
France École de Barbizon. Collection du musée du Louvre
LA VIERGE AUX OISEAUX
Par un de ces beaux soirs d’automne
Où sur les feuillages rouilles
Le soleil pose une couronne
De pourpre et de rayons mouillés,
Berthe s’en va sur la colline,
Les doigts couverts de fin chamois,
A son cou blanc portant hermine,
Pour conjurer les premiers froids
Et l’on entend de douces phrases
Jaillir en gerbes de son chant,
Dans les roses et les topazes
Du soleil couchant.
Tournés vers la voûte céleste,
Ses yeux en reflètent l’azur,
Les biches ont le pied moins leste,
Les mules ont le pas moins sûr.
Comme un ormeau jauni qui plonge
Ses longs rameaux dans le saphir,
Dans l’ombre du soir qui s’allonge,
Vous verriez sa taille grandir.
Et l’on entend de douces phrases
Jaillir en gerbes de son chant,
Dans les roses et les topazes
Du soleil couchant.
Elle mêle à sa chevelure
Le chêne d’or avec ses glands,
Et, dernier don de la nature,
Des arbrisseaux les fruits sanglants ;
Si bien qu’elle a comme un cortège
De grives, merles et pinsons,
D’oiseaux nourris pendant qu’il neige
Par ces fruits rouges des buissons.
Et l’on entend de douces phrases
Jaillir en gerbes de son chant,
Dans les roses et les topazes
Du soleil couchant.
Or voilà ce qui nous arrive
De ces chants dispersés dans l’air :
« Dieu ! que le petit oiseau vive
« Et passe chaudement l’hiver !
« Préservez-le de la gelée
« Et des ouragans de la nuit,
« Afin qu’il revoie étoilée
« La branche en fleur où fut son nid. »
Et l’on entend de douces phrases
Jaillir en gerbes de son chant,
Dans les roses et les topazes
Du soleil couchant.
La lune des cimes s’élance
Comme un croissant de diamants,
La nuit d’étoiles ensemence
Les vastes champs des cieux dormants :
La voix de Berthe dans l’espace
Se mêle aux cadences du ciel ;
Son ombre descend et s’efface
Au seuil du logis maternel.
On croit toujours ouïr ces phrases
Jaillir en gerbes de son chant,
Dans les roses et les topazes
Du soleil couchant.
https://fr.wikisource.org/wiki/Fontainebleau_(1855,_Hachette)
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