, les éléments apparemment les plus frustes de sa poétique (négligences lexicales, relâchements syntaxiques, indécisions rythmiques) pour affecter la langue d’une disharmonie comparable à celle dont souffre son intériorité. Au lieu de « l’exprimer » à la façon des romantiques, il produit littéralement le malaise par son travail de versification. C’est là ce qu’il faut entendre par poétique de la « Sensation rendue ». De sorte que Mallarmé peut affirmer : « il ne sera jamais possible de parler du vers sans en venir à Verlaine » dont l’art « s’impose comme la trouvaille poétique récente. »
Les deux poètes ne s’opposent donc pas à la manière du naïf et du savant. Certes, la poésie mallarméenne fait la part belle à un intellectualisme auquel la poésie de Verlaine demeure étrangère, mais ces deux poètes tardifs s’écartent chacun à sa manière des effusions romantiques. Dans l’oeuvre de Mallarmé, l’on voit « se prononcer la tentative la plus audacieuse et la plus suivie qui ait jamais été faite pour surmonter (…) l’intuition naïve en littérature. » (Paul Valéry) Dans l’oeuvre de Verlaine, la naïveté est affaire de feinte, de science et de savoir-faire. Le poète excelle dans l’art de la méprise, comme y insiste l' »Art poétique » de Jadis et naguère:
« Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise.
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint. »
A force d’habileté, Verlaine donne l’illusion d’une langue immédiate et directe qui serait la langue même de l’âme ou du sentiment. Là où Mallarmé procède par concentration du langage, Verlaine procède par vaporisation. Là où Mallarmé « creuse le vers », Verlaine le fait boiter. L’un est poète de la syntaxe, l’autre de la prosodie. L’un pense en termes d’harmonies, c’est-à-dire d’accords verbaux juxtaposés, l’autre pense en termes de mélodie, c’est-à-dire de fil et de flux. L’un vise la plasticité, l’autre « l’impression fausse ». Mais tous deux sont également poètes de la hardiesse formelle, à des degrés et sur des modes différents. Tous deux sont musiciens, instrumentistes du vers, et tentent d’appréhender poétiquement « l’au-delà magiquement produit par certaines dispositions de la parole ».Tous deux se rejoignent dans le souci de « peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit. ‘ »: ce que Verlaine appelle « l’effort vers la Sensation rendue ». Ce faisant, tous deux aboutissent à une impersonnalisation de la figure du sujet lyrique, l’un en prônant la « disparition élocutoire » du poète, l’autre en diluant sa figure dans le flou d’impressions vagues. Si l’ambition intellectuelle de Mallarmé le conduit à effacer ou enfouir la donnée subjective initiale et à trouver refuge dans l’Absolu de l’Idée, la dilution verlainienne aboutit à un vertige comparable : emporté deçà delà par le vent d’automne, enveloppé de brouillard et de pluie, le je « verlainien n’affirme pas son existence, ne déplie pas son propre coeur mais l’interroge : « Quelle est cette langueur? » « Sais-je moi-même que nous veut ce piège? » L’intimité est sous sa plume une chose étrange.
Ce n’est donc pas par hasard que Mallarmé choisira de se confier à cet « étonnant homme sensitif » qu’est à ses yeux Verlaine. Lorsque celui-ci prépare la notice qu’il lui consacre pour la série des Hommes d’Aujourd’hui , Mallarmé lui répond longuement le 16 novembre 1885 : il lui avoue des détails biographiques, mais surtout il en vient à préciser la naissance et les conditions de sa vocation de poète avec une précision et une sincérité qu’on ne lui connaissait pas jusque là. Il y met à nu son « vice », c’est-à-dire la manière dont le désir irrationnel le possède de parvenir à l’absolu dans l’écriture d’un Livre unique. Ainsi que l’observe Yves Bonnefoy,
« A Verlaine Mallarmé a confié ce qu’il n’a jamais dit à ses autres interlocuteurs, du moins d’une façon aussi réfléchie et décidée, à savoir qu’il n’est qu’un homme comme les autres puisque c’est l’irrationnel qui le mène. »
C’est en effet devant Paul Verlaine que Mallarmé s’avoue. Sans doute parce que l’auteur de Sagesse est plus que tout autre poète de l’aveu, voire « le seul, à sa connaissance qui pût lui donner l’exemple de la sincérité devant soi, de la lucidité courageuse »; celui, comme l’ajoute encore Yves Bonnefoy « qui malgré les petits ou gros mensonges, et les serments d’ivrogne, et l’illusion quotidienne sur jadis, naguère ou demain, savait, plus en profondeur, la précarité de son esprit, les limites de son pouvoir, la vanité de l’orgueil métaphysique . »
C’est donc, faudrait-il dire, devant la sincérité même de l’effacement ou de l’échec, que Mallarmé énonce la folie et la douleur de son propre projet. Verlaine l’opposé, le repoussoir, s’avérait en définitive le seul confident posible. Et quand Mallarmé prononcera l’éloge funèbre de Verlaine, il aura avant tout le souci de mettre en valeur la manière dont celui-ci a su faire face à son destin avec autant de courage que de sincérité. Mallarmé sera l’avocat moral de Verlaine devant la postérité, après que Verlaine eut été l’avocat esthétique de Mallarmé devant les milieux littéraires de son temps.
En effet, dans la notice des « Poètes maudits » qu’il consacre à Mallarmé, Verlaine prend la défense de l’obscurité du Maître. Il fustige la critique qui l’a mal accueilli en l’accusant « d’extravagance un peu voulue » ou « d’excentricité alambiquée ». Il insiste donc sur l’événement surprenant, déroutant, que constitua l’entrée de Mallarmé sur la scène littéraire:
« Il fournit au Parnasse des vers d’une nouveauté qui fit scandale dans les journaux. Préoccupé, certes! ce la beauté, il considérait la clarté comme une grâce secondaire, et pourvu que son vers fût nombreux, musical, rare, et, quand il le fallait, languide ou excessif, il se moquait de tout pour plaire aux délicats, dont il était, lui, le plus difficile. »
Aux yeux de Verlaine, Mallarmé est par excellence « le pur poète », un instrumentiste incomparable, un « maître ouvrier », dont la « malédiction » s’explique par la recherche héroïque du suprême. Autant dire que Verlaine commence par saluer en Mallarmé des qualités identiques à celles que celui-ci a reconnues en lui. C’est dans leur commun rapport novateur à la musique des formes que les deux poètes se rejoignent, même si leurs deux écritures musicales sonnent très différemment. Celle de Verlaine paraît sortie d’une guitare désaccordée et celle de Mallarmé d’une harpe angélique.
Dans la notice des « Hommes d’aujourd’hui », Verlaine met en valeur un autre aspect de Mallarmé, celui du savant et du philosophe: homme lucide, maître de son art « hardi dans la recherche minutieuse et claire absolument pour qui sait bien voir. » . C’est donc également l’aventurier de l’esprit qu’il salue. Cette dimension lui est totalement étrangère, mais elle ne lui échappe pas.
A la mort de Verlaine, Mallarmé prend soin de sa gloire. Lui qui n’aime guère paraître et parler en public prend part à toutes les cérémonies commémoratives. Lors des funérailles, le 10 janvier 1896, il suit le corbillard et tient les cordons du poële. En mai 1896, il préside un comité qui se charge de réunir les fonds nécessaires à l’inauguration d’un monument au Jardin du Luxembourg. Enfin, dans le numéro du 1er janvier 1897 de la Revue Blanche, il publie un « tombeau », en forme de sonnet, qu’il avait composé peu après la mort du poète .
http://www.maulpoix.net/veretmal.html
Les Poètes maudits – Verlaine
