
PROLOGUE D UNE SATIRE
INTITULÉE
LE BATON DE HOUX
Que la forêt soit jaune, ou pourpre, ou verdoyante,
En rameaux nus et noirs, ou de givre éclatante,
Si l’on se plaît aux chants que chantent les forêts,
Il faut y pénétrer pour entendre de près.
Qu’il fasse jour ou nuit, qu’il survente ou qu’il tonne
En toutes les saisons, et surtout en automne…
Là, le poëte écoute ! Il s’inspire et traduit
Les senteurs, les aspects, la couleur et le bruit…
S’il fait chaud, il s’étend ! Quand il gèle, il va vite,
Et, s’il pleut, dans le creux d’un vieux chêne il s’abrite
Pâtres et bûcherons, vieux mendiants courbés,
Pliant sous le poids mort des branchages tombés,
Vous le laissez passer et rêver en silence…
Vous avez donc compris que c’est à vous qu’il pense !
Peut-être avez-vous lu, dans son œil irrité,
L’amour de la justice et de l’humanité,
Vous qui ne troublez point en ses saintes études
Ce dieu puissant et doux des vertes solitudes ?
Loin des vendus qu’on voit ramper dans la cité,
C’est là qu’il peut encor croire à la liberté,
Et sous son talon droit écraser la vipère,
Qui d’abord fait bondir d’un sursaut en arrière,
Pâle et tout frémissant d’un long frisson nerveux,
Courant du plat des pieds jusqu’au bout des cheveux,
Pour, après, furieux, revenir sur la bête
Qui s’enroule ou qui fuit, mais qu’on vise à la tête !
Là, son front éclairé par les grandes verdures
Se plisse au souvenir des publiques injures ;
Là, tout son sang s’allume, et son poil s’est dressé
Des affronts du présent, des hontes du passé.
Sainte indignation ! vivifiante flamme,
Pour venger l’opprimé, garde-toi dans son âme ;
Terrible en tes ardeurs, comme le feu sanglant,
Qui dévora Gomorrbe et son peuple tremblant !
L’alouette a chanté ! Voici poindre l’aurore,
Les fraîcheurs du matin font les beaux vers éclore ;
Les chênes frissonnants où la brise a fraîchi
Verseront leur rosée à ton front rafraîchi.
Va, beau lion sanglant, va lécher ta blessure
Sous les flots murmurants de la grande nature.
Voir aussi :