Verlaine à Paris

Paul Verlaine en 1892 au café François Ier. Photo de Dornac.

Pour Mallarmé, Verlaine est le plus grand poète de son temps, celui qui a « chanté », avec ou sans paroles, alors que lui n’a fait que désigner, très loin, un livre inachevable.

Voir : Verlaine et Mallarmé par Maulpoix
https://www.maulpoix.net/veretmal.html

  1. Tourisme poétique sur les pas de Verlaine à Paris
    1. Paul Verlaine à Paris, Bruxelles, Londres, Arras…
    2. A Paris, sur les pas des Parnassiens, des symbolistes, de Verlaine, de Mallarmé
    3. 2ème balade parisienne sur les pas de Verlaine…
    4. Cafés poétiques à Paris
      1. Café Procope
  2. Poésies et autres textes
    1. Paris
    2. Anecdote
  3. Voir aussi

Tourisme poétique sur les pas de Verlaine à Paris

Paul Verlaine à Paris, Bruxelles, Londres, Arras…


https://www.terresdecrivains.com/Paul-VERLAINE

A Paris, sur les pas des Parnassiens, des symbolistes, de Verlaine, de Mallarmé

et de leurs amis peintres et musiciens

Du Palais-Royal à l’avenue de Wagram

Le mercredi 21 septembre 2005.

1) Dans le journal Le Rappel basé alors 18 rue de Valois (ce sont aujourd’hui des locaux de la banque de France), le poète et journaliste Émile Blémont (de son vrai nom Léon-Emile Petitdidier) signe en décembre 1880 un article très critique sur le recueil Sagesse de son ami Verlaine.
Signalons au passage que la maison d’édition « Michel Lévy Frères », créée en 1845, a ses bureaux 2 bis rue Vivienne, ainsi que 15 boulevard des Italiens. A quinze ans, Michel Lévy a ouvert avec ses frères Nathan et Calmann une librairie et un cabinet de lecture au 1 rue Vivienne. Michel Lévy Frères édite George Sand, Dumas, Stendhal, Mérimée, Balzac, Flaubert…

3) Après une interruption due à la guerre, les dîners des Vilains Bonshommes reprennent en août 1871 au café des Mille colonnes, 36 galerie Montpensier, au Palais-Royal [1], où ils s’étaient souvent tenus en 1870. Les Vilains bonshommes se radicalisent après la Commune. Ils s’opposent maintenant à Coppée, à Leconte de Lisle et aux autres parnassiens qui ont soutenu la répression bourgeoise. Les Zutiques vont bientôt prendre le relais des Vilains bonhommes. C’est le samedi 30 septembre 1871, quelques jours après son arrivée à Paris et sa rencontre avec Verlaine, que Rimbaud est présenté aux Vilains Bonshommes. Le dîner du 2 mars 1872 est marqué par l’attaque du photographe et caricaturiste Etienne Carjat par Rimbaud, à l’aide d’un couteau.

4) Au 3e étage du 20 rue Montpensier se trouve dans les années 1900 l’appartement de Jean-Louis Vaudoyer, romancier et poète, familier des Régnier (c’est-à-dire, comme tous leurs familiers, admirateur du père et amoureux d’au moins l’une des trois filles).

5) Le libraire-éditeur Alphonse Lemerre ouvre boutique en 1862 dans le passage Choiseul. Il occupe le n°23 puis plusieurs numéros impairs plus élevés. Il diffuse à partir de 1865 la revue L’Art de Louis-Xavier de Ricard (qui accueille dans ses dix numéros entre le 2 novembre 1865 et le 6 janvier 1866 des textes des poètes parnassiens – dont, en novembre, l’article de Verlaine sur Baudelaire – et se transforme en Le Parnasse contemporain avec la collaboration de Catulle Mendès). C’est dans la librairie Lemerre que, raconte Leconte de Lisle, Verlaine éjecte un jour Anatole France à coups de « botte au cul ». François Coppée, amusant, primesautier, avec son œil gris de parisien malicieux, dans un profil de médaille romaine, était l’âme de la librairie Lemerre, écrit par ailleurs Léon Daudet dans ses Souvenirs littéraires. Aujourd’hui, l’artiste Anna Stein occupe les 23-25 du passage, et veut garder trace du passé des lieux.

6) Debussy, que ses origines modestes laissent un peu à l’écart de la société parisienne, est vivement soutenu par Pierre Louÿs. Chez ce dernier, 1 rue Grétry, il joue devant Léon Blum, Henri de Régnier et d’autres convives la première partie de Pelléas et Mélisande le 31 mai 1894.

7) Verlaine est employé à la mairie du IXe, 6 rue Drouot, dans les années 1865. Il fréquente alors le café « Le Cadran » (aujourd’hui « Le Central »), à l’angle de la rue Drouot et de la rue de la Grange Batelière. Il y retrouve Rimbaud et Forain en 1871 lorsqu’il travaille dans une compagnie d’assurances rue Laffitte.

8) Au 26 rue Drouot (le bâtiment a été transformé depuis) siège le Figaro. Verlaine essaie d’y placer une nouvelle en 1883.

9) Le 28 rue de Trévise est le domicile de Léon Petitdidier (Émile Blémont), que nous avons déjà croisé. Il fonde La Renaissance littéraire et artistique en avril 1872 et y publie en septembre Les Corbeaux, un poème de Rimbaud.
Empruntons le passage Verdeau, 31 bis rue du Faubourg Montmartre, puis le passage Jouffroy, pour rejoindre le boulevard et nous diriger à droite vers le boulevard Haussmann.

10) Le Triboulet, hebdomadaire monarchiste qui dure de 1878 à 1880, puis quotidien jusqu’en janvier 1882, a ses bureaux 8 boulevard des Capucines et 35 boulevard HaussmannVerlaine tente sans succès d’y obtenir un article favorable à son recueil Sagesse en 1881.

11) Paul Verlaine, enfant, va au catéchisme rue de Douai. Entre 1853 et 1862, il est interne à la pension Landry, 32 rue Chaptal et se rend bientôt quotidiennement au lycée Bonaparte (aujourd’hui Condorcet), 8 rue du Havre.

12) Monet habite 8 rue de l’Isly en 1871 (et 26 rue d’Edimbourg en 1878).

13) Le modèle Méry Laurent a son domicile au 52 rue de Rome. Sa chevelure blonde et rousse lui crée un certain succès. Elle pose pour Manet et est la muse de Mallarmé. Méry a aussi été l’amante de Coppée, Banville, Gautier, Hugo… Elle possède également une maison 9 boulevard de Lannes, dont Proust s’inspire pour décrire l’intérieur de Mme Swann.

14) Par la place de l’Europe, nous gagnons la rue de Saint-Pétersbourg.
Dans les années 1860 est construit ici un grand pont en forme d’étoile afin de relier six rues de part et d’autre des voies ferrées qui mènent à Saint-Lazare. La gare, où le premier train parisien a pénétré en 1835, est en effet agrandie sous le Second empire. Les rues du quartier portent des noms de capitales européennes. La place de l’Europe, avec sa vue plongeante sur les trains, devient un lieu de promenade apprécié des parisiens, et un décor privilégié pour les artistes en recherche de modernité et de techniques nouvelles, comme Manet et ses amis Monet et Caillebotte. Zola fait de la gare et de la place le cadre d’ouverture de La Bête humaine.
Depuis 1872 et jusqu’à 1878 (plaque), Edouard Manet vit 4 rue de Saint-Pétersbourg, dans une ancienne salle d’escrime transformée en atelier. Il a planté ses racines dans le quartier. Il avait auparavant son atelier rue Guyot (Médéric). Les Goncourt sont scandalisés par sa peinture. Vers 1874, Mallarmé le visite chaque jour rue de Saint-Pétersbourg, après ses cours d’anglais au lycée Condorcet (alors lycée Fontane). Les grilles de la place de l’Europe constituent le fond de son tableau Le Chemin de fer, également appelé La Gare Saint-Lazare. On n’y voit en fait ni l’un ni l’autre. La toile a été peinte dans l’atelier du peintre Albert Hirsch, à l’arrière du 58 rue de Rome, et l’on y voit la porte du 4 rue de Saint-Pétersbourg au-dessus du chapeau de Victorine Meurent, son modèle favori que l’on retrouve dans Olympia, Le Déjeuner sur l’herbe, etc. L’œuvre est incomprise de la plupart des critiques. Même Zola ne sait pas trop quoi en penser. La modernité de son sujet, sa technique photographique (arrière-plan flou), son ton monochrome, la surprise affichée par le personnage principal, tout cela désarçonne, et le public comme les critiques considèrent que Manet est un peintre « primitif »… sauf Mallarmé, attiré par ce peintre surprenant. Mallarmé qui apprécie également Degas et relie les deux artistes qui, même s’ils dépeignent le règne de l’argent et la solitude de la vie urbaine, ne sont pas pour autant des amis.4 rue de Saint-Pétersbourg.

15) Stéphane Mallarmé demeure au 4e étage du 29 rue de Moscou entre 1871 et 1875. A cette époque, Méry Laurent vit au 1er étage du même immeuble.

16) La famille Mallarmé emménage en 1875 au 87 (bientôt renuméroté 89) rue de Rome.

17) Le peintre Caillebote habite dans l’immeuble qui fait l’angle entre la rue de Miromesnil et la rue de Lisbonne. Comme Manet, il aime le quartier de l’Europe, que l’on retrouve dans plusieurs de ses toiles.29 rue de Moscou.

18) Mme Strauss tient son salon 104 rue de Miromesnil.

19) Pierre Louÿs vit 147 boulevard Malesherbes de 1898 à 1902.

20) Une plaque au 154 boulevard Malesherbes signale qu’a vécu ici Gabriel Fauré, qui a en particulier mis en musique des poèmes de La Bonne chanson de Verlaine.

21) Catulle Mendès a habité 160 boulevard Malesherbes.

22) Au 149 avenue de Wagram, Augustine Bulteau, chroniqueuse au Gaulois et au Figaro, anime dans les années 1890 un salon littéraire très influent, fréquenté par Henri de Régnier, Léon Daudet, Utrillo, Barrès, Louÿs, Anna de Noailles, etc. Mme Bulteau est par sa finesse et son attention la « Ménie Grégoire » des écrivains de l’époque. Elle est pour Régnier semblable à ces fortes barques robustes qui remontent le Grand Canal chargées de beaux fruits.

23) La belle Juliette Adam tient quant à elle son salon 190 boulevard Malesherbes (l’hôtel a disparu depuis) à partir de 1887. On y côtoie des ministres, des députés, Régnier, etc.

Petite bibliographie
Correspondance générale I, 1857-1885. Paul Verlaine. Etablie et annotée par Michael Pakenham. Fayard, 2005.
Les Yeux noirs, les vies extraordinaires des soeurs Heredia. Dominique Bona, Livre de poche n°7355.

Source : https://www.terresdecrivains.com/A-Paris-sur-les-pas-des

2ème balade parisienne sur les pas de Verlaine…

De Montmartre aux Batignolles

Le mardi 15 novembre 2005.

Après un premier itinéraire A Paris, sur les pas des Parnassiens, des symbolistes, de Verlaine, de Mallarmé, nous revoici dans les années 1860 à 1890 avec Verlaine et son entourage, cette fois-ci du côté de Montmartre et des Batignolles.

1) L’église Notre-Dame-de-Clignancourt, 2 place Jules Joffrin, voit le mariage de Mathilde Mauté et Paul Verlaine le 11 août 1870. La guerre avec la Prusse dure depuis un mois, et le siège de Paris va commencer un mois plus tard.

2) Le 14 rue Nicolet est l’adresse de la famille Mauté, les beaux parents de Verlaine. En août 1871 Paul et Mathilde s’y installent, quittant leur appartement du 2 rue du Cardinal-Lemoine qu’il leur est devenu difficile de payer. Paul échappe à la chasse aux ex-Communards. Il est supposé chercher un nouvel emploi, mais l’arrivée rue Nicolet d’Arthur Rimbaud vers le 10 septembre bouleverse la situation. Deux semaines plus tard, les Mauté mettent un terme au séjour de celui qui a le chic pour se rendre indésirable, et part en volant un Christ en croix… qu’il rendra à Verlaine peu de temps après !

3) Reprenant les souvenirs d’Edmond Lepelletier Paul Verlaine, sa vie, son œuvre, Henri Troyat décrit dans son Verlaine comment le poète, réquisitionné un jour de 1867 par Lepelletier pour chanter dans une piécette de Charles de Sivry, impressionne tout son auditoire, au milieu duquel se trouvent les Mauté et leur fille Mathilde. La scène se déroule 19 rue Gabrielle chez les Berteaux, statuaires renommés.

4) Stéphane Mallarmé enseigne en 1885 l’anglais au collège Rollin (actuel lycée Jacques-Decour), 12 avenue Trudaine. L’un des élèves est Georges Verlaine, fils de Mathilde et Paul.

5) La Nouvelle Athènes, 9 place Pigalle, est un café fréquenté par Coppée, Verlaine, etc. à la fin des années 1860.

6) Victorine Meurent, le modèle de Manet et de sa célèbre Olympia, demeure 25 rue Henry Monnier.

7) Edmond Lepelletier, ami et correspondant de Verlaine, habite 22 rue de Douai.

8) Charles de Sivry (demi-frère de Mathilde Verlaine) et sa femme Emma emménagent 2 rue Fontaine Saint-Georges (rue Fontaine) en 1874.
Villiers de L’Isle-Adam habite 45 rue Fontaine en 1888-89 (et 16 place Clichy en 1888).

9) Ils vivent 64 rue de la Rochefoucauld durant la Commune. Au 56 est installé Cabaner, le musicien bohème proche de Verlaine, de Rimbaud et des zutistes.

10) Emile Blémont, poète ami de Verlaine, habite 47 rue Labruyère.

11) Nina de Callias (ou Nina de Villard – née Anne-Marie Gaillard) ouvre au début des années 1860 son salon au 17 rue Chaptal. Pour Edmond de Goncourt, c’est l’atelier de décervelage de la rue Chaptal.
Nina et sa mère tiennent ce salon littéraire et artistique de 1862 à 1882. Gautier – qui rêve maintenant de l’Académie française – et ses filles, ainsi que Mallarmé, figurent parmi les premiers habitués, surtout après l’arrêt du salon de la marquise de Ricard (voir plus bas).
D’autres les rejoignent plus tard : Coppée, puis Verlaine, Charles Cros (amant de Nina) et Villiers-de-l’Isle-Adam à partir de 1868, Richepin, Manet, Cézanne, Forain, Alphonse Allais, Germain Nouveau à partir de 1873, etc.
Nina, « compromise » pendant la Commune, se retire prudemment de Paris entre juin 1871 et mai 1873.

12) Paul Verlaine va au catéchisme rue de Douai. Entre 1853 et 1862, il est interne à la pension Landry, 32 rue Chaptal et se rend bientôt quotidiennement au lycée Bonaparte (aujourd’hui Condorcet).

13) La marquise de Ricard tient un salon littéraire dans sa demeure du 10 boulevard des Batignolles, jusqu’au décès de son mari en 1867.

14) Verlaine loge à l’hôtel Biot, 15 rue Biot, en 1890.

15) Paul Verlaine et ses parents arrivent 14 rue Lécluse en 1865. M. Verlaine décède en décembre, et Paul et sa mère vivent de 1866 à 1870 au 26 rue Lécluse. Il y reçoit poètes et amis le mardi soir, entre huit heures et minuit. Je crois que maintenant M. Paul est bien mais il donne trop d’ouvrage à sa mère. Tous les mardis il invite deux ou trois jeunes gens à dîner, il n’est pas vraiment raisonnable ; c’est bien de la dépense car tout est bien cher à Paris (Victoire Bertrand à Clarisse Pérot, cité dans Paul Verlaine, correspondance générale, établie par Michael Pakenham, Fayard, 2005, page 176).

16) Le 10 rue Nollet (alors rue Saint-Louis) est une des premières adresses parisiennes de la famille Verlaine.

17) Juste auparavant, les parents Verlaine emménagent 28 rue Truffaut en 1857.

18) En 1863 : nouvel emménagement, 45 rue Lemercier.

19) À partir de 1874, Nina de Callias déménage son appartement et son salon littéraire au 82 rue des Moines. En haut de la rue se trouve aujourd’hui le lycée Stéphane Mallarmé.

Sources :
- Correspondance de Verlaine éditée par Michael Pakenham,
- Bernard Vassor.

https://www.terresdecrivains.com/2eme-balade-parisienne-sur-les-pas

Cafés poétiques à Paris
Café Procope
Paul Verlaine, Bibi-la-Purée et Stéphane Mallarmé au café Procope, Serafino Macchiati, 1890.

Restaurant mythique du 6ème arrondissement de Paris depuis 1686, le Procope est un lieu chargé d’histoire où les plus grands écrivains & intellectuels se sont réunis (Rousseau, Diderot, Verlaine…)
https://www.procope.com/

Le Procope au XIXe siècle

De 1821 à 1839, c’est Jean-Baptiste-Godefroy-Modeste Heu (1786-1848), ayant épousé en 1814 la fille de François-Georges Delaunay, créateur du Café Anglais en 1802, qui prend la succession du célèbre Zoppi à la tête du Procope. C’est Heu qui redonne au café de Zoppi son enseigne de Café Procope, qui redevient un café littéraire avec, pour clients, les romantiques MussetGeorge SandThéophile GautierRoger de Beauvoir, lequel écrit en 1835 Le Café Procope, les comédiens Frédérick LemaîtreMarie Dorval et Mademoiselle George, entre autres. « Au Procope, vous dégustez des glaces, vous grignotez brioches, petits fours, marrons glacés, nougats, angéliques, Heu est un limonadier de grand talent », disent les critiques. Le 13 décembre 1883, c’est au Procope qu’a lieu la première assemblée du Stade français En 1890, un local constitué d’une boutique et d’une vaste arrière-salle est mis à disposition par une « femme de bien » au 13, rue de l’Ancienne-Comédie.

« Très vite, les jeunes garçons sans ouvrage et sans ressources y affluent et se voient proposer de menus travaux (triage de graines, confection d’étiquettes…) dans ce qui devient la « Maison de travail » du Patronage. Ils reçoivent en échange de la nourriture, le logement et une gratification pour les plus méritants. Des dortoirs et un réfectoire pérennes ne seront cependant trouvés qu’en 1898 au 149 de la rue de Rennes. »

L’ancien Procope a fermé définitivement en 1890 : « Le Café Procope a disparu. Il avait beaucoup de gloire, mais point d’argent », selon Anatole France écrivant sous le pseudonyme Gérôme dans L’Univers illustré.

En savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Caf%C3%A9_Procope

Poésies et autres textes

Paris
Verlaine, Paul
[PARIS] “VERS”. – MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ. DATÉ 7BRE 1893. 1 P. IN-12 (203 X 156 MM) VÉLIN TEINTÉ GLACÉ (PARTIES AMINCIES AU PLI HORIZONTAL).
http://www.sothebys.com/…/collection…/lot.312.esthl.html

Paul VERLAINE
1844 – 1896
Paris

Paris n’a de beauté qu’en son histoire,
Mais cette histoire est belle tellement !
La Seine est encaissée absurdement,
Mais son vert clair à lui seul vaut la gloire.

Paris n’a de gaîté que son bagout,
Mais ce bagout, encor qu’assez immonde,
Il fait le tour des langages du monde,
Salant un peu ce trop fade ragoût.

Paris n’a de sagesse que le sombre
Flux de son peuple et de ses factions,
Alors qu’il fait des révolutions
Avec l’Ordre embusqué dans la pénombre.

Paris n’a que sa Fille de charmant
Laquelle n’est au prix de l’Exotique
Que torts gentils et vice peu pratique
Et ce quasi désintéressement.

Paris n’a de bonté que sa légère
Ivresse de désir et de plaisir,
Sans rien de trop que le vague désir
De voir son plaisir égayer son frère.

Paris n’a rien de triste et de cruel
Que le poëte annuel ou chronique,
Crevant d’ennui sous l’oeil d’une clinique
Non loin du vieil ouvrier fraternel.

Vive Paris quand même et son histoire
Et son bagout et sa Fille, naïf
Produit d’un art pervers et primitif,
Et meure son poëte expiatoire !

Anecdote

Le poète, mourant de faim
Suivant l’immuable légende,
S’en alla frapper à la fin
Chez un éditeur de sa bande.

— Sa bande, car ce sont bandits
Que tels éditeurs et poètes —
A l’effet d’un maravédis
Ou deux, pour rompre ses diètes.

L’éditeur qui venait de ne
Vendre… qu’une édition toute,
Bref, répondit : « Mon vieux, vous me
Volez comme sur la grand’route. »

Le poète, toujours serein,
Et toujours serin, lui réplique :
Des voleurs comme moi, je crain
Qu’il n’en soit pas assez pour le bien de la République.

Paul Verlaine
25 février 1895.

Voir aussi

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