Louis IX, dit saint Louis

Communion de Louis IX, Vie et miracles de Saint Louis, G. de St. Pathus, XIVe siècle.

  1. Louis IX
  2. Saint Louis et le château de Fontainebleau
  3. Bois-le-Roi ou « les bois du roi saint Louis »
  4. Saint Louis et le Liban
    1. Saint Louis au Liban, un roi qui parvint à rétablir la paix parmi les chrétiens d’Orient
    2. De Saint-Louis à la guerre du Liban : la France, protectrice des chrétiens d’Orient
    3. Voyage en Orient (Lamartine)/De saint Louis
  5. Voir aussi

Louis IX

Saint Louis rendant la justice sous le chêne de VincennesPierre-Narcisse Guérin, 1816, musée des beaux-arts d’Angers.

Louis IXdit « le Prudhomme » et plus communément appelé Saint Louis, est un roi de France capétien né le 25 avril 1214 à Poissy et mort le 25 août 1270 à Carthage, près de Tunis. Il régna pendant plus de 43 ans, de 1226 jusqu’à sa mort. Considéré comme un saint de son vivant, il est canonisé par l’Église catholique en 1297.

En savoir plus https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_IX

Saint Louis et le château de Fontainebleau

Salle Saint Louis – © FMR

Les salles Saint-Louis

Ces deux salles entretiennent, par leur nom même, le souvenir du plus célèbre souverain du Moyen-Âge : Louis IX, dit Saint Louis. C’est en effet dans la deuxième salle logée dans l’épaisseur de la vieille muraille du donjon qu’était installée, depuis le Moyen-Âge, la chambre du Roi. Lorsque la chambre changea d’emplacement au XVIIème s, cette salle fut rétrogradée au rang d’antichambre, c’est-à-dire de pièce dégagée et spacieuse, garnie de banquettes, où l’on attend d’être introduit auprès du souverain. De l’autre côté de l’arcade, la figure équestre en marbre du roi Henri IV par Mathieu Jacquet, vestige d’une monumentale cheminée de la fin du XVIème s, fut installée à l’entrée de l’appartement du roi sur la demande de Louis-Philippe, qui rendait ainsi hommage à son ancêtre, « le plus aimé des rois »

En savoir plus https://www.chateaudefontainebleau.fr/les-grands-appartements-des-souverains/les-appartements-royaux/

Bois-le-Roi ou « les bois du roi saint Louis »

C’est Louis IX qui fit bâtir, au sommet de la Butte, une Chapelle dédiée à Saint-Vincent,
devenu lieu de pèlerinage, le jour de la Saint-Louis.
,https://lesrandonneursovillois.over-blog.com/2015/04/bois-le-roi-sur-les-traces-de-saint-louis.html

Cette chapelle, dont il ne reste que des ruines, est particulièrement intéressante sur un plan historique car nous ramenant aux temps ou le roi Louis IX de France était propriétaire des terres de Bois-le-Roi. Ce lieu fait ainsi un lien entre l’histoire locale et l’histoire de France. C’est en 1297, soit 27 ans après la mort de Louis IX, que l’église le canonisât et qu’il devint ainsi saint Louis, le faisant du même coup Patron de la France. Saint Louis émit le voeu d’édifier cette chapelle, suite à une aventure que nous nous ferons le plaisir de vous conter. Elle fut dédiée au saint du jour, saint Vincent , et la butte fut dénommée la « Butte Saint Louis ». Ce lieu devint rapidement célèbre, trop même. A la fête de saint Louis, le 25 août, un pèlerinage important s’y déroulait. De la veille au lendemain, on y venait de dix à douze lieues à la ronde et il s’y trouvait quelques fois trois à quatre mille personnes. Les troncs étaient bien garnis. Les pèlerins se montraient généreux. Les prieurs étaient peut-être trop riches, et deux d’entre eux furent assassinés; l’un, le sieur de Marigny, vers 1637, et l’autre en juin 1699. Ces assassinats vont avoir de graves conséquences qui aboutiront à la décision de Louis XIV de raser la chapelle. Il n’en reste plus à l’heure actuelle que des ruines. Des fouilles furent entreprises au cours du siècle dernier sur cette butte, et l’on y trouva les corps des deux prieurs assassinés et quelques pièces de monnaie. Mais autour de la Butte Saint Louis demeure une vieille légende, bien oubliée à l’heure actuelle, qui prétend que lorsque un évènement important de l’histoire nationale doit arriver, une biche blanche – certains disent une dame blanche – apparaît dans les environs…

(d’après le livre « Bois-le-Roi, mon village » de Robert Lesourd, ancien maire de Bois-le-Roi (1910 – 1991).Texte écrit pour la journée du patrimoine en 2012 (de mémoire)

Saint Louis et le Liban

Saint Louis au Liban, un roi qui parvint à rétablir la paix parmi les chrétiens d’Orient
Qala’at Sanjil et Qala’at Tarablus en arabe, est une citadelle et un fort sur une colline à Tripoli, au Liban. Autrefois connue sous le nom de Citadelle de Raymond de Saint-Gilles et aussi comme Mont Pèlerin (en latin Mons Peregrinus) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_Saint-Gilles

De 1250 à 1254, Louis IX, roi et saint, passa quatre années au Liban. Retour sur son parcours, d’autant que 2014 marque, entre autres, le 800e anniversaire de sa naissance.

OLJ / Par Michel ROUVIÈRE, le 14 novembre 2014

En cette année 2014, plusieurs anniversaires se présentent à notre mémoire. Le premier rappelle la terrible année 1914. Le second veut se souvenir de l’assassinat de Jean Jaurès. Nous pouvons nous attarder sur le fameux « Dimanche de Bouvines » du 27 juillet 1214. Aujourd’hui, après l’anniversaire de sa mort le 25 août, je voudrais marquer les 800 ans, aussi, de la naissance du futur roi Saint Louis, le 25 avril 1214.


Est-il possible d’être roi et saint ? De plus, les vertus chrétiennes sollicitent une sorte de sacrifices et de mortifications permanents qui pourraient paraître contradictoires avec l’autorité que demande le titre de roi. Par extraordinaire, Louis IX, en quarante-quatre ans de règne (1226-1270), porta la force de l’autorité royale à une hauteur à nulle autre pareille, avec une évidente atmosphère de sainteté. Particularité supplémentaire de cette remémoration : ce roi de France passa quatre ans au Liban et dans ses environs, de 1250 à 1254. Il serait intéressant de savoir comment ce roi s’y prit dans cet « Orient compliqué » pour ne pas perdre son aura de perfection qu’il avait su déjà acquérir. En effet, nous savons que tel qu’en lui-même, il demeura roi dans sa voie sanctifiante, même au Levant. Il me semble que de sa manière si particulière de gouverner, nous pourrions tirer des fruits, même à notre époque. Depuis 800 ans, le cœur des hommes est toujours animé des mêmes passions. Les diriger reste une science demandant beaucoup d’art.
Faut-il rappeler la fameuse lettre de Saint Louis écrite à Chypre au sujet des maronites et dont certains contestent l’authenticité ? C’est un autre sujet.
Quand le roi vint en Terre sainte il y avait toujours des principautés latines mais Jérusalem avec la majorité de la Palestine obéissait aux émirs ayyoubides en lutte avec les Mamelouks. Dans le camp adverse, il y avait aussi des conflits internes. Le roi de France n’était pas triomphant, loin de là ; après la défaite de Mansourah, il venait de se libérer de son état de prisonnier en ayant payé une forte rançon au sultan d’Égypte. Ce n’était pas une arrivée sous les meilleurs auspices. Il aurait pu repartir vers les rivages méditerranéens de son royaume ; il avait suffisamment payé dans tous les sens du terme. Toutefois, il est à noter que même dans sa position de prisonnier, à laquelle il faut ajouter une crise de dysenterie, le sultan mamelouk d’Égypte ne douta jamais de sa royauté et de son autorité. Souvenons-nous des fameux chevaliers s’en revenant vers la prison, n’ayant pas pu réunir la somme pour être libérés tandis que lui pouvait aller. Enfin libre ! Après une courte réflexion, derechef, en contrepartie de la libération des chevaliers, il s’en retourna vers son lieu de rétention, qu’il venait de quitter. Après avoir repayé et une fois totalement libre, il préféra aller vers le Levant, malgré le pressant appel au retour de sa mère. Il laisserait encore son royaume sous la régence de sa mère, l’excellente reine douairière, Blanche de Castille.

Favoriser l’entente
Allait-il tenter encore une fois une bataille décisive ? Rentrer à Jérusalem la lance à la main après une victoire ! Peut-on imaginer événement plus naturel pour un roi du Moyen Âge ? Eh bien non ! La chronique retient : « Qu’il mit les principautés en meilleures défenses en terminant les constructions inachevées. Il rétablit la paix et la concorde parmi les chrétiens. » Ayant eu la triste nouvelle de la mort de sa mère, dont il fut très affecté, il repartit vers le royaume de France le 24 avril 1254. Quatre ans étaient passés. Dans l’ardeur de ma jeunesse, je trouvais cette période bien décevante; l’ambition naturelle aspire à plus de gloire. J’imaginais moult chevauchées. Maintenant, je vois les événements autrement. Ayant vécu quelques décennies au Liban, le fait de pouvoir « établir la paix et la concorde parmi les chrétiens », je me dis qu’il faut rien moins qu’un roi de France, saint de surcroît, pour y arriver.
En lisant plusieurs ouvrages, nous pouvons voir comment il procédait. Il ne partait pas d’un projet de transformations fondamentales ; une Constitution nouvelle, une législation écrite bien équilibrée. Il demandait simplement d’abord que les personnes et les choses soient ce qu’elles doivent être. Le seigneur se plaignant d’un voisin turbulent était-il lui-même un bon vassal vis-à-vis de son roi ? Comment traitait-il ses propres vassaux ? Voilà comment le roi parvenait à modérer sa noblesse tout en augmentant son autorité. Le sommet de cette attitude fut quand le pape Innocent IV vint se mettre sous sa protection à Lyon, chassé de Rome par l’empereur Frédéric II, « stupor mundi », en 1245, trois ans donc avant la croisade. Ayant un caractère bien affirmé, Sa Sainteté demandait même au roi d’attaquer l’empereur excommunié ! Une ambition normale aurait profité d’une occasion si belle pour étendre son pouvoir en Italie. Tout le parti guelfe papal l’aurait soutenu contre les gibelins impériaux. Le roi préféra annoncer solennellement que l’empereur et le pape devaient s’entendre. Frédéric II de Hohenstaufen, en appelant de son autorité impériale, supérieure à celle des rois, voulait qu’il le lui livre. Cet évêque de Rome était un de ses sujets. Non ? Cependant, le roi sut lui dire de ne pas s’attendre à cela. Ensuite, l’empereur du Saint-Empire ne devait pas espérer le poursuivre jusque sur les terres relevant du royaume de France car il y rencontrerait son ost. Ainsi gouvernait Saint Louis à l’extérieur comme à l’intérieur. Entre le bourgeois commerçant et l’artisan fabricant quel est le juste prix ? 10 % de marge, 30 %, certains vont jusqu’à 300 % ! Cela paraît impossible à établir dans l’absolu. Le roi se penche sur un cas bien particulier, sans a priori. Est-ce de l’or, du diamant ou même une rare relique comme la couronne d’épine ou un clou de la Passion ? Alors l’évidence s’y révèle.

Fixer des limites
Lors de son arrivée à Saint-Jean-d’Acre le 13 mai 1250, le royaume de Jérusalem n’avait pas de roi effectif depuis vingt ans ! Ce n’était qu’un titre. Il revenait à Conrad IV fils du fameux empereur Frédéric II. Mais ce roi-là préférait d’abord s’assurer de la réalité de ses autres titres ; empereur du Saint-Empire, roi de Sicile et de Naples. Ainsi nous comprenons aisément les raisons de l’anarchie ambiante. Les ordres religieux militaires ; Templiers, Hospitaliers et Teutoniques prenaient leurs aises. Ils avaient tendance à confondre leurs fonctions cléricales de secours et de protections avec les nécessités de la gestion de leurs activités financières. Malgré leur discipline, leurs organisations, ils ne purent se substituer à la société civile féodale. Avec fermeté mais sans esprit vindicatif, le roi fixa leurs limites dans chaque cas litigieux.
Nous terminerons avec un autre cas profondément psychologique. C’est une intervention particulièrement délicate du roi vis-à-vis d’une mère abusive maintenant son fils sous tutelle. Nous pourrions y voir un effet de miroir entre lui et le cas à trancher, tant il y a de similitudes. Cependant nous savons les différences avec les vrais liens existant entre Blanche de Castille et son fils !

Lucienne Conti de Segni
Lucienne Conti de Segni est une princesse d’Antioche par mariage. Elle était fille de Paolo Conti, comte de Segni. C’est la petite-nièce du pape Innocent III. Elle porte le même nom de famille, elle en a le même caractère autoritaire. Cette famille offrit trois papes à l’Église. Le mariage avec Bohémond V, prince d’Antioche et comte de Tripoli, avait été voulu par le pape dans le but d’augmenter son influence en Orient, mais aussi de favoriser une réconciliation entre les Églises de Rome et d’Orient. À la mort de son mari en 1252, elle devint naturellement régente pendant la minorité de son fils de quinze ans. Elle séjourne le plus souvent à Tripoli, au château de Saint-Gilles. Contrairement au but visé par le pape, son oncle, elle délaisse Antioche. Le siège de divers patriarcats devient alors le lieu de luttes religieuses et ethniques entre les populations latines, grecques et arméniennes. Cependant la régente très autoritaire, bon sang ne saurait mentir, gardait son fils Bohémond VI (1237 -1261) sous une étroite tutelle. Celui-ci profite d’une visite que sa mère et lui faisaient au roi de France. Il se trouvait alors à Jaffa dans les restes du royaume de Jérusalem en Terre sainte. Le jeune Bohémond demande l’aide du roi. Impressionné par la valeur du prince, le roi l’arme lui-même chevalier. Il oblige Lucienne de Segni à mettre fin à sa régence, afin que Bohémond puisse redresser la situation à Antioche et gouverner les deux principautés. Sûrement que le roi patronna, ensuite, le mariage du jeune prince avec la jeune Sibylle, fille du roi d’Arménie Héthom Ier. Voilà, une manière d’améliorer une entente entre l’Orient et l’Occident. Aucune sombre intrigue, nul exil dans un couvent ne viennent entacher une nécessaire évolution entre un fils adolescent et une mère encore jeune.
Quand quelques siècles plus tard la France tomba dans la Révolution sanglante, elle eut un juge terrible : Fouquier-Tinville. Devant un aristocrate ancien ministre du roi, que son avocat présentait comme innocent, il répondit cyniquement ; « On ne gouverne pas innocemment ! » Ensuite il l’envoya à la guillotine. En observant le dur spectacle passé et actuel de la vie politique de l’Orient, je me dis parfois qu’ici, on ne peut gouverner que criminellement. Il est heureux que dans des temps que l’on se plaît à dire plus rudes, le Moyen Âge, un roi de France put redresser et gouverner cette région avec sainteté. Bien qu’apparemment il n’y eut que le bon sens et le raisonnable pour présider ses actes. Nous pouvons presque être déçus par le manque de merveilleux. On n’y trouve pas les historiettes, « fioretti », qui accompagnent l’hagiographie avec enluminures d’un saint d’autrefois. Rien ne nous empêche, cependant, de payer l’ouvrier de la onzième heure avec le même salaire que celui de la première ; en Orient cette fameuse parabole prend une force solaire très particulière. Une fois de retour dans son royaume de France, le roi s’imposa de telles mortifications qu’elles dérangèrent parfois son entourage. Notons les plus notoires ; noyer dans son assiette la saveur des mets avec de l’eau, flagellations dans l’intimité de sa chambre, et enfin le fameux baiser sur les plaies d’un moine lépreux. Toutefois, il n’obligea personne à le suivre dans cette voie ardue. Néanmoins, il n’oublia jamais d’exercer la plénitude de son office royal. L’ascèse chrétienne n’était qu’un plus dans l’art de vivre et de régner.

Source https://www.lorientlejour.com/article/895985/saint-louis-au-liban-un-roi-qui-parvint-a-retablir-la-paix-parmi-les-chretiens-dorient.html

De Saint-Louis à la guerre du Liban : la France, protectrice des chrétiens d’Orient

Par Jean-Louis Thiérot

Publié le 6 août 2014

FIGAROVOX/ANALYSE – L’historien Jean-Louis Thiériot rappelle les liens qui unissent les chrétiens d’Orient et la France depuis Saint-Louis. Une constante de la diplomatie française, qui a traversé les révolutions et les changements de régime.


Jean-Louis Thiériot est un avocat, historien (spécialiste de l’histoire contemporaine) et homme politique français. Son dernier ouvrage, François-Ferdinand d’Autriche: de Mayerling à Sarajevo, est paru aux éditions Tempus.


Pour la communauté internationale, le martyre des chrétiens d’Irak est un drame de plus. Pour la France, c’est un défi majeur car «la protection des chrétiens d’Orient» est un marqueur essentiel de notre diplomatie. Son histoire vaut d’être rappelée, car on oublie trop souvent qu’elle remonte au Moyen Âge.

Saint Louis a été le premier à lui donner une formulation officielle. En 1248, il entreprend la septième croisade pour sauver le royaume latin de Jérusalem. En route vers la Terre sainte, il fait escale à Chypre. Les chrétiens maronites en exil lui font triomphe. Convaincu que ces populations, dont le principal foyer de peuplement se situe autour du Mont-Liban, peuvent être l’avant-garde de la reconquête à venir, Saint Louis s’en proclame le protecteur: «Pour nous, déclare-t-il dans la charte du 24 mai 1250, et nos successeurs sur le trône de France, nous promettons de vous donner à vous et à tout votre peuple notre protection spéciale comme nous la donnons aux Français eux-mêmes.» C’est un texte fondateur car, pour la première fois, il accorde des garanties à des populations étrangères vivant sous la domination de princes musulmans.« La protection des chrétiens d’Orient » est un marqueur essentiel de notre diplomatie. Son histoire vaut d’être rappelée, car on oublie trop souvent qu’elle remonte au Moyen Âge.

L’échec des croisades ultérieures et l’irrésistible progression de l’Empire ottoman vide cette protection de l’essentiel de sa substance. Mais elle ne cesse de hanter l’esprit de nos rois. Désireux d’affaiblir la maison d’Autriche, François Ier fait alliance avec Soliman le Magnifique en signant les fameuses «capitulations». Paris y gagne d’abord des avantages commerciaux qui lui confèrent un quasi-monopole sur le commerce avec le Levant. Mais la défense des chrétiens n’est pas oubliée. De jure, les «capitulations» n’accordent de garantie qu’aux Français. Cependant la France se fait aussi attribuer la garde des Lieux saints, ce qui lui donne un poids particulier.

Constamment renouvelées jusqu’à la Révolution française, les «capitulations» apparaissent de plus en plus comme un recours pour les chrétiens de l’Empire ottoman. En 1604, la France devient protectrice de l’ensemble des pèlerins européens. En 1625, le père Joseph, l’éminence grise de Richelieu, obtient l’autorisation d’envoyer des missionnaires à Alep. En contact étroit avec les consuls français, ils tissent un réseau très dense de soutien aux chrétiens locaux. De facto, la France devient la protectrice de tous les chrétiens d’Orient. Dans le Théâtre de la Turquie, publié en 1682 par Michel Febvre, pseudonyme d’un ecclésiastique, on peut lire: «Les chrétiens d’Orient opprimés sous le joug des infidèles fondent leur espérance dans la croyance qu’ils vont être un jour délivrés par un roi de France.»

Les régimes passent. La tradition demeure. La lente agonie de l’Empire ottoman aiguise les convoitises. Tout à son obsession de s’assurer le contrôle des détroits et d’obtenir un débouché en Méditerranée, la Russie cherche à accroître son influence dans les principautés de la Sublime-Porte. En 1846, le jour du vendredi saint, les communautés catholiques françaises et orthodoxes russes en viennent aux mains à Jérusalem. On relève quarante morts dans la basilique du Saint-Sépulcre. La situation s’enlise jusqu’en 1854. Poussé par les Anglais qui apprécient peu de voir les Russes leur contester la suprématie navale en Méditerranée, Napoléon III engage les troupes françaises en Crimée. La primauté sur les Lieux saints n’a pas été la seule cause de l’intervention française. Mais elle joue un rôle suffisamment important pour que le traité de Paris, qui met un terme au conflit en 1856, pose explicitement le principe de la prééminence de la France à Jérusalem et de sa primauté en matière de protection des minorités religieuses.

Ne respectant pas ses promesses à l’égard des chrétiens, en 1860, le sultan exerce sur les maronites libanais une sanglante répression. Pour Napoléon III, c’est une provocation. Un corps expéditionnaire s’embarque pour le pays du Cèdre. Il le quitte un an plus tard en 1861 après avoir obtenu d’Istanbul un statut spécial, avec notamment la désignation d’un gouverneur chrétien pour la «province autonome du Mont-Liban».Face à la tragédie des chrétiens d’Irak, le passé impose que la France se montre à la hauteur de sa vocation singulière.

Laïque, la IIIe République garde le cap. Le Quai d’Orsay négocie pied à pied pour obtenir de la Sublime-Porte un statut officiel des établissements latins. Dans une lettre du 20 juillet 1898, Léon XIII rend hommage à la «mission à part confiée par la providence à la France, noble mission qui a été consacrée non seulement par une pratique séculaire, mais aussi par les traités internationaux». Les accords de Mytilène en 1901 et de Constantinople en 1913 couronnent ces efforts. Une institution aussi prestigieuse que l’École biblique française de Jérusalem y gagne la reconnaissance officielle qui aujourd’hui encore lui sert de base légale.

La guerre de 1914 ne met pas un terme à ce tropisme oriental. Lorsqu’elle accepte le mandat au Levant qui lui est confié par la SDN au traité de Sèvres en 1921, l’une des principales préoccupations de la France est d’assurer l’autonomie du Liban, fief des chrétiens maronites. Le départ des Français en 1946, distend naturellement les liens noués. Mais ils ne disparaissent pas. Bombardé dans le palais présidentiel de Baabda en 1989, c’est encore vers la France que se tourne le général Aoun pour réclamer une intervention militaire. Et c’est en France qu’il trouve refuge pour son exil.

C’est dire combien dans l’Orient compliqué, le passé commande à la France une vigilance particulière. Face à la tragédie des chrétiens d’Irak, il impose qu’elle se montre à la hauteur de sa vocation singulière.

https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/2014/08/06/31005-20140806ARTFIG00009-de-saint-louis-a-la-guerre-du-liban-la-france-protectrice-des-chretiens-d-orient.php


Voyage en Orient (Lamartine)/De saint Louis

Alphonse de Lamartine

Voyage en Orient

Chez l’auteur (p.406-407).

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LETTRE DE SAINT LOUIS À L’ÉMIR DES MARONITES DU MONT LIBAN, AINSI QU’AU PATRIARCHE ET AUX ÉVÊQUES DE CETTE NATION.

Les rois de France avaient, depuis les croisades, toujours accordé leur protection plus ou moins efficace, suivant les circonstances, aux chrétiens du mont Liban. Les Maronites avaient fait une alliance avec les croisés, et y étaient toujours restés fidèles. À la bataille de Mansourah, Louis IX comptait dans son armée un grand nombre de ces braves montagnards, armés de foi au dedans et de fer au dehors. Le saint roi, délivré de captivité, fut accueilli, à son arrivée à Saint-Jean d’Acre, par vingt-cinq mille Maronites que leur prince envoyait à sa rencontre, sous la conduite d’un de ses fils, chargés d’approvisionnements et de présents de toutes sortes. Ce fut à cette occasion que le roi de France écrivit au prince chrétien du Liban la lettre suivante, dont la traduction arabe, faite sur l’original écrit en latin, se trouve dans les archives des Maronites.

« Notre cœur s’est rempli de joie lorsque nous avons vu votre fils Simon, à la tête de vingt-cinq mille hommes, venir nous trouver de votre part pour nous apporter l’expression de vos sentiments, et nous offrir des dons, outre les beaux chevaux que vous nous avez envoyés. En vérité, la sincère amitié que nous avons commencé à ressentir avec tant d’ardeur pour les Maronites, pendant notre séjour à Chypre, où ils sont établis, s’est encore augmentée. Nous sommes persuadé que cette nation, que nous trouvons établie sous le nom de saint Maron, est une partie de la nation française, car son amitié pour les Français ressemble à l’amitié que les Français se portent entre eux. En conséquence, il est juste que vous et tous les Maronites jouissiez de la même protection dont les Français jouissent près de nous, et que vous soyez admis dans les emplois comme ils le sont eux-mêmes. Nous vous invitons, illustre émir, à travailler avec zèle au bonheur des habitants du Liban, et à vous occuper de créer des nobles parmi les plus dignes d’entre vous, comme il est d’usage de le faire en France. Et vous, seigneur patriarche, seigneurs évêques, tout le clergé ; et vous, peuple maronite, ainsi que votre noble émir, nous voyons avec une grande satisfaction votre ferme attachement à la religion catholique et votre respect pour le chef de l’Église, successeur de saint Pierre à Rome ; nous vous engageons à conserver ce respect, et à rester toujours inébranlables dans votre foi. Quant à nous et à ceux qui nous succéderont sur le trône de France, nous promettons de vous donner, à vous et à votre peuple, protection comme aux Français eux-mêmes, et de faire constamment ce qui sera nécessaire pour votre bonheur.

» Donné près Saint-Jean d’Acre, le vingt et unième jour de mai douze cent cinquante, et de notre règne le vingt-quatrième. » https://fr.wikisource.org/wiki/Voyage_en_Orient_(Lamartine)/De_saint_Louis

Lamartine

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