Paris – Valvins

Le Tout-Paris XXIe siècle dans la forêt

  1. Mallarmé à Paris
  2. Les « trains de plaisir » du Tout-Paris
  3. La gloire
  4. Mallarmé à Valvins
    1. Entrez dans la maison du poète
  5. Voir aussi
Mallarmé à Paris
Mallarmé, rue de Rome, en 1894

« Au fond, ma porte est ouverte, mais croyez que je sais faire les différences. »

Le nom de Stéphane Mallarmé fait penser tout de suite à quelques sonnets remarquables ainsi qu’à certains ouvrages qui font désormais partie du canon de la littérature française : Hérodiade, l’Après-midi d’un Faune, Igitur, Divagations, Un Coup de Dés – sans oublier le grand rêve du «Livre» ainsi que les nombreux travaux inachevés qui constituent, certes, une des parties les plus fascinantes de son oeuvre. Son nom reste aussi inévitablement attaché aux légendaires réunions qui avaient lieu dans son appartement de la rue de Rome, qui font date dans l’histoire littéraire de la France et qui prolongent en quelque sorte et à leur façon la tradition des salons littéraires des XVIIe et XVIIIe siècles. Mais, alors que l’oeuvre de Mallarmé (y compris son rêve du «Livre» et d’autres projets inachevés ou abandonnés) a fait couler beaucoup d’encre depuis sa disparition en 1898, les célèbres réunions hebdomadaires – citées inévitablement dans toutes les encyclopédies et ouvrages de référence, ainsi que dans les biographies des nombreux écrivains qui y auraient participé et qui sont devenus par la suite célèbres – ont attiré beaucoup moins l’attention de la critique. L’explication de ce silence relatif n’est pas difficile à trouver. Dès que l’on se penche sur les «Mardis» afin de les examiner de plus près, l’on se heurte immédiatement à une difficulté majeure : celle de la documentation. Comment capter, comment fixer, pour employer une expression bien mallarméenne, ce qui, de par sa nature fondamentale, reste éphémère ? Les conversations et les causeries de Mallarmé, les inflexions de sa voix, les gestes qui accompagnaient celles-ci, les expressions de son visage ainsi que les belles phrases et les jeux de mots spontanés qui faisaient la gloire d’une telle performance, (car il s’agit bien d’une performance comme l’on le verra par la suite) restent essentiellement insaisissables.

Les « trains de plaisir » du Tout-Paris
Départ à la gare de Lyon, vers 1860.


La ligne de chemin de fer Paris Lyon Méditerranée, arrive à Fontainebleau – Avon en août 1849. Dorénavant, la forêt est à une heure et demie de Paris, contre sept par la malle-poste et jusqu’à dix heures par le coche d’eau qui remonte la Seine. Le train amène avec lui les premiers touristes d’un jour qui veulent visiter le château et la forêt. Ils inventent le pique-nique en emportant avec eux le fameux pâté de campagne, pour un déjeuner sur l’herbe. Les journalistes de l’époque écrivent que Fontainebleau devient un faubourg de Paris. Le dimanche, la foule se presse à l’embarcadère du chemin de fer de la nouvelle gare de Lyon construite en 1855. Arrivés à Fontainebleau, les touristes se lancent à la découverte de la forêt, grâce aux sentiers inventés par Denecourt.

Voir l’album : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.780206472164743&type=3

La gloire



La Gloire! je ne la sus qu’hier, irréfragable, et rien ne m’intéressera d’appelé par quelqu’un ainsi.

Cent affiches s’assimilant l’or incompris des jours, trahison de la lettre, ont fui, comme à tous confins de la ville, mes yeux au ras de l’horizon par un départ sur le rail traînés avant de se recueillir dans l’abstruse fierté que donne une approche de forêt en son temps d’apothéose.

Si discord parmi l’exaltation de l’heure, un cri faussa ce nom connu pour déployer la continuité de cimes tard évanouies, Fontainebleau, que je pensai, la glace du compartiment violentée, du poing aussi étreindre à la gorge l’interrupteur : Tais-toi! Ne divulgue pas du fait d’un aboi indifférent l’ombre ici insinuée dans mon esprit, aux portières de wagons battant sous un vent inspiré et égalitaire, les touristes omniprésents vomis. Une quiétude menteuse de riches bois suspend alentour quelque extraordinaire état d’illusion, que me réponds-tu ? qu’ils ont, ces voyageurs, pour ta gare aujourd’hui quitté la capitale, bon employé vociférateur par devoir et dont je n’attends, loin d’accaparer une ivresse à tous départie par les libéralités conjointes de la nature et de l’État, rien qu’un silence prolongé le temps de m’isoler de la délégation urbaine vers l’extatique torpeur de ces feuillages là-bas trop immobilisés pour qu’une crise ne les éparpille bientôt dans l’air; voici, sans attenter à ton intégrité, tiens, une monnaie.

Un uniforme inattentif m’invitant vers quelque barrière, je remets sans dire mot, au lieu du suborneur métal, mon billet.

Obéi pourtant, oui, à ne voir que l’asphalte s’étaler net de pas, car je ne peux encore imaginer qu’en ce pompeux octobre exceptionnel du million d’existences étageant leur vacuité en tant qu’une monotonie énorme de capitale dont va s’effacer ici la hantise avec le coup de sifilet sous la brume, aucun furtivement évadé que moi n’ait senti qu’il est, cet an, d’amers et lumineux sanglots, mainte indécise flottaison d’idée désertant les hasards comme des branches, tel frisson et ce qui fait penser à un automne sous les cieux.

Personne et, les bras de doute envolés comme qui porte aussi un lot d’une splendeur secrète, trop inappréciable trophée pour paraître! mais sans du coup m’élancer dans cette diurne veillée d’immortels troncs au déversement sur un d’orgueils surhumains (or ne faut-il pas qu’on en constate l’authenticité ?) ni passer le seuil où des torches consument, dans une haute garde, tous rêves antérieurs à leur éclat répercutant en pourpre dans la nue l’universel sacre de l’intrus royal qui n’aura eu qu’à venir : j’attendis, pour l’être, que lent et repris du mouvement ordinaire, se réduisît à ses proportions d’une chimère puérile emportant du monde quelque part, le train qui m’avait là déposé seul.

Stéphane Mallarmé
http://fdnet.perso.infonie.fr/oeuvres/gloire.htm

Mallarmé à Valvins

« Durant l’été de 1874, les Mallarmé prennent possession de ces murs (de la maison de Valvins) qui leur deviendront vite familiers. Presque sans le vouloir, Mallarmé à trouvé là le lieu par excellence, le sien, le but d’une modeste évasion qu’il répétera sans se lasser et qui formera pour lui l’indispensable ailleurs auquel on pense quand enferment le métier, les tâches obligées et la quadrature des villes. Désormais, pôles d’un échange respiratoire, il y aura Paris et Valvins, le quartier de l’Europe qu’enfument les traits de la gare Saint-Lazare et la paisible retraite au bord de l’eau, où le corps se refait, où se reconstitue l’énergie dévorée par la grande ville. Là s’engrangeront les idées, se projetterons plus à loisir les oeuvres offertes ensuite à un public qui devra les comprendre. Entre la gare de Lyon et la petite station de Fontainebleau, la ligne de chemin de fer tend le fil d’un rêve. Dorénavant, Mallarmé avec ses ressources réduites, dans l’économie forcée de sa vie médiocre, a défini les aires favorites de sa géographie. A quelques exceptions près, il n’en sortira plus, assumant au mieux cette dualité sommaire, ces oppositions évidentes, qui lui permettront, sous couleur de présence visible, de n’être jamais tout à fait là où il se trouve, bien que Valvins se transforme au fur et à mesure que passeront les années, en site authentique où l’écriture a plus de chance de se former qu’ailleurs. »

Stéphane Mallarmé – Jean-Luc Steinmetz p. 164

Valvins par Philippe Burty

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