
VALERY
Et que diriez-vous de vos souvenirs d’école?
MALLARME
Je n’en ai retiré aucune gloriole.
Un médiocre écolier fabriqué par l’ennui :
Conduite relâchée, goût du travail enfui,
Et pour la religion c’était bien peu de chose,
Ne gardant de ses exercices que la pose.
Mais vous serez surpris, me connaissant si bien,
Que l’on m’ait estimé intéressé par rien
Et pour mon entourage une cause de trouble!
VALERY
Du cancre reconnu le poète est un double…
MALLARME
Déménagé à Sens, moi qui fut dissipé,
Je devins taciturne et tristement plongé
Dans les rêvasseries qui paraissent moroses
Aux yeux qui ne voient pas, de toute fleur éclose,
Ses germinations dans le cœur d’un enfant.
VALERY
Et apparait la voix du poète innocent…
MALLARME
Condamné au banal mal être d’un interne,
L’école n’était pour moi qu’une affreuse caserne :
Quatre murs oppressants, récréations sans jeux…
Glissant, fantôme, au fil des jours si ennuyeux,
Mon carnet noircissait de vers innombrables
Pour tenter d’échapper à ce cadre implacable…
VALERY
L’ultime refuge par l’enfant découvert
Qui ouvre à l’infini de ce monde l’envers…
MALLARME
(Mallarmé se tournant vers le portrait de Maria qui apparait seul à l’écran )
Et tenter de survivre à la perte de celle
Qui fut mon âme sœur, la mort qui m’ensorcèle
De Maria ma sœur, descellant à nouveau
De la lourde peine la pierre du tombeau.
Dès lors je m’éloignai en grande solitude,
Apatride aux lois des sombres finitudes
De l’âme et de la chair, éprouvant cette mort
Qui de mon art sera le principal ressort.
***
(Extrait de la pièce de théâtre poétique en vers, « comment on devient poète » ou la vie et les poèmes de jeunesse de Mallarmé. Texte complet en pdf sur simple demande. Michaël Vinson)
Voir aussi :
« L’absolu au jour le jour ». Théâtre poétique en vers de Michaël Vinson