
- Mallarmé et la musique, exposition au musée d’Orsay
- « Tout est là : je fais de la musique » – Mallarmé
- La musique et les lettres
- Poèmes de Mallarmé mis en musique
- Musiciens autour de Mallarmé
- Richard Wagner. Rêverie d’un poëte français
- Amitiés musicales
- Citations
- Articles
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- Musique et Poésie Augmentées : Une Symphonie Numérique sur les Pas de Mallarmé
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Mallarmé et la musique, exposition au musée d’Orsay

e chef-d’oeuvre de Debussy, le Prélude à l’Après-midi d’un faune, évocation du célèbre poème, marqua un événement important dans la perception de Mallarmé par les musiciens.
Plus tard, Milhaud , Sauguet, Freitas-Branco, Hindemith, mais aussi, Maurice Jaubert et Pierre Vellones abordèrent l’oeuvre de Mallarmé. On retrouve la notion d’évocation chez des compositeurs aussi divers que Gilbert Amy ou Sylvano Bussotti.
Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que le potentiel structurel et intellectuel de Mallarmé fut exploité par les compositeurs. Cet intérêt pour la structure et la formalisation coïncida, dans les années cinquante, avec les tendances aléatoires développées et présentées aux cours d’été de Darmstadt où se retrouvèrent, entre autres, Boulez, Stockhausen et Bussotti.
Boulez fit part de sa découverte du Livre de Mallarmé à Stockhausen après avoir commencé la composition de la Troisième sonate. Cette transposition musicale du Livre, incluait les notions de hasard et de forme ouverte que d’autres compositeurs dont Stockhausen utilisaient à la même époque, sans référence directe à Mallarmé. Klavierstück XI, Zyklus et Refrain, présentées dans l’exposition et jouées en concert, furent conçues comme oeuvres à forme ouverte dont le parcours emprunté par l’interprète est libre.
En 1998, les deux commandes à l’occasion du centenaire, prolongent la multiplicité des rapports entre Mallarmé et la musique. Voiles de Denis Cohen, pour cinq instruments, voix enregistrée et dispositif électronique combine un fort degré de formalisation avec une présence constante du poème chanté. Chez Bussotti, la partition-objet de Questo fauno pour trois instruments, voix de basse et récitant, perpétue le thème du faune.
Commissaire
Pierre Korzilius, responsable des activités musicales au musée d’Orsay.
29 septembre 1998 – 31 janvier 1999
« Tout est là : je fais de la musique » – Mallarmé
La musique et les lettres

Texte également disponible sur wikisource : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Musique_et_les_Lettres
Poèmes de Mallarmé mis en musique
Les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé. Musique de Maurice Ravel
Musiciens autour de Mallarmé
Liste non-exhaustive des compositeurs ayant mis des poèmes de Stéphane Mallarmé en musique (par ordre chronologique)
Pierre de Bréville (1861-1949) Sainte
Claude Debussy (1862-1918) Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé : 1. Soupir ; 2. Placet futile ; 3. Éventail. Apparition. L’Après-Midi d’un faune
Déodat de Séverac (1872-1921) : Un rêve
Henri Büsser (1872-1973) : Rien au réveil que vous n’ayez
Maurice Ravel (1875-1937) : Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé : 1. Soupir (à Igor Strawinsky) ; 2. Placet futile (à Florent Schmitt); 3. Surgi de la croupe et du bond (à Erik Satie). Sainte
Louis Durey (1888-1979) : Six Madrigaux de Mallarmé : 1. Offert avec un verre d’eau ; 2. Départ ; 3. Jour de l’an ; 4. Eventail I ; 5. Eventail II ; 6. 1er avril 1887
Kaikhosru Shapurji Sorabji, né Leon Dudley Sorabji (1892-1988) : Apparition
Arthur Lourié (1892-2006) : Rondel
Darius Milhaud (1892-1974) : Chansons bas, opus 44 (contient : Le savetier, La marchande d’herbes aromatiques, Le cantonnier, Le marchand d’ail et d’oignons, La femme de l’ouvrier, Le vitrier, Le crieur d’imprimés, Le marchand d’habits), Deux petits airs, opus 51 (contient : Indomptablement a dû…, Quelconque une solitude…)
Paul Hindemith (1895-1963) : Hérodiade
Henri Sauguet [Jean Pierre Poupard] (1901-1989) : Renouveau ; Tristesse d’été (in six mélodies sur des poèmes symbolistes)
Claude Arrieu (1903-1990) Chansons bas
Ferenc Farkas (1905-2000) : Bel éventail (in Quatre quatrains avec 4 cordes)
Marius Flothuis (1914-2001) : Hommage à Mallarmé
Claude Ballif (1924-2004) : Un coup de dés : contre-sujet musical pour choeurs symphoniques, six percussions et un ruban sonore ; Chansons bas, opus 3
Serge Nigg (1924-2008) : Le Chant du dépossédé ; Jérôme Bosch Symphonie : d’après des notes poétiques de Stéphane Mallarmé
André Boucourechliev (1925-1997) Thrène
Michel Philippot (1925-1996) Toast funèbre [Ambiance II]
Pierre Boulez (1925-) : Pli selon pli : portrait de Mallarmé : 1. Don ; 2. Improvisation I – sur Mallarmé « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » ; 3. Improvisation II – sur Mallarmé « Une dentelle s’abolit » ; 4. Improvisation III – sur Mallarmé ; 5. Tombeau.
La Troisième Sonate pour piano (est une transposition musicale du Livre mallarméen)
Michel Puig (1930-) Divagations-Mallarmé
Alain Weber (1930-) : Octuor : [« Dans ces parages du vague en quoi toute réalité se dissout » (Mallarmé)]
Yves Prin (1933-) : Action-Réflexe III
Daniel Meier (1934-2004) : Trois poèmes de Stéphane Mallarmé ; Rondeaux
Jean-Marie Morel (1934-) : Chansons en contrebas : huit pièces brèves pour contrebasse en ut et piano d’après Stéphane Mallarmé
Marcel Dortort (1935-) : Sonnet de Mallarmé
Gilbert Amy (1936-) : D’un espace déployé… ; …D’un désastre obscur
Georges Bœuf (1937-) : Solitaire vigie (Hérodiade). Le Prophète
Renaud François (1943-) : Amies
Alain Louvier (1945-) : 4 poèmes de Mallarmé
Marc Monnet (1947-) : Siècle pierre tombeau : Miroir poétique autour de poèmes de Stéphane Mallarmé « Pour un tombeau d’Anatole »
John Borstlap (1950-) : Placet futile
Jean-Louis Dhermy (1950-) : Le phénomène futur
Frank Ferko (1950-) : 3 songs on poems of Mallarmé
Peter-Jan Wagemans (1952-) Drie Mallarmé Liederen
Christophe Havel (1956-) : La Marchande d’herbes aromatiques
Gérard Pesson (1958-) Fureur contre informe (pour un tombeau d’Anatole)
Bruno Giner (1960-) : Abolit bibelot
Patrick Burgan (1960-) : Apparitions
Brice Pauset (1965-) Symphonie III (Anima Mundi) [une interprétation du Livre de Mallarmé]
Matthias Pintscher (1971-) : Hérodiade-Fragmente
Takuya Imahori (1978-) Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard
Richard Wagner. Rêverie d’un poëte français

Un poëte français contemporain, exclu de toute participation aux déploiements de beauté officiels, en raison de motifs divers, aime, ce qu’il garde de sa tâche pratiquée ou l’affinement mystérieux du vers pour de solitaires Fêtes, à réfléchir aux pompes souveraines de la Poésie, comme elles ne sauraient exister concurremment au flux de banalité charrié par les arts dans un faux-semblant de civilisation. — Cérémonies d’un jour qui gît au sein inconscient de la foule : presque un Culte !
La certitude de n’être impliqué, lui ni personne de ce temps, dans aucune entreprise pareille, l’affranchit de toute restriction apportée à son rêve par le sentiment d’une impéritie et par l’écart des faits.
Sa vue d’une droiture introublée se jette au loin.
À son aise et c’est le moins qu’il se donne pour exploit ingénu d’avoir considéré, seul, dans l’orgueilleux repli des conséquences, le Monstre, Qui ne peut Être ! Attachant au lâche flanc ignare la blessure d’un regard affirmatif et pur.
Omission faite de coups d’œil sur le faste extraordinaire mais inachevé aujourd’hui de la figuration plastique, dont se détache, au moins, dans sa perfection de rendu, la Danse seule capable, par son écriture sommaire, de traduire le fugace et le soudain jusqu’à l’Idée (pareille vision comprend tout, absolument tout le Spectacle futur,) cet esthéticien, s’il envisage l’apport de la Musique au Théâtre faite pour en mobiliser la splendeur, ne songe pas longtemps à part soi. Déjà, de quels bonds que parte sa pensée, elle ressent la colossale approche d’une Initiation, qui surgit plus haute, signifiant par des voix d’adeptes : Ton souhait d’auparavant, de bientôt, ici, là, vois, chétive, s’il n’est pas exécuté.
Singulier défi qu’aux poëtes dont il a usurpé le devoir avec la plus candide et étincelante bravoure, inflige Richard Wagner !
Le sentiment se complique envers cet étranger, émerveillement, enthousiasme, vénération, aussi d’un malaise à la notion que tout soit fait, autrement qu’en irradiant, par un jeu direct, du principe littéraire même.
Doutes et nécessité (pour un jugement strict) de discerner les circonstances que rencontra, au début, l’effort du Maître. Il surgit au temps d’un théâtre, le seul mais qu’on peut appeler caduc, tant la Fiction en est fabriquée d’un élément grossier : puisqu’elle s’impose à même et tout d’un coup, commandant de croire à l’existence du personnage et de l’aventure, de croire, simplement, rien de plus. Comme si cette foi exigée du spectateur ne devait pas être précisément la résultante par lui tirée du concours de tous les arts suscitant le miracle, autrement inerte et nul, de la scène ! Vous avez à subir un sortilège, pour l’accomplissement duquel ce n’est trop d’aucun moyen d’enchantement impliqué par la magie musicale, afin de violenter votre raison aux prises avec un simulacre, et d’emblée on proclame : Supposez que cela a lieu véritablement et que vous y êtes !
Le Moderne dédaigne d’imaginer ; mais expert à se servir des arts, il attend que chacun l’entraîne jusqu’où éclate sa puissance spéciale d’illusion, puis consent.
Il le fallait bien, que le Théâtre d’avant la Musique partît d’un concept autoritaire et naïf, quand ne disposaient pas de cette ressource nouvelle d’évocation ses Chefs-d’œuvres, hélas ! gisant aux feuillets pieux du livre, sans l’espoir, pour aucun, d’en jaillir à nos solennités. Son jeu reste inhérent au passé, tel que le répudierait, à cause de cet intellectuel despotisme, une représentation populaire, la foule y voulant, selon la suggestion des arts, être maîtresse de sa créance. Une simple adjonction orchestrale change du tout au tout, annulant son principe même, l’ancien théâtre : et c’est comme strictement allégorique, que l’acte scénique maintenant, vide et abstrait en soi, impersonnel, a besoin, pour s’ébranler avec vraisemblance, de l’emploi du vivifiant effluve qu’épand la Musique.
Sa présence, rien de plus ! à la Musique, est un triomphe, pour peu qu’elle ne s’applique point, même comme leur élargissement sublime, à d’antiques conditons, mais éclate la génératrice de toute vitalité : un auditoire éprouvera cette impression que, si l’orchestre cessait de déverser son influence, l’idole en scène resterait, aussitôt, statue.
Pouvait-il, quoique le Musicien et même le proche confident du secret de son Art, en simplifier l’attribution jusqu’à cette visée initiale ? Semblable métamorphose s’indique au désintéressement du critique qui n’a pas derrière soi, prêt à se ruer d’impatience et de joie, l’abîme d’exécution musicale ici le plus tumultueux qu’homme ait contenu de son limpide vouloir.
Lui, fit ceci.
Allant au plus pressé il concilia toute une tradition intacte dans sa désuétude prochaine avec ce que de vierge et d’occulte il devinait sourdre, en ses partitions. À défaut d’une acuité de regard (qui n’eût été la cause que d’un suicide stérile), si vivace abonda l’étrange don d’assimilation de ce créateur quand même, que des deux éléments de beauté qui s’excluent ou, tout au moins, l’un l’autre s’ignorent, le drame personnel et la musique idéale, il effectua l’hymen. Oui, à l’aide d’un harmonieux compromis, suscitant une phase exacte du théâtre, laquelle répond, comme par surprise, à la disposition de sa race !
Quoique philosophiquement elle ne fasse encore là que se juxtaposer, la Musique (je somme qu’on insinue d’où elle poind, son sens premier et sa fatalité,) pénètre et enveloppe le Drame de par l’éblouissante volonté du jongleur inclus dans le mage ; de fait, on peut dire qu’elle s’y allie : pas d’ingénuité ou de profondeur qu’avec un éveil enthousiaste il ne prodigue dans ce dessein, sauf que le principe même de la présence de la Musique échappe.
Le tact est merveille quî, sans totalement en transformer aucune, opère, sur la scène et dans la symphonie, la fusion de ces formes de plaisir disparates.
Maintenant, en effet, une musique qui n’a de cet art que l’observance des lois très complexes qu’il se dicte, mais exprime d’abord le flottant et l’infus, confond les couleurs et les lignes du personnage avec les timbres et les thèmes en une ambiance plus riche de Rêverie que tout air d’ici-bas, déité costumée aux invisibles plis d’un tissu d’accords ; ou va l’enlever de sa vague de Passion, au déchaînement trop vaste pour un seul, le précipiter, le tordre : et le soustraire à sa notion, perdue devant cet afflux surhumain, pour la lui faire ressaisir quand il domptera tout par le chant, jailli dans un déchirement de la pensée inspiratrice.
Toujours ce héros, qui foule une brume autant que notre sol, se montrera dans un lointain que comble la vapeur des plaintes, des gloires, et de la joie émises par l’instrumentation, reculé ainsi vers des commencements. Il n’agit qu’entouré, à la Grecque, de la stupeur mêlée d’intimité qu’éprouve une assistance devant des mythes qui n’ont presque jamais été, tant leur instinctif passé s’isole ! sans cesser cependant d’y bénéficier des familiers dehors de l’individu humain. Même certains satisfont à l’esprit par ce fait de ne sembler pas dépourvus de toute accointance avec de hasardeux symboles.
Voici à la rampe intronisée la Légende.
Avec une piété antérieure, un public, pour la seconde fois depuis les temps, hellénique d’abord, maintenant germain, jouit d’assister au secret représenté de ses origines. Quelque singulier bonheur neuf et barbare l’asseoit à considérer, se mouvant d’après toute la subtilité savante de l’orchestration, la figure solennelle d’idées qui ont présidé à sa genèse.
Tout se retrempe au ruisseau primitif : pas jusqu’à la source.
Si l’esprit français, strictement imaginatif et abstrait, donc poétique, jette un éclat, ce ne sera pas ainsi : il répugne, en cela d’accord avec l’Art dans son intégrité, qui est inventeur, à toute Légende. Voyez le des jours abolis ne garder aucune anecdote énorme et fruste, comme par une prescience de ce qu’elle apporterait d’anachronisme dans une représentation théâtrale, Sacre d’un des actes de la Civilisation [1]. À moins que cette Fable, vierge de tout, lieu, temps et personne sus, ne se dévoile empruntée au sens latent de la présence d’un peuple, celle inscrite sur la page des Cieux et dont l’Histoire même n’est que l’interprétation, vaine, c’est-à-dire un Poëme, l’Ode. Quoi ! le siècle, ou notre pays qui l’exalte, ont dissous par la pensée les Mythes, ce serait pour en refaire ! Le Théâtre les appelle, non ! pas de fixes, ni de séculaires et de notoires, mais un être dégagé de personnalité, car il figure notre aspect multiple : que, de prestiges correspondant au fonctionnement de l’existence nationale, évoque l’Art, pour le mirer en tous. Type sans dénomination préalable, pour qu’en émane la surprise, son geste résume vers soi nos rêves de sites ou de paradis, qu’engouffra l’antique scène avec une prétention vide à les contenir ou à les peindre. Lui, quelqu’un ! ni cette scène, quelque part (l’erreur connexe, décor stable et acteur réel, du Théâtre manquant de la Musique) : est-ce qu’un fait spirituel, l’épanouissement de symboles ou leur préparation, nécessite un lieu, pour s’y développer, autre que le fictif foyer de vision dardé par le regard d’une foule ! Saint des Saints, mais mental. Alors y aboutissent, dans quelque éclair suprême, d’où s’éveille la Figure que Nul n’est, chaque attitude mimique prise par elle à un rythme inclus dans la symphonie, et le délivrant ! Alors viennent expirer comme aux pieds de cette incarnation, non sans qu’un lien certain les apparente ainsi à son humanité, ces raréfactions et ces sommités naturelles que la Musique rend, arrière prolongement vibratoire de tout ainsi que la Vie.
L’Homme, puis son authentique séjour terrestre, échangent une réciprocité de preuves.
Ainsi le Mystère.
La Cité, qui donna à cette expérience sacrée un théâtre, imprime à la terre le Sceau universel.
Quant à son peuple, c’est bien le moins qu’il ait témoigné du fait auguste, j’atteste la Justice qui ne peut que régner là ! puisque cette orchestration de qui tout-à-l’heure sortit l’évidence du dieu ne synthétise jamais autre chose que les délicatesses et les magnificences, immortelles, innées, qui sont à l’insu de tous dans le concours d’une muette assistance.
Voilà pourquoi, Génie ! moi, l’humble qu’une logique éternelle asservit, ô Wagner, je souffre et me reproche, aux minutes marquées par la lassitude, de ne pas faire nombre avec ceux qui, ennuyés de tout afin de trouver le salut définitif, vont droit à l’édifice de ton Art, pour eux le terme du chemin. Il ouvre, cet incontestable portique, en des temps de jubilé qui ne le sont pour aucun peuple, une hospitalité contre l’insuffisance de soi et la médiocrité des patries ; il exalte des fervents jusqu’à la certitude : pour eux ce n’est pas l’étape la plus grande jamais ordonnée par un signe humain, qu’ils parcourent, avec toi pour conducteur, mais comme le voyage fini de l’humanité vers un Idéal. Au moins, voulant ma part du délice, me permettras-tu de goûter, dans ton Temple, à mi-côte de la montagne sainte, dont le lever de vérités le plus compréhensif encore trompette la coupole et invite à perte de vue du parvis les gazons que le pas de tes élus foule, un repos : c’est comme l’isolement, pour l’esprit, de notre incohérence qui le pourchasse, autant qu’un abri contre la trop lucide hantise de cette cîme menaçante d’absolu, devinée dans le départ de nuées là haut, fulgurante, nue, seule : au delà et que personne ne semble devoir atteindre. Personne ! ce mot n’obsède pas d’un remords le passant en train de boire à ta conviviale fontaine.
Stéphane Mallarmé.
Hommage à Richard Wagner

Le silence déjà funèbre d’une moire
Dispose plus qu’un pli seul sur le mobilier
Que doit un tassement du principal pilier
Précipiter avec le manque de mémoire.
Notre si vieil ébat triomphal du grimoire,
Hiéroglyphes dont s’exalte le millier
A propager de l’aile un frisson familier !
Enfouissez-le-moi plutôt dans une armoire.
Du souriant fracas originel haï
Entre elles de clartés maîtresses a jailli
Jusque vers un parvis né pour leur simulacre,
Trompettes tout haut d’or pâmé sur les vélins
Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre
Mal tu par l’encre même en sanglots sibyllins.
Stéphane Mallarmé
Amitiés musicales
Nina de Callias

La poétesse Nina de Callias est aussi une pianiste virtuose. Stéphane Mallarmé en est fou :
Nina qui d’un geste extatique
Sur le dolmen et le menhir
Semblait poser pour la musique
La musique de l’avenir.
Et Anatole France salue la pianiste idéale et vertigineuse : « C’est une sainte Cécile qui aimerait le boulevard et qui irait aux premières », aimant les poètes, elle est poète elle-même publiée dans le Parnasse contemporain.
En savoir plus sur Nina de Callias https://declic1718.org/nina-de-callias-un-salon-aux-epinettes?fbclid=IwAR3gYibaFFXZjA5Qen4TqCllnnd-Jj6f15S-FWAwbvN5osB2NsuNjRtzezg
Citations
« Toute âme est un nœud rythmique »
Articles

Le titre en forme de chiasme donne bien d’emblée la teneur de ce livre : les rapports de Mallarmé et de la musique seront analysés, très en profondeur, d’une part du point de vue du poète, d’autre part en considérant quelle influence il a eue sur les musiciens et quels usages ces derniers ont faits de sa poésie (il s’agira principalement de Claude Debussy et Pierre Boulez).
Le sous-titre permet de préciser sous quels angles ces questions vont être posées : L’écriture, l’orchestre, la scène, la voix. Il s’agit d’un ouvrage pluridisciplinaire associant philosophes, esthéticiens, historiens, littéraires, musicologues et musiciens, fruit d’un colloque qui s’est tenu en 2015 à Rennes.
La première partie va donc s’attacher à étudier le véritable rapport de Stéphane Mallarmé avec la musique et elle lève sans doute quelques idées préconçues. Mallarmé n’a jamais cessé de creuser et d’approfondir sa réflexion sur la musique. Il a d’abord pensé la musique en rapport avec le texte poétique. Mais en même temps, au-delà de ce que l’on pourrait appeler une musicalisation de la poésie, il a développé une pensée critique et souvent contradictoire à propos de la musique. Il va essayer de penser le fonctionnement de l’œuvre musicale et son insertion dans le monde et l’espace musical. Mais paradoxalement il sera pourtant difficile de le considérer comme un grand mélomane, il n’avait rien d’un spécialiste ni même d’un connaisseur averti, tous les essais qui composent le livre tendent à le montrer. Certes il allait régulièrement au concert, mais au fond il a vécu dès le début une forme de rivalité avec la musique et il la jalousait ! Se plaçant dans cette famille de poètes soucieux « de reprendre à la Musique son bien » selon une célèbre formule de Paul Valéry qui le décrit aussi écoutant la musique « avec cette angélique douleur qui naît des rivalités supérieures. ». Car en fait, comme l’écrit un des intervenants, Florent Albrecht, ce qui intéresse Mallarmé, « c’est moins la musique pour elle-même que son effet, son sens métaphysique ». C’est à l’aune de la poésie qu’il évaluait l’art musical et il pensait que la musique trouverait son accomplissement dans la poésie.
La seconde partie s’adresse sans doute plus directement au mélomane et au lecteur de ResMusica puisqu’il s’agit cette fois de se pencher sur la musique que Mallarmé a inspirée, en son temps et par-delà son temps. Non pas étude de toutes les musiques sur ses poèmes, mais plutôt étude de certains grands principes de la relève musicale de Mallarmé au XXème siècle, notamment sous les angles de la résonance et de la mobilité. Cette seconde partie comporte notamment une remarquable contribution de Pierre Charru, musicologue bien connu pour ses travaux sur Bach notamment, Pierre Charru qui se penche sur le Prélude à l’après-midi d’un Faune de Claude Debussy, à partir du poème du même nom de Mallarmé. Parmi les autres études on notera une interrogation sur la notion de résonance dans l’œuvre de Boulez ou de très intéressantes considérations sur la question du hasard (en rapport avec le fameux poème de Mallarmé Un coup de dé jamais n’abolira le hasard). Ainsi qu’une contribution de Guy Lelong qui voit dans la musique spectrale une « poursuite des opérations mallarméennes », ce que curieusement contredira dans une discrète note de bas de page le maître d’œuvre du livre, Antoine Bonnet.
J’emprunterai ces mots à ce dernier pour conclure : « Si la musique en tant que telle, n’aura jamais été le souci de Mallarmé, il aura toujours manifesté une extrême tension à son égard ».
Voici donc un ouvrage extrêmement riche autant pour le poète que pour le musicien en ce qu’il ouvre d’innombrables pistes de réflexion sur la véritable nature du rapport de Mallarmé à la musique mais aussi sur la fécondité de l’œuvre dans des domaines extra-littéraires et ici en particulier, dans celui de la musique.
Vidéos
Stéphane MALLARMÉ — Un poète face aux musiciens (France Musique, 1993)
Musique et Poésie Augmentées : Une Symphonie Numérique sur les Pas de Mallarmé

Sites ressources
- http://www.recmusic.org
- http://www.musiquecontemporaine.fr
- https://mediamus.blogspot.com/2011/02/stephane-mallarme-poetes-en-musique-5.html?fbclid=IwAR07iiJXFJg4jWhmEqEC4CYDomfiaUmwle7YNjQ_8Ihm-s-W9sFh2V6G5Ss
