
La mort, tout d’abord, est chose fort lointaine
La mort, tout d’abord, est chose fort lointaine…
Dans l’espoir illusoire de la rendre incertaine,
Les belles années toujours voulurent l’oublier
Pour que rien ne trouble notre rêve éveillé.
Qu’un parent, un ami, un amour, s’en approche
Alors la mort devient chose bien trop proche,
Ouvrant au coin du jour un reflet inconnu
Sur la face obscure du mystère mis à nu.
C’est la vie toute entière, d’un coup vacillante,
Qui ne trouve plus, en sa raison défaillante,
Le chemin qui relie au fil de vérité
Les rives de la vie et de la sauve-vie
De l’âme enchaînée d’une passion inassouvie
Libérée aux rivages d’éternelle beauté.
Michaël Vinson, poésies et autres textes
La Grâce d’une bonne mort

Lorsque la vie, tel le reflux de l’océan
Après l’étale, abandonne un temps le rivage,
Que la purgation marine blanchit la plage,
Une aube nouvelle naît du gouffre béant.
Le sable asséché, entre les doigts filant
A la limite approchante du dernier âge,
Recouvre avec tendresse le coquillage
Qui se retire en son murmure consolant.
Apparaissent alors les îles de la joie
Où aucune triste vague ne s’apitoie,
Rêvant leurs baies maternelles au cœur béni,
Et s’exhalent les douces écumes salées
Des ultimes désespérances en allées
Aux premières gloires du subtil infini.
Michaël Vinson, poésies et autres textes
La mort n’est point notre issue… François Cheng

La mort n’est point notre issue,
Car plus grand que nous
Est notre désir, lequel rejoint
Celui du Commencement,
Désir de vie.
La mort n’est point notre issue,
Mais elle rend unique tout d’ici :
Ces rosées qui ouvrent les fleurs du jour,
Ce coup de soleil qui sublime le paysage,
Cette fulgurance d’un regard croisé,
Et la flamboyance d’un automne tardif,
Ce parfum qui assaille et passe insaisi,
Ces murmures qui ressuscitent les mots natifs,
Ces heures irradiées de vivats, d’alléluias,
Ces heures envahies de silence, d’absence,
Cette soif qui jamais ne sera étanchée,
Et la faim qui n’a pour terme que l’infini…
Fidèle compagne, la mort nous contraint
A creuser sans cesse en nous
Pour y loger songe et mémoire;
A toujours creuser en nous
Le tunnel qui mène à l’air libre.
Elle n’est point notre issue.
Posant la limite,
Elle nous signifie l’extrême
Exigence de la Vie,
Celle qui donne, élève,
Déborde et dépasse.
François Cheng
(La vraie gloire est ici)