La lettre dans son graphisme et sa sonorité

En téléchargement libre https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50512c/f4.item

« …chaque mot eut sa raison; cette raison fut puisée dans la nature… »

Court de Gébelin (Histoire Naturelle de la parole)

« C’est la nature qui a poussé les hommes à émettre les sons du langage et c’est le besoin qui a fait naître le nom des choses. »

Lucrèce (De Natura Vérum)

Éduquer à la poésie. Renée Solange Dayres

Séquence 4 : La lettre dans son graphisme et sa sonorité

Objectif

L’élève, le participant doit être capable d’associer les différents graphismes (idéographique, alphabétique) à leur prononciation et à leur sens.

La lettre est le signe représentatif du caractère d’une langue et l’élément essentiel de la parole.

Du signe gravé sur une tablette jusqu’à la découverte de l’écriture voici cinq mille ans, le message humaine a franchi tous les étages de sa représentation.

Apparue en Mésopotamie, puis en Égypte, plus tard en Chine, et au IIIe millénaire avant notre ère chez les Mayas, sous la forme d‘idéogrammes, de pictogrammes, petit dessins qui figurent des objets ou des concepts, l’écriture a pris sa forme définitive vers 1700 avant notre ère avec l’apparition des premiers alphabets consonantiques dans le Proche et le Moyen-Orient, auxquels les Grecs, plus tardivement, ont ajouté les voyelles.

L’écriture est donc un fait de société, étant née de la combinaison du langage et de l’image.

Elle n’est donc pas qu’un simple substitut visuel de la parole mais un système dont il est nécessaire de connaître tous les éléments constitutifs pour découvrir leurs liens et comprendre leur enchaînement.

Exemple de pictogrammes avec leur évolution dans le temps. Écriture cunéiforme

Tableau comparatif des premières lettres de l’alphabet cananéen et de trois alphabets grecs, archaïque, ionien et classique.

Dossier de la Bibliothèque nationale de France http://classes.bnf.fr/dossiecr/index2.htm

Progression pédagogique

Explorer la lettre dans son graphisme et sa sonorité, c’est découvrir les mécanismes d’une langue et ouvrir le chemin d’accès à sa compréhension.

Cette exploration nécessite toutefois un retour en arrière. Nous avons vu plus haut que l’écriture « idéographique » – un signe par mot qui note globalement une idée et non un son – a précédé l’écriture « alphabétique » – un signe par son ou, plus exactement, un signe pour chaque consonne et chaque voyelle.

C’est donc par le dessin que l’homme est parvenu à transcrire ses idées.

Avant de partir à la conquête de la lettre, définissons l’écriture :

L’écriture est un système de notation du langage.

A – Partons à la découverte de la lettre dans son graphisme.

Redéfinissons-là bien pour la mémoriser :

La lettre est le signe représentatif du caractère d’une langue et l’élément essentiel de la parole.

Exercice :

Jeu de l’alphabet

L’alphabet est l’ensemble des vingt-six lettres servant à transcrire les sons de la langue.

Nous dessinons au tableau toutes les lettres de l’alphabet en caractères d’imprimerie. Nous les identifions une à une. Nous enchaînons avec la lettre du texte « l’Alphabet » de Paul Vaillant-Couturier.

« Paul se plaisait à imaginer les lettres un peu comme se les imaginaient les enlumineurs de manuscrit…


II y avait l’A, gendarme campé sur ses bottes,
le B, gros monsieur sans fesses roulant sur son ventre,
le C qui fait la révérence,
le D qui est assis derrière son comptoir,
le E qui a faim de toutes ses dents,
le F qui indique la sortie,
le G, menuisier des lettres avec son étau,
le H avec ses duellistes qui s’enferrent
le I monsieur maigre qui salue,
le J qui saute
et le K petit bossu,
le L qui envoie son coup de pied,
le M, la plus assise des lettres,
le N, montagne russe pour aller au ciel,
le O à qui on n’a qu’à dessiner une figure comme à la lune,
le P, initiale de Paul, ce qui suffit,
le Q dont on fait un rat en lui mettant deux oreilles,
le R mousquetaire, la plus noble et la plus majestueuse des lettres,
l’anguille du S,
la balance du T,
l’U tête sans crâne,
le V de vipère et le mystère de son identification
avec l’U sur les affiches,
le W qui n’est nulle part que sur les cabinets
et les parents lointains des lettres qui offrent avec le W une évocation d’exotisme et de voyage : X, Y, Z. »

Paul Vaillant-Couturier (« Enfance » – Editions  Messidor, 1987)

Nous commentons collectivement le texte et proposons ensuite à l’enfant de reproduire plusieurs lettres qu’il dessinera dans son cahier de poésie.

Ainsi le A devient-il une échelle double, le B un bonhomme de neige, le C un fer à cheval.

Après ce travail sur la forme des lettres _ ou signifiant graphique _ nous sélectionnons avec la classe trois mots dont la première lettre est susceptible d’évoquer leur sens respectif.

Exemple : la lettre S du mot serpent traduit parfaitement la correspondance entre la forme du reptile et son caractère reptilien.

Nous poursuivons nos investigations sur le graphisme de la lettre avec son « enluminure ».

L’enluminure est un procédé qui consiste à orner et à peindre de couleurs vives un manuscrit , ou à mettre en valeur la première lettre d’un texte, à lui donner un support iconique. C’est un art du livre qui a connu son âge d’or au XVe siècle. Voici trois modèles d’enluminures : « la Dame et le chevalier », un alphabet enluminé et une enluminure de lettre.

Alphabet enluminé dans le livre Heures de Charles d’Angoulême (XVe siècle).

Homéliaire dit de Saint-Barthélemy (vers 1250-1300), détail d’une lettrine D comportant un autoportrait de l’enlumineuse Guda.

Le jeu du mot dessiné

Nous suggérons à l’enfant de choisir un mot au hasard dont il devra faire comprendre le sens grâce au dessin qu’il en réalisera.

Exemple :

Le jeu du dictionnaire imagé

L’enfant prend l’initiative du choix d’un mot pour lequel il s’efforce de donner une définition imagée et personnelle.

Exemples :

La racine devient « le pied d’une fleur ou d’un arbre pour se maintenir debout ».

L’orange devient « un soleil qui éclate de rire ».

B- Partons à la découverte de la lettre dans sa sonorité

Considérons maintenant la lettre sous le rapport du son. La lettre qui est le produit d’un son tiré de notre instrument vocal a une sonorité différente selon l’usage recherché. Ainsi certaines lettres émanent de nos lèvres ; elles sont appelées labiales. D’autres proviennent de notre gorge; elles sont dites gutturales. Il existe encore des lettres chuintantes, dentales, linguales et nasales.

Citons en exemple les labiales b, p, v; les dentales d, t, z

En revenant à l’alphabet qui regroupe toutes les lettres de notre langue, une distinction est à faire entre les voyelles et les consonnes. Qu’est-ce qui les différencie?

Les voyelles émettent des sons qui ne font pas de bruit d’air. On en dénombre six : ce sont a, e, i, o, u et y. Les unes sont longues et les autres brèves.

Exemple :

_ le « a » de pâtes alimentaires est une voyelle longue

_ le « a » de la patte du chien est une voyelle brève.

Notons aussi que, parmi les voyelles, il y a trois sortes de « e » :

_ le « e » muet, qu’on ne prononce pa; ex : le monde

_ le « e » fermé qu’on prononce pratiquement la bouche fermée; ex: la bonté

_ le « e » ouvert qu’on prononce la bouche ouverte; ex : une fève.

Les consonnes (qui « sonnent avec » les voyelles) produisent des bruits avec le passage de l’air à travers la gorge et la bouche. On en dénombre vingt/

Voyelles et consonnes, qui élaborent les mots, se regroupent en syllabes. Chaque mot est constitué d’une, deux ou plusieurs syllabes.

Qu’est-ce qu’une syllabe?

Une syllabe est la partie d’un mot qui se prononce d’une seule émission de voix.

IL a des syllabes d’une et de deux lettres; et des mots d’une syllabe, de deux, trois, quatre, cinq, six syllabes ou plus.

Syllabes d’une ou deux lettres :

ba be bi bo bu

de trois lettres :

Tra tre tri tro tru

Des mots d’une syllabe ;

Pain; pied; lait; oeil

de deux syllabes :

se-rin; rai-sin; ga-min

de trois syllabes :

di-man-che; ca-va-lier

de quatre syllabes :

dé-mo-cra-tie; é-ga-le-ment

de cinq syllabes :

gé-né-ro-si-té; fé-o-da-li-té

de six syllabes :

o-ri-gi-na-li-té; u-ni-ver-sa-li-té

Au terme de la rencontre de l’élève, du participant avec la « texture sonore » de la lettre, qui est un des éléments-clés de la structure du poème, il nous parait indispensable de poursuivre sa relation avec la sonorité de la lettre par le biais de l’écoute musicale de Ma mère l’Oye de Maurice Ravel (thème du Petit Poucet)

Exercice :

Nous encourageons l’enfant, le participant à décrire ce que l’œuvre musicale lui a « donné à voir ».

Point de vigilance

En pénétrant dans le code graphique et phonétique de la langue, nous découvrons le lien qui unit la lettre au dessin et au son. Ceci est de nature à nous faire prendre conscience des caractères propres à la langue en tant que système, mais aussi à nous mettre en contact avec le signifiant graphique du langage poétique.

Voir aussi :

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :