Comment célébrer Samain ou Samhain, l’ancêtre d’Halloween et de la Toussaint ? (« Femme Actuelle »)
Sur la roue de l’année, le fameux calendrier celte, Samain (ou Samhain) marque le début de la nouvelle année des sorcières. Ancêtre de la Toussaint ou Halloween, elle célèbre les morts. Zoom sur cette fête païenne riche en traditions.
Les Défunts, la Toussaint et Halloween
La fête des Défunts a une longue histoire. Elle se célébrait déjà à cette période automnale dans l’Antiquité. Chez les Nordiques la fête des morts s’appelait Jol. Ils se recueillaient et éparpillaient leurs offrandes, au gré du vent, pour les défunts. Ce jour-là, les portes de Hel, le monde des morts, sont ouvertes et la croyance populaire selon laquelle à cette date les morts voyagent en bandes par les airs a longtemps survécu en Europe. C’est surtout chez les Celtes que l’on trouve un antécédent à notre fête des défunts. La nuit précédant le 1er novembre était la nuit de Samain, le nouvel an celtique, c’était une fête guerrière où se marquait la fin de la période chaude, celle de la guerre. C’était aussi une fête agraire et pastorale, liée aux conditions cosmiques et végétales de la saison. A cette date à mi-chemin entre l’équinoxe d’automne et le solstice d’hiver, le parfum de la nature a changé, on sent une odeur de décomposition des feuilles mortes, on assiste à une métamorphose colorée de la vie végétale, les grains de blé ont été semés et meurent sous la terre. Tout semble mourir, le soleil a perdu de son éclat, c’est la fin de la vie qui était apparue au printemps. Les fruits et la moisson ont été récoltés, les troupeaux sont rassemblés, d’ailleurs, le nom de Samain signifie rassemblement. C’était une fête d’obligation pendant laquelle les druides, les guerriers et les paysans se retrouvaient pour célébrer le début de la nouvelle année agricole et pastorale. En cette saison de mort apparente de la végétation, on honorait les ancêtres morts et les proches disparus. On croyait que pendant cette période le monde des morts et celui des vivants entraient en communication. A l’opposé, dans le cycle du calendrier celtique, se trouve la nuit de Beltaine, la veille du premier mai, qui ouvre la saison chaude. Pendant la nuit de Samain, toutes les forces obscures de la nature sont éveillées, en particulier les morts, contre lesquels il faut se protéger, mais auxquels un hommage est aussi rendu. Ce sera plus tard une époque censée être propice à la sorcellerie. Associé à des récits de fantômes, ce temps était considéré comme dangereux, un temps de grande vulnérabilité spirituelle et l’occasion de nombreux rites magiques dans le but de conjurer le mauvais sort et de communiquer avec l’autre monde. Le but de ces rites était d’apprivoiser les puissances du monde inférieur qui contribuaient à la fertilité. Les anciens Irlandais croyaient qu’à cette fête, le dieu Dagda s’unissait à la déesse Morigu qui était la reine des enfers ; le Dagda est le dieu-druide. Responsable du sacré, de la science, et des contrats, il règne sur le temps, sur les éléments, ainsi que sur l’Autre monde, le monde des esprits, que l’on appelait le Sid. La fête de Samain marque la fin des fêtes des récoltes. On a fêté l’abondance, puis on a semé le blé qui commence sa gestation souterraine. Dans la vie agraire, c’est le retour au point de départ, aux fondations de l’ordre cosmique. Cela implique un contact avec les ancêtres mythiques, comme les Tuahta dé Danann en Irlande, mais aussi un danger car les revenants pouvaient s’échapper du monde des morts qui était entrouvert cette nuit-là. On représentait la ronde des morts par des cortèges de déguisements et de masques. Mais le côté ludique s’accompagnait de sérieuses prières pour les disparus. D’autant plus que ceux-ci étaient considérés comme des médiateurs entre les vivants et les forces souterraines.L’Eglise chrétienne, qui fêtait la Toussaint le 13 mai, déplaça cette fête au 1er novembre en 835 et consacra le 2 novembre à la fête des trépassés. En installant ses célébrations sur l’ancien festival celtique, le christianisme conserva de nombreuses traditions, notamment celle d’allumer des feux au sommet des collines au crépuscule du 31 octobre. Mais le culte des morts immémorial et enraciné dans la culture persista, et aujourd’hui encore, les gens confondent la Toussaint et la fête des Défunts. De plus la Toussaint est fériée alors que le 2 novembre ne l’est pas. Le jour des chrysanthèmes, c’est le 1er et non le 2 novembre. L’Église se trouve confrontée à un écueil culturel qui persiste encore de nos jours. Elle a échoué dans sa tentative de récupérer la fête millénaire, car les comportements sociaux ne retiennent que la célébration des morts. La vielle fête celtique de Samain est devenue la « Veillée de Tous les Saints », nommée All Hallow’s Eve ou Halloween en Irlande. On leur offrait des messes, des cierges et des prières. On aurait tort d’oublier les célèbres lumignons dont le but était de guider les morts dans leur route vers l’au-delà. Halloween donnait lieu à des divertissements juvéniles avec des cortèges d’enfants déguisés. Dans toute l’Europe les enfants allument des bougies à l’intérieur de courges ou de navets percés de trous représentant des yeux, des nez et des bouches. Le but est de faire peur aux entités de l’autre monde qui rodent cette nuit-là aux alentours des maisons. Ailleurs c’était un verre rempli d’eau et d’huile d’olive sur laquelle flottait un petit support avec une mèche. On le posait allumé sur le rebord de la fenêtre, à l’extérieur, avec la même finalité que les calebasses, et à l’intérieur du foyer, on disait le rosaire pour les morts de la famille.Au XIXe siècle, il y eut une grande famine en Europe et de nombreux Irlandais émigrèrent aux États-Unis. La fête d’Halloween se généralisa dans tout le pays. La mentalité changea dans un contexte américain qui n’était plus agraire mais commercial. C’est sous cette nouvelle mentalité marchande que cette fête revient en Europe depuis quelques années sous une forme apparemment dépourvue de tout aspect religieux, où seul l’aspect ludique, autrefois réservé aux enfants, survit dans un cadre exclusivement commercial. Ce nouveau surgeon de la fête d’Halloween est on ne peut plus suspect sur le plan spirituel, car il a une connotation infernale. Le nouveau Halloween qui sévit depuis les années 1990 est une fête anti-traditionnelle et antichrétienne. Son ambiance macabre, avec ses sorcières, ses toiles d’araignées et autres immondices sinistres commercialisés, constitue une célébration des ténèbres très dangereuse en cette période, car la nuit précédant le 1er novembre est un temps de grand danger et de vulnérabilité spirituelle. Autrefois cette fête donnait lieu à des rites importants ayant pour but de conjurer le mauvais sort, aujourd’hui elle prend l’aspect d’une fête des ténèbres et d’une banalisation du mal. La tradition a été travestie en une célébration de la mort où les vivants, au lieu de se protéger, se mêlent au cortège des morts en transit vers l’autre monde. L’aspect ludique camoufle un rituel de magie noire. Ainsi, alors que le 2 novembre était un jour de prières libératrices ayant pour but de conduire les morts sur la route de la Lumière, le nouveau Halloween et son folklore nauséabond, par inversion satanique, mène les vivants vers les ténèbres.
Jean-Louis Ragot
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