
- Contenu symbolique des lettres de l’alphabet, première clef de l’interprétation des mythes grecs
- Tableau synoptique des lettres-symboles de l’alphabet ionien
- Ordre des lettres selon l’enchaînement logique dans les graphismes
- Schéma de Construction des lettres-symboles
- Iota
- Gamma
- Pi (Lettre double)
- Rhô (Lettre double)
- Bêta
- Zêta
- Tau (Lettre double)
- Xi
- Epsilon
- Êta
- Kappa (Lettre double)
- Lambda (Lettre double)
- Alpha
- Delta (Lettre double)
- Upsilon
- Psi
- Nu
- Mû
- Khi (Lettre double)
- Sigma
- Omicron
- Thêta
- Phi
- Oméga
- Digamma, San et Koppa : les lettres abandonnées.
- Source
- Voir aussi v
Contenu symbolique des lettres de l’alphabet, première clef de l’interprétation des mythes grecs

Les clefs de cryptage peuvent être classées en différentes catégories plus ou moins complexes.
*La première catégorie utilise les contenus symboliques des lettres de l’alphabet, qui permettent la formation de noms propres dont le sens découle en partie de l’arrangement des lettres employées. Le plus souvent, ces noms (dieux, héros, personnages, lieux…), sont constitués d’une association de lettres signifiantes et de mots du langage courant pour former un rébus symbolique.
Il y a tout lieu de penser que cette méthode de cryptage était déjà utilisée par les Égyptiens. Les Grecs, évoquant les signes égyptiens, les appelaient « Ta hiera grammata », les lettres sacrées, ou « Ta hiera glyphica », expression qui signifie « les (lettres) sacrées gravées » ou hiéroglyphes. Pourquoi « sacrées », si ce n’est qu’elles manifestaient, par leur tracé, un contenu symbolique révélateur des « choses sacrées ».
Les Égyptiens eux-mêmes s’y référaient comme à « l’écriture des mots divins ».
Pour tout savoir sur les lettres symboles https://www.greekmyths-interpretation.com/interpretation…/

Tableau synoptique des lettres-symboles de l’alphabet ionien

Ordre des lettres selon l’enchaînement logique dans les graphismes
L’ordre de présentation des lettres ci-dessous suit l’enchaînement logique dans les graphismes, et non celui de l’alphabet utilisé couramment : voir le Schéma de construction des lettres symboles dans l’onglet divers.
Schéma de Construction des lettres-symboles

L’ordre de présentation des lettres ci-dessous suit l’enchaînement logique dans les graphismes, et non celui de l’alphabet utilisé couramment : voir le Schéma de construction des lettres symboles dans l’onglet divers.
Pour chacune d’elles, figure d’abord la lettre ionienne selon l’alphabet officiel imposé par Athènes et sur laquelle est fondée la composition des noms propres, puis sont notées à la suite quelques-unes de ses autres formes archaïques illustrant la complexité de l’évolution, et enfin, la lettre classique et la minuscule de l’époque hellénistique.
Iota
Forme ionienne : I
Formes classiques : Ι ι
Cette lettre est étudiée en premier lieu, car son graphisme est le plus simple qui soit, un trait vertical. Absente dans l’alphabet phénicien, elle fut ajoutée par les Grecs et servit de base au graphisme de dix-sept autres lettres. Elle représente l’idée première sous-jacente à toute manifestation, c’est-à-dire la volonté de « densification » du Suprême.
C’est le premier mouvement de cette totalité indivisible que les Védas nomment Sat-Chit-Ananda, les trois principes Existence-Conscience-Félicité fondus en l’Unité.
(A ce niveau de description, nous sommes hors de toute conception mentale, sur un plan qui précède la manifestation et à fortiori la création et l’espace-temps.)
Elle précède « la projection hors de Soi-même » et la « contemplation de Soi-même », illustrées respectivement par le gamma (Γ) et le rhô (Ρ). Le Rho dessine le mouvement, lancé avec le gamma, qui revient vers sa source afin d’avoir l’expérience de lui-même, expérience qui est Éros, Félicité.
Cette densification peut se comprendre aussi comme un ralentissement des vibrations, le Réel vibrant à une vitesse infinie dans une immobilité totale, et la création, dans son état d’apparente stabilité, nécessitant des vibrations lentes se déployant dans le temps.
Le iota est donc l’expression d’une « densification » du Suprême, une Existence-Conscience, que nous appellerons plus simplement « Conscience », qui s’étend des hauteurs de l’Esprit jusqu’aux plus lointaines profondeurs de la Matière. Symboliquement, et de tous temps, le haut fut attribué à l’Esprit, et le bas à la Matière, en raison de notre perception du monde sensible.
Cette approche de la Conscience implique l’existence de différents niveaux de « conscience » : ceux des plans minéral, végétal, animal, humain qui nous sont familiers et plus ou moins perceptibles, et ceux qui s’étendent encore au-delà jusqu’à la conscience de l’Absolu.
L’étude de ces plans, de leurs interactions et des possibilités de les intégrer et les perfectionner en nous est l’un des objets de la mythologie.
C’est en suivant cette idée de densification que les Grecs ont placé le lieu de séjour de certains dieux au sommet des montagnes (Olympe, Ida), car de même que celles-ci relient le ciel et la terre, ces dieux, puissances les plus élevées du monde mental, font le lien entre l’Esprit d’une part, la vie et la matière d’autre part.
La Conscience des plans supérieurs de l’Esprit n’est accessible à l’homme qu’en de rares éclairs, et subit même alors quantité de déformations et de distorsions, héritages à la fois de l’évolution et de la nature individuelle.
Il n’est donc pas possible de la représenter sous la forme d’un trait vertical, mais seulement d’une ligne brisée en zigzag, .
Si l’on considère les alphabets grecs primitifs, dans nombre d’entre eux le iota et le sigma avaient des tracés similaires : pour le iota, et ou ou encore pour le sigma. Lorsque le tracé ionien fut adopté définitivement par tous, il devint nécessaire de différencier clairement le iota , le zêta et le sigma . Le iota fut retenu pour la Conscience de Vérité pure de toute déformation, le sigma hérita du sens de « conscience mentale partielle » et surtout il symbolisa une circulation de l’énergie entre le bas et le haut dans l’homme mais dans un seul sens. Quant au zêta, il figura le lien dynamique entre l’Esprit et la Matière, qui, à l’instar de l’éclair, prend le chemin le plus court en tenant compte des obstacles rencontrés.
(Dans les alphabets phéniciens archaïque et araméen, on peut supposer que la conscience était représentée par la lettre zayin , puisque le iotan’existait pas.)
Le iota peut être employé à la fois comme voyelle et comme consonne. Il est utilisé comme consonne lorsqu’il se trouve au milieu de deux voyelles et n’appartient pas à la désinence, comme dans les mots Gaia, Laïos et Aiétès. Les autres consonnes indiquent alors le « mouvement » de cette Conscience. Il sert aussi de consonne lorsqu’il n’est utilisé qu’avec une seule voyelle comme dans le mot Io (ΙΩ), princesse de la dynastie royale d’Argos qui fut aimée de Zeus puis changée en génisse. Le tracé de la lettre oméga (Ω) indiquant une ouverture vers l’incarnation, le nom signifie alors une « ouverture de la conscience vers l’incarnation». Io est en effet à l’origine de la lignée des personnages qui décrivent le processus de purification/libération ou intégration : Héraclès, Œdipe et Europe.
En résumé, le exprime donc une verticalité, de l’ordre de la Conscience-Force, non déviée par les couches du mental, car c’est ce dernier, et non la vie, qui est la cause des distorsions.
*Mots clefs : conscience, conscience de vérité, force-conscience, plans de conscience.
Gamma
Forme ionienne : Γ
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Γ γ
Le tracé du gamma exprime un mouvement vers l’avant, une impulsion, qui part du sommet du trait vertical de la « conscience ».
Les deux lettres Γ et nous permettent d’introduire Gaia, la Terre, la Conscience qui se projette hors d’elle-même ou principe d’Existence. (Le iota entre deux voyelles doit être considéré comme une consonne.)
Puis, se scindant elle-même : « en premier lieu, elle fit naître Ouranos le ciel étoilé, égal à elle-même (il fallait qu’il pût la cacher, l’envelopper entièrement), afin qu’il fût, pour les dieux bienheureux, séjour à jamais stable », elle se mua en un couple sans pour autant abandonner son unité : Ouranos, la Force-Conscience concentrée en elle-même, et Gaia, son Énergie Exécutrice. Les deux membres du couple devaient s’unir à leur tour pour que viennent à la lumière les puissances de création, les Titans. Le jeu divin de ces deux principes est illustré par le rhô (P), qui forme la structure du mot Éros, l’extase divine, ou Ânanda. Lorsque les Titans vinrent enfin à la lumière, alors s’opéra le passage de la Force-Conscience/Énergie Exécutrice à la dualité de principes Esprit (Ouranos)/ Matière (Gaia).
Par extension, gamma a plus généralement le sens d’une impulsion, d’un commencement, d’un mouvement vers l’avant. Cette lettre est à l’origine du mot Gorgo (la Gorgone tuée par Persée), symbole d’une impulsion qui revient sur elle-même de par l’ajout du Rho.
Les variantes du gamma que l’on trouve à Corinthe, Argos ou en Eubée expriment une projection de la conscience, verticalement ou horizontalement, mais ce graphisme sera finalement retenu pour le lambda.
*Mots clefs : mise en mouvement, impulsion, commencement.
Pi (Lettre double)
Forme ionienne :
Formes classiques : Π π
Le tracé du pi primitif est identique, quelles que soient les régions où il est apparu. Son graphisme subit l’inversion classique du sens de l’orientation.
Son tracé poursuit celui du gamma par un court trait vertical vers le bas qui suggère un arrêt du mouvement. Ces deux lettres, gamma et pi, nous évoquent la phrase de Platon « Cet univers où nous sommes, tantôt le dieu lui-même dirige sa marche et le fait tourner, tantôt il le laisse aller…» ; l’univers, mis en route par le gamma, poursuit avec le pi sur sa lancée.
Mais le graphisme de cette lettre évoque aussi une instabilité, un repos temporaire.
Dans son tracé définitif, le pi est le principe du repos, de l’arrêt, de la stabilité, de l’immobilité. Il porte aussi l’image d’un pont, d’un lien entre deux piliers.
*Mots clés : – repos, arrêt, immobilité et peut-être inertie.
– lien, équilibre, stabilité, égalité.
– maîtrise (domination), rigidité, fixité et peut-être dépendance.
Rhô (Lettre double)
Formes ioniennes :
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Ρ ρ
La deuxième lettre issue du gamma est le rhô. (Il s’écrit comme le P français, mais il est à rapprocher du R). Le mouvement, ici, n’est plus interrompu comme dans le pi, mais revient sur lui-même, vers la source. C’est la respiration de l’Absolu, le jeu d’une création qui vient à l’existence puis est réabsorbée. A un niveau inférieur, il s’agit d’un retour sur soi-même, d’une inversion du sens du mouvement.
Mais les variantes que l’on trouve soit en Ionie () soit dans les autres cités , indiquent que cette action s’inscrit jusque dans la matière, qu’elle n’est pas un simple jeu du Divin. Cette lettre est donc aussi le symbole du mouvement fait « en vérité », de « l’acte juste ». Et celui-ci générant la joie, comme cela est admis dans toutes les traditions, on retrouve le rhô dans le mot Éros, « le plus beau des dieux immortels », symbole de la Joie divine, conséquence du jeu de l’éloignement puis de l’attraction du retour vers l’origine Une.
Dans les significations plus tardives de l’Éros, la vibration est descendue dans les plans les plus denses, où elle est devenue « désir », lequel a pour corollaire le plaisir, lequel n’est qu’une forme déchue – il faudrait en fait plutôt dire primitive – de la Joie.
Le rhô () exprime donc le mouvement de l’évolution selon l’ordre juste et vrai, l’ordre vertical (selon l’Esprit), et le nu (Ν), comme nous le verrons, celui de l’évolution selon l’ordre horizontal (selon la Nature). Le premier est pur, non déformé. Le second est issu de l’inconscience, état premier de la nature, dont il supporte les mélanges et les désordres.
Le rhô procédant du gamma dans son graphisme, il est logique que Rhéa (ΡΗΑ), femme de Cronos, puis Héra (ΗΡΑ), épouse de Zeus (ces deux noms n’ont que le rhô comme lettre structurante), succèdent à Gaia comme puissances féminines régnantes.
Le (rhô), lettre double, a aussi été utilisé pour exprimer une inversion. Par exemple, le symbolisme du chien Orthros – orthos (droit) dans lequel a été inséré le rhô – doit être compris comme l’inverse de la droiture, c’est-à-dire la fausseté, le mensonge, et non comme la Vérité se déployant selon le mouvement de la Suprême Réalité. Quelques scribes, recopiant des manuscrits, ont vu là une faute d’orthographe et l’ont donc parfois transcrit « Orthos ». S’agissant d’un monstre représentant le mensonge, la pertinence de l’orthographe « Orthros » est évidente. Autre exemple : le rhô est la lettre structurante du nom de la déesse de la discorde, Éris. A un certain niveau, l’inverse de l’attraction (Éros) est en effet la répulsion, la discorde.
Un autre exemple, où le Rho inséré exprime une inversion, est le mot Dircé « une manière d’agir fausse » alors que Dicé exprime « une juste manière d’agir » comme dans Eurydice.
*Mots clefs : – mouvement vrai ou juste, selon le plan de l’Absolu
– mouvement d’inversion
Bêta
Forme ionienne : Β
Formes classiques : Β β
Le bêta est obtenu en complétant le rhô () par symétrie. Le mouvement qui s’effectue dans les plans supérieurs doit aussi s’opérer dans les plans inférieurs : c’est donc l’indication d’un principe de densification et d’incarnation du mouvement supérieur (comme dans Érèbe). C’est un mouvement vrai, dans l’ordre des choses.
On trouve le B dans des mots comme Niobé. Avec le N de l’évolution, Niobé signifie « l’évolution du processus d’incarnation ». Or Niobé est « la première femme », la « Mère des Vivants », symbole pour le chercheur du moment où il prend conscience que « ça existe », où il a un moment « d’éveil ». Elle symbolise l’entrée sur le chemin intérieur dans le processus de purification/libération. Elle symbolise aussi l’entrée dans l’âge de la conscience réflexive, celle qui permet de se regarder soi-même et donc de progresser. Et ce qui lui est demandé à ce moment-là, c’est d’incarner l’intelligence et le discernement, car le séjour au jardin d’Éden touche à sa fin.
Le B figure aussi comme seule lettre structurante dans le nom de la déesse Hébé (ΗΒΗ), laquelle symbolise la « jeunesse » éternelle dans le plan du mental le plus haut (le surmental, car elle est fille de Zeus et d’Héra, servant aux dieux le nectar et l’ambroisie), la souplesse qui permet l’adaptation au mouvement du Devenir, la fraicheur et la joie de l’instant présent dans l’incarnation.
*Mots clefs : – processus juste d’incarnation (mise en œuvre, pose des fondations…), densification.
– joie de l’acte juste, attention parfaite à l’instant présent.
Zêta
Forme ionienne :
Formes classiques : Ζ ζ
Le zêta, qui a repris le tracé du zayin phénicien, n’a pas varié sauf dans certaines formes d’araméen où il est représenté seulement par un trait vertical (il était sans doute dans cette langue le symbole de la conscience).
Le zêta ne devait pas être confondu avec le iota , malgré la similitude des tracés primitifs, ce qui peut expliquer le tracé en zigzag Ζ adopté plus tardivement pour le zêta.
Le zêta ionien primitif est donc formé par le trait vertical de la Conscience du iota entouré de part et d’autre par deux barres horizontales que l’on peut identifier comme le plan de l’esprit, en haut, et celui de la matière, en bas. Dans sa globalité, le zêta représente donc une liaison, par la conscience, du monde de l’esprit au monde de la matière.
Peut-être le tracé en Ζ, à l’image de l’éclair, n’est-il pas fortuit : la liaison semble plus « foudroyante », mais moins directe. Toutefois, la base de notre étude est l’alphabet au temps d’Homère et non les formes tardives. Aussi est-ce la forme ionienne que nous retiendrons.
Pour éclairer sa compréhension, il faut la rapprocher des deux lettres apparentées, le tau (Τ) et le xi (Ξ en écriture moderne), lequel provient du phénicien samech. Dans le tracé de ces deux lettres, l’un des traits horizontaux a été soit supprimé, soit ajouté par rapport au zêta.
Ces trois lettres définissent donc des nuances dans l’action de la conscience. Avec le zêta il s’établit un rapport direct entre l’Esprit et la matière, un équilibre, une réflexion.
Avec le tau T, la conscience se maintient sur le plan de l’Esprit et ne s’incarne pas. Avec le xi la conscience établit un principe d’identité entre les plans, ceux de l’esprit, de la matière et du mental/vital, ce dernier étant le plan intermédiaire où se tient l’homme.
Le zêta se situe donc dans le domaine de l’instantané : une liaison qui ne passe pas par le mental, une action directe et illuminatrice. C’est la lettre structurante du nom de Zeus, qui illustre le mode d’action direct, mais non permanent, du plan de l’esprit dans la manifestation.
Cette action directe est confirmée par le tracé de la lettre minuscule ζ, alors que le tracé du xi en minuscule ξ indique bien une action progressive à travers les plans intermédiaires du mental et du vital, et donc sujette à déformation. (Le trait recourbé vers la terre en bas de chaque lettre minuscule indique que cette action du haut se prolonge jusque dans la matière.)
*Mots clefs : liaison directe esprit/matière (non permanente).
Tau (Lettre double)
Forme ionienne :
Formes classiques : Τ τ
Nous avons déjà dit l’essentiel du tau dans l’étude du zêta ci-dessus.
Il n’y eut pas, semble-t-il, de variantes dans le graphisme du tau. Les formes phéniciennes et araméennes utilisaient le tracé utilisé par les Grecs pour le khi (Χ).
Cette lettre semble appartenir à la catégorie des lettres doubles. Elle peut être prise dans le sens d’une existence dans la conscience la plus haute, qui est inspiration, ou d’une tension vers l’Esprit (comme dans le mot Titaino « aspirer, tendre vers »), mais peut-être aussi d’une fuite dans l’esprit.
On trouve le premier sens avec Aiétès, roi de Colchide, fils du soleil Hélios et frère de la magicienne Circé. Ce roi est le symbole de « la conscience active et totale sur le plan le plus élevé de l’esprit », de l’inspiration et du vrai « pouvoir ». Celui qui réside sur le plus haut plan de l’Esprit « connaît » et donc « peut ». Le Tau a donc aussi un sens de pouvoir, de maîtrise. (Hippotès, ιππο+Τ, est le conducteur de chevaux attelés, celui qui maîtrise la force vitale.)
Le nom de la déesse de l’erreur, de la fatalité et du malheur, Até (ΑΤΗ), celle qui inspire toutes les actions mauvaises, dit l’absence de toute inspiration (a-T), de toute connaissance vraie ; chez Homère, « elle égare tous les hommes et marche sur leurs têtes ». Elle est fille d’Éris, déesse de la discorde, de la « séparation ». Cette interprétation pourrait être confirmée par le second sens de la lettre, en ce que, pour l’homme, toute action qui n’est pas issue de la Réalité (où Vérité) est source d’erreur et de malheurs.
*Mots clefs : – aspiration vers le plan de l’esprit, inspiration.
– existence sur le plan supérieur de l’esprit (Connaissance), maîtrise, pouvoir.
– fuite dans l’esprit, erreur.
Xi
Forme ionienne :
Formes classiques : Ξ ξ
Le tracé du xi a été emprunté à la lettre phénicienne samech et ne semble pas avoir eu de variante, dans aucun des alphabets grec, phénicien ou araméen archaïques.
Nous avons parlé plus haut du xi comme symbole de la conscience qui établit une identité entre les plans, ceux de l’esprit, de la matière, et du mental/vital, plan intermédiaire où se tient l’homme.
Si l’on considère le tracé de la lettre ionienne, il ne semble pas y avoir de sens de lecture, de haut en bas ou de bas en haut. C’est-à-dire que la lettre peut aussi bien indiquer une aspiration de la matière vers les hauteurs de l’esprit, qu’une descente de la conscience supérieure de l’esprit vers les plans les plus denses. Toutefois, avec le tracé de la lettre minuscule, les initiés de l’époque tardive semblent n’avoir retenu que ce dernier sens, l’idée d’une pénétration progressive à travers les plans de plus en plus denses du mental puis du vital.
Si donc le zêta () est la lettre de l’initié qui perçoit la Vérité directement, par des éclairs d’illumination, sans passer par le mental, le xi () est plutôt celle du chercheur qui ne la perçoit qu’après sa descente à travers les différents plans. Cette vérité peut donc subir des déformations lors de sa traversée du mental, dans la mesure où ce dernier n’est pas totalement purifié.
Notons aussi que cette lettre fut, semble-t-il, une combinaison de khi et sigma, indiquant alors « un arrêt de la pénétration de la conscience en l’homme ».
L’illustration la plus évidente est fournie par l’histoire d’Ixion (Ιξιων), symbole de ce chercheur que les dieux avaient pris en amitié mais qui bientôt s’en crut l’égal, le principe d’identité formant la lettre structurante de son nom. Il se rendit coupable d’un crime impardonnable en courtisant l’épouse de Zeus. Ce dernier, après lui avoir permis de s’unir à une nuée d’Héra (c’est-à-dire à une image rêvée de la déesse), l’envoya, pour le punir, tournoyer dans les airs éternellement, attaché à une roue ailée.
*Mots clés : – identité, identification
– descente progressive de l’Esprit à travers les plans de conscience (inférieurs).
perception partielle de vérités limitées, image.
Epsilon
Formes ioniennes :
Formes classiques : Ε ε
Deux lettres dérivent dans leur tracé de la lettre xi (), principe d’identité et de perception humaine des vérités supérieures, epsilon () et êta (). Ce sont deux voyelles. (Les voyelles, rappelons-le, ne donnent pas le sens fondamental du mot, lequel se déduit des « lettres structurantes », les consonnes, mais agissant à l’instar des déterminatifs égyptiens, indiquent le domaine d’action des principes posés par les consonnes.) L’epsilon reprend le graphisme du hê phénicien. Du xi, il hérite les trois traits horizontaux, symboles des trois plans corps/vital-mental/esprit, mais le trait vertical de la conscience est déporté sur la gauche.
L’epsilon () représente une moitié du xi () tandis que l’êta () en est l’accomplissement. Ces deux lettres sont donc les symboles de l’homme actuel, incomplet, et de l’Homme futur. L’idée sous-jacente à leur tracé est celle de l’action alternée dans le mental des deux principes de fusion et de séparation, s’y manifestant comme intuition et raison, selon de très longs cycles. L’humanité se situerait actuellement, et ce, depuis treize mille ans, dans une phase de séparation nécessaire au processus d’individuation, la conscience mentale se reposant essentiellement sur l’un de ses deux piliers, le gauche, le mental séparateur logique ou mental de raison, dont le cerveau gauche est le support. (Cf. l’hypothèse émise par l’auteur dans l’étude intitulée « Les cycles du mental dans l’histoire de l’humanité ».)
L’epsilon est donc un qualificatif pour l’homme de raison actuel qui a quitté depuis de très nombreux millénaires les « âges de l’intuition ». Selon Sri Aurobindo, le Véda est un testament des âges de l’intuition (« Le secret du Véda »).
L’homme du futur, symbolisé par la lettre êta , est celui qui saura équilibrer en lui, malgré la pression des cycles, raison et intuition, exécutant parfaitement par la raison ce qu’il percevra par son intuition éclairée. De manière plus générale, l’êta traduit un équilibre supérieur.
Si l’on prend l’équivalent en lettres hébraïques de l’epsilon et de l’êta, respectivement hè ה et hèt ח, le dessin de la première lettre évoque une instabilité, quelque chose de bancal ; d’où les personnages « boiteux » dans toutes les mythologies.
*Mot clef : ce qui caractérise l’homme de raison actuel
Êta
Formes ioniennes : Η
Formes classiques : Η η
Le êta a repris le tracé de la lettre phénicienne heth . La forme plus tardive Η ne fait pas figurer les traits du haut et du bas, sans doute pour éviter les risques de confusion avec le thêta.
Une autre hypothèse voudrait que l’on considère que ces deux traits sont implicitement contenus dans celui du milieu, car si l’homme a réalisé l’équilibre des énergies des deux « piliers », alors il a aussi automatiquement réalisé en lui l’équilibre esprit/matière.
Cette lettre est donc aussi en rapport avec le plan des dieux, étape intermédiaire que l’homme futur doit avoir intégrée.
*Mot clef : l’Homme futur. (Équilibre des énergies horizontales et verticales, du ciel et de la terre).
Kappa (Lettre double)
Forme ionienne :
Formes classiques : Κ κ
Le tracé du kappa (K), qui n’a pas de variante, sauf en araméen archaïque, décrit un mouvement issu du milieu du trait vertical de la Conscience-Force et s’éloigne dans deux directions.
Il transmet une impression de dynamisme, d’ouverture, avec l’idée d’une projection de la conscience vers l’avant, et aussi d’une séparation, d’une distinction.
Une variante du tracé du upsilon se rapproche du kappa , puisqu’elle n’en diffère que par la suppression du trait orienté vers le bas. L’upsilon traduisant un état de réceptivité (voir plus loin), le exprime alors la conscience qui reçoit d’en haut et dans un même élan, projette vers la matière : un état de simultanéité de la réception et de l’action.
Il figure dans le nom de quatre Titans – Koios, Krios, Kronos et Okéanos -, lesquels sont des puissances de création issues d’une première « différenciation ».
*Mots clefs : – ouverture ou élargissement de la conscience ; projection de la conscience, création, mise en mouvement.
– différenciation, distinction, séparation.
Lambda (Lettre double)
Formes ioniennes :
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Λ λ
Le lambda est certainement la lettre dont le graphisme a le plus varié. Sa forme de crosse retournée dans les écritures phénicienne et araméenne archaïques diffère beaucoup de la forme grecque finale Λ.
Dans la forme ionienne primitive , il y a l’idée d’une projection vers la matière depuis les hauteurs de l’esprit, mais aussi d’une séparation. Les formes en usage dans les autres cités grecques indiquent aussi une projection de la conscience, mais issue d’autres niveaux ( ).
La forme finale Λ introduit un équilibre, une harmonie. Elle induit le principe fondamental de la création par lequel la Conscience-Une se manifeste en une multiplicité de points de conscience appelés à un processus d’individuation.
On peut penser que les Grecs, retenant la direction verticale pour signifier le rapport Conscience/Existence ou Esprit/Matière, avaient logiquement fait jaillir ce principe d’individuation de la conscience suprême. Ils ont donc fait pivoter en conséquence les graphismes phéniciens de 90 degrés ou 180 degrés selon les cas, pour les trois lettres Λ, Α et Δ.
Si lambda Λ est un principe d’élargissement qui conduit vers la liberté – le principe d’individuation – alors alpha Α indique ce processus à mi-course et delta Δ en fin de parcours, lorsque tous les éléments séparés ont retrouvé leur unité. Alpha étant une voyelle, seule la progression de Λ à Δ doit être prise en compte, alpha Α indiquant un état intermédiaire entre l’individuation et la ré-union.
Le lambda est aussi la lettre essentielle du mot Hélios, le soleil, « celui qui voit tout » (Panoptes), au sens d’une « conscience totale ».
Il est possible de considérer aussi le graphisme du lambda dans son mouvement d’ascension, et donc illustrant un principe de concentration tourné vers le haut. Toutefois, peu de noms semblent avoir été construits sur cette base.
*Mots clefs : – élargissement, individuation, liberté.
– séparation, division (multiplicité, diversité, dispersion).
– vision ou conscience totale.
– absorption, engloutissement.
Alpha
Formes ioniennes : A
Autre forme archaïque :
Formes classiques : Α α
La lettre alpha a conservé l’aspect originel de la lettre phénicienne archaïque , bien qu’elle ait subi une rotation de 90°. La barre transversale s’étendait aussi de part et d’autres des branches inclinées.
Lorsque les formes furent figées, les anciens voulurent probablement que son tracé dérive du lambda, la phase finale du processus étant le delta : Λ -› Α -› Δ.
Si lambda Λ est le germe du processus d’individuation, alpha Α en serait la réalisation sur le plan vital/mental (demi-réalisation), et delta Δ la ré-union finale avec l’Absolu, la nature et les autres.
Alpha étant une voyelle, elle désigne le plan vital/mental comme champ d’application des consonnes auxquelles elle est liée.
Tandis qu’epsilon Ε et êta Η concernent respectivement l’homme présent et l’Homme futur dans leur globalité, alpha indique une étape évolutive liée au mental. Et puisque cette individuation mentale est la première étape sur le chemin de la liberté, alpha est restée, comme chez les Phéniciens, la première lettre de l’alphabet. La dernière, le point culminant, est l’oméga, qui est ouverture à l’Absolu, non pas au Divin en Esprit, mais au Réel dans la matière, dans le corps (le tracé de l’Ω est celui du O qui s’ouvre vers le bas).
*Mot clefs : – le plan humain vital/mental ordinaire.
– une demi-réalisation.
Delta (Lettre double)
Forme ionienne : Δ
Formes classiques : Δ δ
Comme évoqué ci-dessus, le delta est l’aboutissement du processus d’individuation et le symbole de la « ré-union ».
Cette lettre n’a subi que peu de variantes dans son tracé. En Eubée, le triangle semble s’être fermé à partir du lambda primitif . En Argolide, sa forme en D préfigure le graphisme latin et exprime aussi la fin d’un processus : ce qui a commencé avec le gamma termine sa course en rejoignant la conscience dans la matière.
On retrouve cette lettre dans de très nombreux noms tels Danaé (évolution vers l’union), Diomède (celui qui a le dessein d’être divin, qui se soucie de l’Un, de l’Union), et surtout Déméter, la Mère de l’Union (Δη-μητηρ), c’est-à-dire la puissance qui œuvre en chacun pour la réalisation de l’unité intérieure.
Dans certaines formes de la déclinaison grecque, le delta remplaça zêta (le génitif de Zeus est Dios, datif Dii…) et chez les Latins, Zeus devint Deus. Le principe d’union devint ainsi prépondérant, du moins dans l’enseignement religieux exotérique.
Il serait aussi surprenant que delta soit la consonne structurante du nom Hadès (Αιδης), le dieu du monde souterrain, si l’on ne considérait que ce dieu travaille à l’union jusque dans l’inconscient matériel.
*Mots clefs : – union, unité, réunion, lien.
– division, crainte, séparation.
Upsilon
Forme ionienne :
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Υ υ
Son tracé était utilisé en phénicien et en araméen pour le waw.
Comme psi (), upsilon est une combinaison des formes Ι et V, du trait vertical de la conscience et du V de la réceptivité ; mais avec upsilon, le trait vertical de la conscience ne pénètre pas dans le V : il n’y a pas nécessairement action de la conscience. C’est-à-dire que cette voyelle représente seulement un état de réceptivité.
*Mots clefs : état d’ouverture, de réceptivité au niveau de la conscience (Concentration, convergence).
Psi
Forme ionienne :
Autre forme archaïque :
Formes classiques : Ψ ψ
Pour indiquer « l’action pénétrante de la conscience dans un état de réceptivité, d’ouverture », les anciens grecs créèrent une nouvelle lettre, le psi. (Il semblerait toutefois que la nécessité de cette consonne n’apparut que tardivement, des groupes de consonnes étant utilisés auparavant, ΦΣ et ΠΣ, sinon pour traduire la même idée, du moins pour obtenir la même consonance.)
Cette action peut entraîner aussi bien une « vision » qu’une « expression », d’où les deux sens du mot « Ops, ΟΨ », regard et voix.
Au psi peuvent donc être aussi associées les notions d’illumination, d’inspiration et de révélation.
Cette lettre nous permet d’introduire le mot Psyché ΨυΧη , qui peut être compris comme « l’action de la conscience supérieure, dans un état de réceptivité, au centre de l’être Ψ+Χ ». Elle y construit « l’être psychique ». Dans ce livre, ce terme désignera donc ce corps qui grandit au fil des incarnations successives autour du germe de l’« âme ». Ces termes, « âme » et « psychique », ne seront donc pas employés dans le sens habituel. « L’âme est une étincelle du feu de l’Absolu au cœur de l’être manifesté. Elle descend dans la manifestation afin de soutenir son évolution. L’être psychique (ou individualité d’âme), Psyché, est formé par l’âme au cours de son évolution. Il soutient le mental, le vital et le corps, croît par leurs expériences, porte la nature de vie en vie. Il est d’abord voilé par le mental, le vital et le corps, mais au cours de sa croissance, il devient capable de venir en avant et de dominer ces plans de l’être ».
Ceci semble en accord avec les termes employés par Homère pour désigner les différentes parties de l’être. En particulier, Psyché désigne ce qui transmigre de vie en vie, une « âme » plus ou moins consciente selon l’évolution de chacun. Ce terme désigne aussi les « ombres » parvenues au royaume d’Hadès, c’est-à-dire les expériences ou processus évolutifs achevés qui, en tant que mémoires, s’intègrent à l’être psychique dans le royaume de l’inconscient matériel.
*Mots clefs : – action de la conscience supérieure dans un état de réceptivité, d’ouverture.
– fécondation.
– illumination (réceptive), inspiration, révélation.
Nu
Formes ioniennes :
Formes classiques : Ν ν
Bien que dans leurs formes définitives, les lettres lambda Λ, nu Ν et mu Μ soient assez différentes, elle se présentent dans leur tracé primitif ( , , et ) comme un développement : l’entrée d’une âme dans la manifestation depuis les hauteurs de l’esprit avec le lambda () se poursuit par le retour de cette âme vers son origine avec le nu (), puis le processus se renouvelle avec le mû ().
Le nu est donc un principe d’évolution par une « descente » dans l’incarnation et une « remontée » vers l’origine. C’est ce que les traditions ésotériques appellent « chemin de l’aller » vers la matière et « chemin de retour » vers la lumière. Ainsi, de nombreuses épopées dans la mythologie grecque sont appelées des « retours ». Lorsqu’Ulysse doit s’en retourner à Ithaque au prix de mille épreuves pour retrouver son épouse Pénélope, il ne s’agit de rien d’autre pour lui que de retrouver sa nature divine par la réalisation de la transparence totale dans son être.
Dans cette aventure de l’incarnation, l’âme, en endossant le vêtement temporaire de la personnalité vitale-mentale et du corps, participe à la formation de l’être psychique, lequel peut ensuite, lorsqu’il vient progressivement au premier plan, utiliser librement les plans inférieurs et réaliser toutes ses potentialités.
Le nu est sans doute l’une des rares lettres à avoir gardé sa signification profonde depuis l’alphabet protosinaïtique où il figurait un serpent, symbole de l’évolution dans toutes les traditions. Ce dernier est le tentateur dans la Genèse, c’est-à-dire celui qui ouvre la voie d’une nouvelle évolution. Et c’est la partie réceptrice de l’homme, le féminin en l’homme symbolisé par Ève, qui ressent la première cette nécessité d’évolution en présentant la pomme à l’homme après y avoir goûté elle-même.
Alors que le trait vertical représente l’échelle de la conscience, depuis le plan matériel le plus dense jusqu’aux plus hautes vibrations de l’esprit, le trait horizontal, lui, est le symbole de la nature. Le nu Ν est associé à cette évolution selon la nature – physique, vitale et mentale – et donc aussi à ses rythmes. À l’opposé, l’évolution selon le plan Suprême qui peut imposer sa loi à la nature car elle la transcende, est symbolisée par le rhô .
On comprend alors pourquoi Yahvé, furieux contre le serpent tentateur, lui imposa de marcher sur le ventre, au lieu de rester dressé : l’entrée dans le mental de discernement faisait passer l’humanité de l’évolution selon la loi divine (loi verticale puisqu’elle évoluait alors dans le vital non déformé par le mental) à l’évolution selon la loi de nature (loi horizontale soumise à un mental issu de l’ignorance).
Le nu est souvent utilisé dans la construction des noms de la mythologie grecque. Placé en fin de mot, il exprime l’évolution de ce qui précède. Ainsi Déion (Δ+Ι+Ν) est l’ « évolution de la conscience en vue de l’union ». Phoronée est celui « qui porte l’évolution » (Φορ porter et N). Le nom du troyen Énée, personnage repris par Virgile pour en faire le fondateur de la lignée qui devait gouverner Rome, n’est formé que d’une seule consonne, le nu : c’est donc un pur symbole de l’évolution. Homère, ayant condamné la lignée de Tros qui rejetait la matière pour accéder à l’esprit, ouvrit cependant la porte à l’évolution future : situant Énée dans la descendance d’Assarakos, frère de Tros, il invitait l’humanité à cheminer au-delà de l’union avec le Divin en l’esprit.
*Mots clefs : – évolution (selon la nature),
– évolution par le processus d’ascension/intégration.
Mû
Formes ioniennes :
Formes classiques : Μ μ
Dans le tracé primitif du mû , le mouvement d’aller-retour dans l’incarnation se produit une seconde fois. Le retour au monde de l’esprit, la mort, ne met pas fin aux pérégrinations de l’âme qui revient sur terre afin de continuer son travail d’évolution. Le mû serait donc, dans son tracé le plus ancien, le symbole d’un principe de recommencement, de réincarnation. Peut-être aussi de causalité selon la « loi karmique », laquelle n’est pas le principe de rétribution que les hommes imaginent, mais l’opportunité de dépasser l’obstacle.
En évoluant vers le tracé final (M), qui dessine une réceptivité (le V) qui s’exerce dans un cadre strict et équilibré, celui des deux piliers de l’Arbre des Séphiroth (les énergies de puissance concentrée et de réalisation), les anciens ont introduit une notion de soumission librement acceptée et d’obéissance, laquelle est la « virginité spirituelle » ou consécration.
Cette lettre, dans toutes les langues d’origine sémitique, exprime la réceptivité de la mère, l’ouverture, la soumission vraie.
On la rencontre dans de nombreux noms de la mythologie grecque : Minos, roi de Crête et grand législateur, Μ+Ν « l’évolution de la réceptivité » ; Maia, « la consécration de la conscience », etc.
*Mots clefs : – obéissance, réceptivité, virginité, « surrender » (don de soi), consécration.
– équilibre des pôles force-conscience/énergie exécutrice sur chaque plan (raison/intuition, etc.).
– (peut-être liée aux concepts de réincarnation, causalité, loi karmique).
Khi (Lettre double)
Forme ionienne :
Formes classiques : Χ χ
Le tracé grec du khi reprend celui du tav phénicien/araméen, dont le nom a été employé par les Grecs pour le tau (T). Ces permutations laissent supposer que les anciens ne souhaitaient pas conserver les anciennes valeurs symboliques, sans doute pour éviter tout risque d’erreur.
Lettre double, elle symbolise le centre, l’origine, la concentration, l’intégration, l’intériorisation et l’accomplissement, mais aussi la suppression, l’annulation, l’arrêt.
Selon Hésiode, « Aux tous premiers temps, naquit Chaos… ». Ce terme « chaos ΧΑΟΣ », l’abîme béant, dont le khi « X » est l’élément premier (il semblerait que le suffixe OS, présent dans presque tous les noms des premières générations des dieux, signale une évolution selon la Nature), est le symbole de la Force-Conscience concentrée en elle-même.
On trouve aussi le khi dans le nom du passeur des âmes dans le royaume d’Hadès, Charon (Χαρων) : il est celui qui accompagne le mouvement en vérité (Ρ) de l’âme dans son voyage de retour vers le centre (Χ).
Le Khi au sens d’accomplissement est celui qui figure dans le nom d’Achille (Χ+ΛΛ), le héros qui accomplit la totale libération sur les plans du mental et du vital.
La lettre prend sa signification opposée dans le nom de la vipère Échidna, la mère des quatre grands monstres (l’Hydre de Lerne, Cerbère, le chien Orthros et la Chimère) et y exprime « l’arrêt du mouvement de progression dans l’unité » (X+ΔΝ).
*Mots clefs : – centre, origine, concentration, intégration, intériorisation et accomplissement.
– suppression, vide, annulation, arrêt.
Sigma
Formes ioniennes :
Formes classiques : Σ σ ς
Le graphisme évoque l’éclair, symbole de l’intuition foudroyante, qui fut réservé par la suite à Zeus, et donc au zêta. La forme ionienne archaïque puis la forme finale Σ se sont éloignées de cette image pour induire finalement l’idée d’une énergie déviée de son cheminement le plus direct.
On a vu aussi, lors de l’étude du iota, que le trait vertical brisé pouvait indiquer une descente de la force-conscience supérieure se déformant en traversant les couches plus denses.
Si l’on considère l’homme d’abord comme un être mental, le sigma serait alors le représentant de la conscience « mentale » sous ses deux aspects, raison et intuition. Tant que l’intuition n’est pas parfaitement purifiée, elle subit une déformation avant de parvenir à la conscience, d’où la ligne brisée.
Tantale, symbole de « l’aspiration la plus haute », le héros qui endure un si célèbre châtiment dans l’Hadès, régnait sur les terres situées autour du mont Sipulos (Σ+πυλος, la porte du Sigma), image du plus haut niveau mental précédant celui des dieux. Il était réputé pour ses richesses, celles obtenues par un mental vaste et puissant.
De même, le nom Ulysse (Odysseus Δ+ΣΣ) évoque l’union des deux courants qui unissent l’esprit et la matière au plus haut du mental.
Les tracés de la lettre sous sa forme cursive expriment un principe d’intériorisation/extériorisation, ou d’alternance, tantôt de l’extérieur vers l’intérieur, tantôt de l’intérieur vers l’extérieur. Ces deux mouvements, retour sur le moi et ouverture au non-moi, sont à la base du fonctionnement de la conscience humaine.
En effet le sigma minuscule s’écrit de deux façons différentes. Lorsqu’il est à l’intérieur d’un mot, il s’écrit « σ », évoquant un enroulement, un rassemblement de l’énergie. Situé en fin de mot, il s’écrit « ς » : tourné vers l’extérieur, le sigma s’ouvre pour l’action.
*Mot clefs : – conscience (ou énergie) mentale (partielle ou déformée).
– l’une des alternances du mental.
Omicron
Forme ionienne :
Formes classiques : Ο ο
Les dernières lettres que nous allons étudier sont construites à partir du cercle. Celui-ci exprime une totalité : soit celle de l’être humain, le microcosme, soit celle du cosmos, le macrocosme.
Le tracé de l’omicron est identique au tracé phénicien.
Comme voyelle qualifiante, cette lettre indique que le contexte fait référence à l’humanité en général, dans son évolution actuelle.
*Mots clefs : – totalité.
– l’homme dans la totalité de sa personnalité.
Thêta
Formes ioniennes :
Formes classiques : Θ θ
Le tracé du thêta fut dès l’origine composé d’un cercle et d’une indication de son centre par une croix ou un point. L’attention est attirée sur « ce qui advient » dans le cercle .
Le thêta indique donc ce qui est ou croît au centre de l’homme : le Divin intérieur, ou encore « l’être psychique » qui grandit autour de l’âme ou étincelle divine qui, elle, n’est pas évolutive.
La meilleure illustration de cette lettre nous est donnée par le nom de la déesse Athéna. Avec les deux lettres structurantes Θ+Ν, elle symbolise la puissance qui veille sur « l’évolution de ce qui est au centre de l’homme, sur la croissance de son être psychique ». En d’autres mots, elle représente le « maître intérieur ».
*Mots clefs : – l’être intérieur, la Réalité intérieure, l’être psychique (en croissance).
– plus généralement, ce qui est à l’intérieur, au centre.
Phi
Formes ioniennes :
Formes classiques : Φ φ
Le phi a emprunté son tracé au qof phénicien, lettre qui n’a pas été utilisée par les Grecs.
Le graphisme résulte de la combinaison du Ο et du Ι, du trait vertical de la force-conscience qui pénètre (ou traverse) la matière, sans la déformation ni l’atténuation introduite dans le xi (), générant par là même un rayonnement.
Mais, compte tenu des mots formés à partir du phi, il semblerait qu’il faille davantage se baser sur la forme archaïque, où le trait vertical se situe totalement à l’intérieur du cercle. Apparaît alors davantage la notion de la maturité de l’être psychique dont le germe provient du thêta. D’où un « rayonnement » depuis l’intérieur, distinguant cette lettre du psi qui symbolise davantage un état d’ouverture, de réceptivité et de pénétration de la force-conscience.
D’où les racines Φα, Φη, Φω, etc signifiant « briller » et Φυ « naître, croître.
On retrouve cette lettre dans les noms de personnages qui « rayonnent » : Phaéton, Phèdre, Pasiphaé…
Dans sa valeur négative, le phi a le sens d’obscurité
*Mots clefs : – pénétration directe de la force conscience.
– rayonnement.
– obscurité
Oméga
Forme ionienne :
Formes classiques : Ω ω
De même que l’Ionie fut le lieu de la transformation de nombreuses lettres phéniciennes, il semblerait qu’elle fut aussi à l’origine de la création de l’oméga.
Le tracé de cette lettre est dérivé de celui de l’omicron (O) par une ouverture située à la base, laquelle traduit une ouverture de la conscience vers l’incarnation. Elle implique alors en général dans les mots où elle figure un saut évolutif plus ou moins important.
En effet, les initiés exprimèrent par son tracé une « brèche », non pas vers le haut, le monde de l’esprit – ouverture réalisée depuis longtemps dans l’humanité par toutes sortes d’expériences spirituelles -, mais vers le bas, dans le corps, dans la matière.
A l’extrême, oméga Ω peut exprimer une possibilité de dépasser des obstacles sur la voie évolutive jusque-là réputés infranchissables, afin de contacter l’Absolu caché dans la matière et de réaliser l’Homme. Cette réorientation est au cœur même du mythe de la guerre de Troie et du périple d’Ulysse.
Toutefois, cette ouverture ne repose pas uniquement sur l’évolution mentale, mais illustre un long cheminement dont nous allons décrire les étapes au fur et à mesure, comme les Grecs les avaient perçues.
L’alpha et l’oméga sont connus comme les symboles du commencement et de la fin. Or, de même qu’alpha n’est pas, dans cette étude, le signe d’un commencement absolu, mais seulement celui d’un homme à mi-parcours de son évolution vers l’individualité, de même oméga ne représente pas une fin absolue mais le début d’une autre phase évolutive dans l’humanité, l’entrée dans un au-delà du mental.
*Mots clefs : – ouverture de la conscience vers (ou dans) la matière, dans l’incarnation.
– transformation ou transmutation.
Digamma, San et Koppa : les lettres abandonnées.
Certaines lettres furent progressivement abandonnées. Soit parce que leurs contenus symboliques ou leur utilisation pour le langage n’étaient plus nécessaires, soit parce que leur graphisme pouvait être confondu avec celui d’autres lettres, ce qui parait évident pour le san dont la forme fut utilisée pour le mû, et probable pour le koppa qui risquait d’être confondu avec le phi.
Le digamma s’est maintenu un peu plus longtemps, car on le retrouve dans les premiers manuscrits des textes homériques.

