La Revue Blanche

La Revue blanche (18891903) est une revue littéraire et artistique belge puis française, de sensibilité anarchiste, à laquelle collaborèrent beaucoup parmi les plus grands écrivains et artistes de langue française de l’époque.

Histoire
Félix Fénéon à la Revue blanche (1896), gouache sur carton de Félix Vallotton.

Elle fut fondée initialement à Liège en décembre 1889 par les trois frères Natanson (AlexandreThadée et Louis-Alfred, dit Alfred Athis). On trouve dans l’équipe de départ Paul Leclercq et son frère Charles (signant « Claude Céhel »). Après deux ans, la revue s’installe à Paris en octobre 1891 au 19 rue des Martyrs où elle se pose en rivale du Mercure de France, d’où son nom qui marquait la différence avec la couverture mauve du Mercure. L’épouse de Thadée, Misia, participe au lancement parisien de la revue et sert de modèle à quelques couvertures : la revue commence dès 1893 à comporter dans chaque livraison un frontispice, Pierre Bonnard (1894) et Toulouse-Lautrec (1895) en font l’affiche. Les secrétaires de rédaction furent le critique Lucien Muhlfeld, puis Léon Blum et, surtout et enfin, l’exigeant Félix Fénéon de 1896 à 1903.

À partir de l’été 1893, avec le no 21-22, des lithographies et des bois gravés, en couleurs ou en noir sont proposées en prime. Les artistes convoqués au fil des mois sont Ker-Xavier RousselÉdouard VuillardMaurice DenisPaul Ranson et Pierre Bonnard. André Marty se propose d’éditer les estampes au sein de L’Album de la Revue Blanche. En 1894, l’album s’enrichit d’une nouvelle série d’estampes signées Vuillard, Félix Vallotton, Toulouse-Lautrec (Têtes d’acteurs, mars 1895), Roussel, Paul SérusierOdilon Redon (Cheval ailé, juin 1895), Henri-Gabriel IbelsJózsef Rippl-Rónai, Bonnard, Charles Cottet, Ranson, Maurice Denis (La Visitation, décembre 1895). Après 1895, aucun album n’est édité, mais c’est Vallotton qui, parmi les artistes précédemment cités, fournira la plupart des vignettes sous forme de bois gravés à la revue ; d’autres artistes sont également intervenus comme Edmond Aman-JeanAlfred JarryPilotellPaul Verlaine (dessins), sans compter des photographes.

Porte-parole de l’intelligentsia culturelle et artistique de l’époque, la revue apporte sa contribution à l’affaire Dreyfus à partir de 1898, à l’instigation de Lucien Herr, prenant parti pour le capitaine accusé de trahison.

C’est aussi dans les colonnes de La Revue blanche que parut en feuilleton, en 1900, Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau, puis Bubu de Montparnasse (1901) de Charles-Louis Philippe. Le premier tome (suivi de cinq autres plus un index par Fasquelle 1903 à 1911) de l’Histoire de l’Affaire Dreyfus de Joseph Reinach (1901) a été publié par la revue.

Elle disparaît en mai 1903 après avoir publié 237 numéros. Jean Finot rachète le titre.

La Revue blanche. Une génération dans l’engagement, 1890-1905.

« La Revue blanche, dont l’aventure n’a guère duré plus de dix ans, a joué en France un rôle-charnière essentiel. La plupart des écrivains, peintres, musiciens, hommes politiques, intellectuels les plus marquants de la fin du xixe et du début du xxe siècle y ont collaboré ou l’ont côtoyée. Créée, financée et dirigée par les trois frères Natanson, jeunes Juifs polonais, avec la complicité enthousiaste de leurs condisciples du lycée Condorcet, La Revue blanche devient vite un lieu de débat sur tous les sujets qui agitent la France. Elle mène des combats politiques sous l’impulsion d’anarchistes comme Fénéon, Mirbeau ; de socialistes, tels Blum, G. Moch, Péguy ; de dreyfusards et de fondateurs de la Ligue des droits de l’homme, comme Reinach et Pressensé. En témoignent ses campagnes dénonçant le génocide arménien, les dérives coloniales, la barbarie des interventions, européenne en Chine, anglaise en Afrique du Sud, et la diffusion des pamphlets de Tolstoï, Thoreau, Nietzsche, Stirner… Elle promeut les peintres nabis, les néo-impressionnistes et l’Art nouveau, anticipe le fauvisme, le futurisme et les arts premiers. Toulouse-Lautrec, Bonnard, Vuillard, Vallotton, Hermann-Paul, Cappiello illustrent les articles de la revue et les ouvrages publiés par ses Éditions. Après avoir soutenu fidèlement MallarméLa Revue blanche accueille Proust, Gide, Claudel, Jarry, Apollinaire qui y débutent, tandis qu’elle édite une nouvelle traduction des Mille et une nuits et Quo vadis ?, le premier best-seller du siècle. Elle salue l’innovation dramatique avec Antoine et Lugné-Poe, Ibsen, Strindberg et Tchékhov, sans oublier le triomphe de l’école française de musique avec Debussy. Humour et esprit de fête, liberté, engagement et créativité, pacifisme, laïcité, mondialisation sont les valeurs promues par cette génération emportée dans le sillage de La Revue blanche. Cet ouvrage illustré et nourri de nombreuses citations décrypte l’histoire de cette avant-garde, nous familiarise avec ses membres, ses réseaux, ses utopies et ses réalisations. Il donne la mesure de l’étape majeure alors franchie par la société française vers le modèle culturel et politique qui est le sien aujourd’hui. »

— Paul-Henri Bourrelier, La Revue blanche. Une génération dans l’engagement, 1890-1905.

Principaux collaborateurs

Mallarmé et la « Revue Blanche »
Cette foule hagarde ! Elle annonce : Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs
Stéphane Mallarmé
Extrait de Toast funèbre

Mallarmé et la « Revue Blanche »En saison, Thadée Natanson et sa femme ouvraient aux collaborateurs de la « Revue Blanche » et à leurs amis « La Grangette », leur maison de Valvins, qu’ils avaient acheté spécialement pour être à coté de Mallarmé en 1894. Olivier Barrot et Pascal Ory dans leur livre « La Revue Blanche » disent à propos de Mallarmé: « Cet homme du XIXème siècle réunissait chez lui ce que le XXème comportera de plus éminent, Gide, Valéry, Claudel. Où était Proust? Si Mallarmé n’a pas exercé sur la seule Revue Blanche sa vertigineuse influence tutélaire, la publication des Natanson, voisin du Maître de Valvins, s’est inclinée devant lui, lui offrant une chronique au long de l’année 1895, « Variation sur un sujet ». Il y donna aussi quelques poèmes et chroniques, et y retrouva le temps d’un article ses amis wagnériens et symbolistes Régnier, Gourmont, Vielé-Griffin, Verhaeren. Le texte de la conférence donnée par Mallarmé à Oxford et Cambridge, parut en avril 1894 dans la « Revue Blanche ». Les Mardis de la Rue de Rome deviendront le « Rendez-vous » des poètes symbolistes ». Rémy de Gourmont se souvient: « On écoutait sa parole comme un oracle. Vraiment, c’était bien une sorte de Dieu ». A « La Grangette » de Valvins, Thadée et Misia Natanson recevaient entre autres Zola, Maeterlinck, Anet, Willy et Colette, Monet, Manet, Corot, Sisley, Pissaro, Puvis de Chavannes. Cette Maison, au temps des Natanson, voyait aussi quelques fois l’apparition d’Octave Mirbeau qui n’habitait pas loin de Fontainebleau. Misia, muse hospitalière, y posait pour d’innombrables portraits et photos et jouait du piano pour ses invités magnétisés par cette musicienne autant que par sa musique. Bonnard et Vallotton ont laissé une série de magnifiques portraits de Misia avec ses cheveux en brioche et son corps épanoui.

De nombreuses photos montrent Thadée Natanson à Valvins en compagnie de Mallarmé faisant ensemble de longues promenades en bateau sur le voilier qui portait fièrement le nom de « S.M. » (Stéphane Mallarmé). Thadée disait de Mallarmé: « Une bonne part des joies qui ravissaient, à Valvins, Mallarmé, les tirait de son bateau le &laqno; S.M ». En arrivant, il le vernissait de la quille au fond de la coque, seul, le gréait. Il ne laissait non plus à personne le soin de faire étinceler jusqu’au dernier crochet de métal. Ce n’est que lorsque le S.M. lui paraissait irréprochable que, la barren en main, il se livrait à la voile, et, par elle, prenait possession de la Seine ». Stéphane Mallarmé appelait également son voilier : « La Yole à Jamais Littéraire ».

Outre son travail à la « Revue Blanche » et les « Mardis Littéraires » au 87 rue de Rome, Stéphane Mallarmé se rendait souvent chez Alexandre Natanson, qui avait un hôtel, Avenue du Bois, et où il donnait de somptueuses réceptions. Lors de la pendaison de la crémaillère de sa nouvelle résidence, décorée par Vuillard, il convia trois cents personnes et demanda à Toulouse-Lautrec de servir de maître de cérémonie et de barman. Ces soirs là, le Tout-Paris, se pressait sous les floralies en fer forgé et donnait ainsi rendez vous Catulle Mendès, le couple Aron et Hessel, Reynaldo Hahn, Sacha Guitry, Henry Bataille, Porto Riche, Edmond Rostand, Forain, etc….


http://les.tresors.de.lys.free.fr/poetes/mallarme/gdres_heures_de_vavins/6_mallarme_revue_blanche.htm

Voir aussi